En France, la nouvelle bataille des privatisations est lancée
Le gouvernement français est en train de dresser la liste des entreprises dont il souhaite se désengager. Avec une promesse: garder le contrôle des secteurs «stratégiques»
La colère des défenseurs du service public à la française, mobilisés contre la réforme de la SNCF, n’incite pas Emmanuel Macron à modifier ses plans. Au contraire. Alors que les syndicats de fonctionnaires, et ceux des cheminots, défileront ensemble le 22 mars, le gouvernement travaille ces jours-ci sur un autre volet controversé de ses réformes économiques: la transformation des entreprises publiques, et la privatisation totale ou partielle de plusieurs d’entre elles.
Ces ventes d’actifs devraient être intégrées dans le futur projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), annoncé pour avril. La cession d’une partie du capital d’Aéroports de Paris (ADP) – exploitant des aéroports de Roissy et Orly et de 22 aéroports internationaux – et celle de La Française des jeux figurerait au programme.
Revenir sur les privatisations Mitterrand
En France, la question des privatisations a toujours été épineuse sur le plan politique. Au milieu des années 1980, le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac avait donné le coup d’envoi de la première vague de cessions, destinées à revenir sur les nationalisations décidées en 1981, après l’élection à la présidence de François Mitterrand. Les banques Paribas et Société Générale avaient alors été vendues par l’Etat, tout comme Saint-Gobain, et les groupes Matra (armement) et Suez. Plus emblématique encore: la chaîne de télévision TF1 avait été cédée au groupe immobilier Bouygues, qui la détient toujours aujourd’hui.
Le gouvernement socialiste de Michel Rocard avait ensuite, en 1988, ouvert le capital de Renault. Puis, au fil des vingt années suivantes, la droite et la gauche au pouvoir avaient poursuivi le mouvement, cédant en partie ou en totalité Air France (dont 14% du capital restent aujourd’hui publics), Elf Aquitaine, Total, ou le Crédit Lyonnais…
La liste des privatisations envisagées par Emmanuel Macron n’est pas encore fixée. Mais, déjà, plusieurs entreprises à capitaux publics sont ciblées. Cotée en bourse, mais toujours détenue à 50,6% par l’Etat français, Aéroports de Paris (ADP) arriverait en tête, sur la base d’une valorisation de l’actuelle participation publique à plus de 8 milliards d’euros. Suivrait La Française des jeux, qui garderait le monopole public du loto et des loteries mais pourrait voir l’Etat revendre une partie des 70% du capital qu’il détient.
Financer un fonds souverain
Engie, premier fournisseur de gaz français (ex-GDF), serait aussi sur cette liste. L’Etat, qui détient 24% de son capital, en a cédé 4% pour 1,5 milliard d’euros en septembre 2017. Il pourrait encore abaisser sa participation dans l’entreprise, moyennant le maintien d’une part suffisante de droits de vote. La poursuite du désengagement de l’Etat dans le capital de Renault est aussi évoquée.
L’argument employé pour justifier ces cessions est celui de l’avenir. Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis l’instauration d’un fonds souverain français doté de 10 milliards d’euros chargé d’investir dans les nouvelles technologies. Une promesse que ce nouveau train de privatisations permettra de financer.
Toutes les entreprises citées sont profitables et ne devraient pas avoir de mal à attirer les investisseurs. ADP a dégagé plus de 1 milliard d’euros de profits en 2017. La Française des jeux a affiché des bénéfices record de 200 millions d’euros l’an dernier et Engie est également bénéficiaire. Selon le gouvernement, les 10 milliards d’euros de cessions récoltés permettront d’investir 200 millions par an dans les secteurs innovants.
A double tranchant
L’autre argument est politique. Pas question, selon le gouvernement français, de se désengager de secteurs stratégiques comme la production d’électricité, ce qui devrait conduire au statu quo à EDF, ou la gestion du parc nucléaire.
Mais ce critère est à double tranchant: comment justifier, par exemple, la cession partielle ou totale d’ADP alors qu’à Toulouse l’Etat a décidé en février dernier de suspendre la cession de ses parts dans l’aéroport de Blagnac aux investisseurs chinois qui en ont acquis 49,99% en 2016? Dans le cas d’ADP, la renégociation, d’ici à fin 2018, de la convention qui lie l’entreprise aux pouvoirs publics devra répondre à cette question.