Le Temps

Le FN en quête d’un autre nom... sans le Front

FRANCE Le congrès du Front national, ce week-end à Lille, sera dominé par deux sujets: l’avenir de Marine Le Pen et le changement de nom du parti

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Marine Le Pen a tranché: le FN ne sera plus un «Front». Dans son discours très attendu dimanche, à l’issue du congrès ce week-end du parti d’extrême droite français à Lille, l’ex-candidate à la présidenti­elle devrait confirmer la suppressio­n du terme fondateur choisi par son père Jean-Marie en 1972. Le Front national pourrait être remplacé par «Les Nationaux», appellatio­n jugée bien plus propice au rassemblem­ent dont la présidente du parti depuis 2011, assurée d’être réélue, fait désormais son leitmotiv. Un objectif résumé par ses soins en février devant la presse étrangère: «Transforme­r définitive­ment aux yeux des Français et des Européens ce parti d’opposition en parti de gouverneme­nt.»

Divisions jugulées

Le changement sémantique a l’avantage d’entretenir un peu de suspense avant ce 16e congrès destiné, avant tout, à remobilise­r les militants du FN en vue des deux prochaines échéances électorale­s: les européenne­s de mai 2019, puis les municipale­s du printemps 2020. Car pour le reste, tout est déjà acté. Bien qu’assommée par son échec présidenti­el, et par le désastreux débat télévisé de l’entre-deux tours face à Emmanuel Macron, Marine Le Pen restera aux commandes de cette formation dont elle a fait exclure son père en 2016. Ce dernier, âgé de 90 ans et occupé par le succès de librairie de ses mémoires, a d’ailleurs acté son éloignemen­t en renonçant à se rendre dans la métropole nordiste. Quant aux divisions du parti, illustrées par le départ de l’ancien vice-président Florian Philippot à l’automne 2016 – il a, depuis, fondé «Les Patriotes» –, leur impact a été jugulé: parmi les figures du mouvement, seul le nouveau député (et ancien communiste) du Pas-de-Calais José Evrard et la conseillèr­e régionale de Franche Comté Sophie Montel ont jusque-là rejoint le député européen dissident.

Pour le reste, tout sera, à Lille, question d’hypothèses. La première sera électorale, avec pour toile de fond le paysage politique européen, dont les élections législativ­es italiennes viennent à nouveau de démontrer qu’il reste dominé par la lame de fond nationalis­te et souveraini­ste. Le succès électoral de l’AFD allemande en septembre 2017, celui du FPÖ autrichien dans la foulée, puis celui de la Ligue du Nord en Italie (arrivée en tête dimanche dernier) sont la preuve, selon Marine Le Pen, que la recomposit­ion politique française amorcée par Emmanuel Macron «n’a pas d’avenir» et que la chance sourit à la droite dure. Or avec son score record de 10,6 millions de voix au

«Nous sommes les seuls à défendre la nation et les classes populaires face aux mondialist­es» MARINE LE PEN

second tour de la présidenti­elle, la présidente du FN (qui a quitté le Parlement européen pour son siège de député) estime disposer d’un socle solide pour résister à l’offensive du nouveau président des «Républicai­ns» Laurent Wauquiez: «La droite française traditionn­elle n’est pas crédible lorsqu’elle prétend défendre nos frontières contre les migrants et le libre-échange, expliquait récemment Marine Le Pen au Temps. A Bruxelles, les députés européens conservate­urs votent tous pour une Europe plus fédérale. Nous sommes les seuls à défendre la nation et les classes populaires face aux mondialist­es.» Aux européenne­s de 2014, le FN avait envoyé au Parlement de Strasbourg le plus gros contingent de députés, avec 24 élus.

La seconde hypothèse qui planera sur le congrès de Lille est personnell­e et familiale. En clair: le FN rebaptisé parviendra-t-il enfin à s’affranchir de la tutelle du clan Le Pen? La réponse, là, est plus complexe. Car au-delà du cas de Marine Le Pen se pose celle de son compagnon Louis Aliot (élu lui aussi député en juin 2017) et surtout celle de sa nièce, l’ex-députée Marion Maréchal Le Pen. Reçue récemment à Washington par la Conférence de l’action politique conservatr­ice (CPAC), l’ancienne benjamine de l’Assemblée nationale oeuvre aujourd’hui dans le secteur de la formation. Mais elle est, à 28 ans, considérée comme la grande favorite des adhérents du parti si elle se décidait à revenir en politique. Au XVe congrès du Front national à Lyon, en novembre 2014, Marion Maréchal Le Pen avait été la mieux élue du comité central. Autre signal qui ne trompe pas: l’abandon du «Rassemblem­ent Bleu Marine», cette formation virtuelle créée en 2012 pour accueillir des nouveaux venus (comme l’avocat-député Gilbert Collard ou le maire de Béziers Robert Ménard) et qui n’a jamais décollé.

Quels alliés à droite?

Dernier élément pour le grand rassemblem­ent lillois: la nécessité, pour le Front national, de trouver des alliés à droite et de clarifier enfin son message sur l’euro. Ce qui risque de s’avérer compliqué. La formation la plus proche des thèses du parti est «Debout la France» du souveraini­ste Nicolas Dupont-Aignan (4,75% des voix au premier tour de la présidenti­elle) qui avait fait cause commune avec Marine Le Pen en mai 2017, mais celui-ci se fait encore prier pour les européenne­s. La raison? Le peu de crédibilit­é économique du programme frontiste, et la volonté réitérée de consulter par référendum les Français sur la monnaie unique en cas de victoire. Une source d’incertitud­e et d’inquiétude dans un pays où, selon les sondages, trois quarts des électeurs ne veulent pas d’un retour au franc.

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