Une rencontre vertigineuse
GÉOPOLITIQUE Le président américain, Donald Trump, a accepté de participer à un sommet historique avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un. Aura-t-il lieu? Si oui, qu’en attendre? Explications.
La conduite de Donald Trump peut se lire à l’aune d’une obsession: déconstruire l’héritage de Barack Obama. Mais le président américain aimerait aussi récolter les mêmes honneurs que son prédécesseur, avec un Prix Nobel de la paix, par exemple. Pour cela, la péninsule coréenne pourrait être le terrain idéal. Ce scénario – qui m’a été soufflé il y a quelques mois par un diplomate sud-coréen – semble prendre corps. La rencontre entre Kim Jong-un et Donald Trump – sans doute à Pyongyang, le premier invitant le second – serait en effet de nature à infléchir l’Histoire… et le jugement des sages d’Oslo.
Donald Trump réussira-t-il là où Bill Clinton avait échoué de justesse et ce à quoi Barack Obama avait renoncé: faire un deal avec Pyongyang pour solder le dernier conflit non résolu de la Guerre froide? La soudaine accélération du processus diplomatique pourrait laisser penser que la posture de confrontation de la Maison-Blanche a finalement payé et que le milliardaire est plus fin stratège qu’on ne voulait bien le croire. Sa rhétorique guerrière et son appui à des sanctions sans précédent n’ont-ils pas obligé Kim Jong-un à s’asseoir à la table des négociations?
Cette lecture est séduisante. La réalité est pourtant que Kim Jong-un manoeuvre parfaitement un président américain en grande partie déboussolé. Rappelons quelques faits: après un sixième essai nucléaire et plusieurs tirs de missiles balistiques de longue portée pouvant atteindre les EtatsUnis, la Corée du Nord s’est déclarée en novembre dernier puissance nucléaire. Affirmation disputée par les spécialistes, mais néanmoins crédible. De son côté, Donald Trump a vu une désertion de ses diplomates dans la région. En acceptant l’invitation de Kim Jong-un, sans conditions (hormis la suspension des essais nord-coréens) et avec une vague promesse de dénucléarisation, Donald Trump offre à son rival une première
Le leader nord-coréen se voit traité en égal du président de la première puissance mondiale
grande victoire: le leader nord-coréen se voit traité en égal du président de la première puissance mondiale et son arsenal nucléaire lui permet de négocier une paix selon ses termes. Kim Jong-un a une nouvelle fois l’avantage de l’initiative.
Cette dynamique d’un réchauffement des relations entre Washington et Pyongyang n’en est pas moins à saluer. Elle écarte temporairement la crainte d’un affrontement qui se dessinait ces derniers mois. Elle profite par ailleurs d’un changement de pouvoir à Séoul dont le nouveau président de centre gauche renoue avec une politique de la main tendue. Celle-ci se traduira fin avril par un sommet intercoréen, sur la frontière, un mois avant la rencontre annoncée entre Kim Jong-un et Donald Trump. Autant de bonnes nouvelles.
Si un accord de paix est à espérer, mettant un terme à l’armistice signé en 1953, qui est toujours en vigueur, il faut pourtant bien souligner les risques d’échec d’un sommet conclu dans la précipitation. Il est très peu probable en effet que le maître de Pyongyang envisage une dénucléarisation véritable, cette arme étant désormais une assurance vie pour lui et son régime. Il faudrait pour cela, selon les termes de Pyongyang, que les Etats-Unis renoncent à leur alliance militaire avec Séoul, retire leurs 30000 hommes de Corée du Sud et s’engagent à écarter toute arme nucléaire, y compris tactique, dans la région, ce qui inclut le Japon. En gros, les alliés des Etats-Unis seraient dépourvus de parapluie face à la Chine. Bien sûr, le propre d’une négociation est de trouver un compromis. Il se peut que le président américain trouve l’alchimie avec un leader qu’il qualifiait récemment de fou (et réciproquement). Mais le degré d’impréparation de Donald Trump face à Pyongyang
– et à Pékin – est consternant.
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