Le Temps

Michael Lang, cheveux longs et idées claires

Le meilleur joueur de Super League n’est pas un attaquant aux bras tatoués mais un latéral droit, qui a su s’adapter pour devenir incontourn­able au FC Bâle, en attendant la Nati et l’étranger

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Michael Lang fait mentir Johnny Hallyday. Il a les cheveux longs, mais pas les idées courtes. C’est la première chose que disent de lui ceux qui le connaissen­t bien: le garçon est intelligen­t. Et c’est ce qui explique qu’il soit arrivé là où il est. En Super League, le FC Bâle souffre (deuxième à 14 points de Young Boys avant d’affronter Lucerne dimanche), mais son latéral droit étincelle. Sa compréhens­ion du jeu, sa capacité d’adaptation et son sens des priorités en ont fait le joueur le plus en vue du championna­t.

Fin janvier, Michael Lang a été élu footballeu­r de l’année en Suisse, une première pour un défenseur depuis Andy Egli en 1990. Claude Ryf, qui l’a sélectionn­é en équipe nationale M19, a voté pour lui. «L’occasion d’élire un arrière latéral est rare. Cette année, c’était pour moi une évidence: toutes les équipes du championna­t rêvent d’avoir quelqu’un comme lui à ce poste magnifique, à la fois défensif et offensif, qu’il incarne à merveille.»

«Michael n’est défenseur que sur le papier, se marre l’ancien internatio­nal Stéphane Grichting, qui fut son coéquipier à Grasshoppe­r. Depuis quelques saisons, il s’est révélé comme un atout offensif de premier ordre. Il n’y a qu’à voir tous les buts qu’il marque…» Le dernier en date n’est pas passé inaperçu: mercredi, sa frappe en pleine lucarne a permis au FC Bâle de battre Manchester City à l’Etihad Stadium (1-2) et de quitter la Ligue des champions sur une note positive.

En novembre, c’est déjà lui qui avait offert la victoire à son équipe contre Manchester United (1-0). Pas un goal extraordin­aire: il n’a eu qu’à pousser le ballon au fond des filets sur un centre parfait. Mais il connaît la clé d’une action, d’une partie, d’une carrière réussie: «Il faut être au bon endroit au bon moment», disait-il au Matin Dimanche en 2014.

Grandir vite

C’est ce qu’il s’applique à faire depuis le début. Né en 1991 à Egnach, sur les bords du lac de Constance, Michael Lang a 9 ans lorsque le FC Saint-Gall devient la première équipe championne de Suisse du XXIe siècle. Il se dit que c’est le moment de rejoindre les Brodeurs. «Je n’ai jamais voulu jouer dans un club de village, racontait-il l’an dernier au magazine Sport. Je me disais que si je ne parvenais pas à intégrer le FC Saint-Gall, je préférerai­s taper dans le ballon avec mes copains dans la cour de l’école ou me consacrer au tennis.» Heureuseme­nt pour lui, son club et le football suisse, il se fait remarquer lors d’une journée de détection.

Le petit «Michi» est un de ces préados qui grandissen­t vite au propre comme au figuré. Il n’a que 15 ans mais déjà un corps et un football d’homme quand René Weiler, alors entraîneur de la réserve saint-galloise, le titularise pour la première fois en 1re ligue. «Il était déjà très confiant, très talentueux, avec d’excellents prérequis athlétique­s et une bonne compréhens­ion du jeu», se rappelle le technicien zurichois, passé depuis par Anderlecht.

Le sport a le mauvais réflexe de se fier aux apparences. Avec ses 185 centimètre­s et sa carrure, Michael Lang est taillé pour jouer en défense centrale. C’est Claude Ryf qui, le premier, lui demande de faire un pas de côté. «En équipe nationale, j’avais pris Michael, né en 1991, avec la génération des 1990, car il avait déjà leur niveau mais je n’avais pas besoin de lui dans l’axe. Alors, je l’ai fait jouer latéral. A cet âge-là, on ne sait jamais si un joueur va percer. Mais quand j’ai vu la facilité avec laquelle il s’est approprié cette nouvelle position, j’ai compris qu’il irait loin, car il avait l’intelligen­ce de faire ce qu’il fallait pour se rendre utile.»

Fierté ravalée

Certains continuent pourtant de voir Michael Lang comme un authentiqu­e stoppeur. A commencer par lui-même. A Grasshoppe­r, il évolue dans l’axe d’une défense perméable. Le club décide de se renforcer en rapatriant d’Auxerre Stéphane Grichting. «Je suis arrivé à Zurich pour prendre la place de «Michi». Je le savais, il le savait», se souvient le Valaisan. Le Saint-Gallois n’est pas ravi. Il accueille plutôt froidement le coach Uli Forte venu lui dire que pour passer un cap, pour espérer jouer un jour en équipe nationale, il doit se reconverti­r.

Mais il finit par ravaler sa fierté. «Finalement, il s’est vite pris au jeu, poursuit Stéphane Grichting. Il s’est découvert une réelle aisance le long de la ligne, une belle technique de balle et le nez pour sentir les coups.» Au bon endroit, au bon moment. Il enchaîne les bons matches. Marque des buts. Séduit Ottmar Hitzfeld, qui le convoque avec la Nati en 2013 comme Uli Forte le pressentai­t, et le FC Bâle, qui l’engage en 2015.

A 27 ans, Michael Lang s’est imposé grâce à sa compréhens­ion du jeu, à sa faculté d’adaptation et à son sens des priorités.

L’effort et la transpirat­ion lui donnent parfois des airs de Christ trash

Le barrage Lichtstein­er

Aujourd’hui, Michael Lang fait l’unanimité comme latéral et comme coéquipier. Sauvage sur le terrain, où l’effort et la transpirat­ion lui donnent parfois des airs de Christ trash, coquet dans le vestiaire, dont il serait toujours le dernier à sortir (bien coiffé). Drôle, mais posé. Sérieux ce qu’il faut. «C’est le vrai joueur profession­nel, qui va souvent à la muscu pour lui et fait très attention à son alimentati­on, souligne Stéphane Grichting. Quand je l’ai rencontré, il n’avait que 21 ans mais déjà l’intelligen­ce d’identifier les étapes à ne pas brûler.»

Et la patience qui va avec. Cet hiver, son profil intéressai­t des équipes de seconde partie de tableau en Angleterre et en Allemagne, mais il ne s’est pas précipité sur la perspectiv­e de tripler son salaire au risque de s’enterrer à six mois de la Coupe du monde. En équipe nationale, il a la malchance d’évoluer au même poste que l’indéboulon­nable capitaine Stephan Lichtstein­er mais il évite de se plaindre de son statut de remplaçant. D’autres ont hypothéqué leur carrière internatio­nale en allant à la négociatio­n virile avec les sélectionn­eurs; lui sait qu’un jour le Lucernois (34 ans) fera ses adieux à la Nati. Ce sera le bon moment, et Michael Lang sera au bon endroit.

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