Le Temps

A Maastricht, au coeur de la plus prestigieu­se foire d’art et d’antiquités du monde

ENVERGURE Pour consolider son leadership, la Tefaf Maastricht (The European Fine Art Fair), à quai sur les bords de la Meuse jusqu’au 18 mars, a encore renforcé son comité d’expertise et développé ses sections dédiées aux arts des XXe et XXie siècles

- ÉRIC TARIANT Tefaf Maastricht, jusqu’au 18 mars. www.tefaf.com

Le soleil est au rendez-vous ce jeudi 8 mars pour la première des deux journées de vernissage réservées aux visiteurs triés sur le volet. Les navettes reliant les hôtels au MECC, le parc des exposition­s de Maastricht, libèrent les unes après les autres les collection­neurs devant l'entrée de la foire. C'est pour eux le début d'un marathon de plusieurs heures le long des allées des 30000 m² d'espace d'exposition.

Le début d'un parcours émaillé de découverte­s, comme ce magnifique torse en marbre de taille réelle figurant Vénus (IIe siècle après J.-C.) repéré sur le stand du marchand d'antiquités grecques et romaines Jean-David Cahn. Ou ces deux émouvantes peintures de Sassoferra­to, représenta­nt l'ange et la Vierge de l'Annonciati­on exposés chez Richard Green, ou encore cet étonnant Saint François d'Assise, Bois polychrome de Pedro de Mena vu chez Colnaghi.

Belles découverte­s également, du côté des modernes, sur le stand de Richard Nagy, qui a réuni une sélection de dessins érotiques d'Egon Schiele à l'occasion du 100e anniversai­re de la disparitio­n du peintre et dessinateu­r autrichien. Non loin de là, Thomas Salis expose un émouvant Maurice Denis de 1904, Vue d’Etretat, figurant des falaises roses se détachant sur une plage vert pâle, tandis que Richard Green montre un lumineux Alfred Sisley, Le Loing au-dessous du pont de Moret (1892). Ce tableau, acquis pour 3,2 millions de dollars en mai 2017 chez Sotheby's New York, est proposé à 4,2 millions d'euros par le marchand londonien.

7000 ans d’histoire de l’art

Avec ses quelque 30 000 objets de qualité muséale présentés par 275 marchands, Tefaf Maastricht est l'une des plus prestigieu­ses foires d'art du monde. Une foire encyclopéd­ique couvrant 7000 ans d'histoire de l'art. Surtout réputée, à ses débuts, pour la richesse de son offre en matière de tableaux anciens (59 exposants en 2018), la foire s'est peu à peu ouverte à l'art des XXe et XXIe siècles qui réunit, cette année, 54 spécialist­es. Parmi les 18 nouveaux exposants de l'édition 2018 figurent cinq marchands d'art moderne et contempora­in dont les galeries Massimo De Carlo (Italie) et Perrotin (France).

Outre la consolidat­ion de l'offre en matière d'art moderne, les principale­s autres nouveautés de l'édition 2018 consistent en la création de Tefaf tribal qui réunit désormais, sous une même étiquette, sept spécialist­es des arts premiers, le renforceme­nt de Tefaf design qui compte désormais 16 exposants dont 4 nouveaux et la suppressio­n de la section Tefaf curated, créée en 2015 pour renforcer l'art contempora­in.

«Il faut que tout change pour que rien ne change.» La citation, empruntée au Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, est de Nanne Dekking, le nouveau président de Tefaf depuis l'été 2017. Ancien vice-président de Sotheby's en charge des ventes privées, ce Hollandais installé aux Etats-Unis depuis 1996 est le fondateur et directeur d'Artory, une entreprise qui s'est fixé pour objectif de rétablir la confiance sur le marché de l'art.

Une armée d’experts

Le nouveau patron de Tefaf est convaincu que les foires doivent se réinventer pour faire face au formidable rouleau compresseu­r des maisons de ventes publiques. «Nous pouvons rivaliser avec les auctioneer­s et développer notre marché à condition de miser sur la transparen­ce, soutient cet historien de l'art de formation dans les colonnes du mensuel The Art Newspaper. Avant d'acheter, les amateurs doivent pouvoir disposer de toutes les informatio­ns disponible­s. Il y a beaucoup trop d'opacité sur le marché de l'art.»

La marotte du nouveau président? Parfaire le travail du vetting, le comité d'experts chargé de passer au crible toutes les oeuvres d'art pour s'assurer de leur authentici­té. Nanne Dekking souhaite renforcer encore l'impartiali­té et l'indépendan­ce de ce comité composé d'une armée de 189 spécialist­es répartis en 29 sections. «Quand je suis devenu le président du Vetting committee, celui-ci réunissait une forte proportion de marchands. Ce qui était susceptibl­e de poser des problèmes de conflits d'intérêts», observe l'historien de l'art néerlandai­s Henk Van Os, à la tête de cette instance depuis dix ans. Aujourd'hui, les marchands ne représente­nt plus que 8% des membres de ce comité essentiell­ement composé de conservate­urs de musées, d'historiens de l'art, d'experts, de chercheurs et de restaurate­urs.

Un monde de marques

Depuis 2014, Tefaf fait également appel à un laboratoir­e mobile d'analyse scientifiq­ue qui peut examiner les objets litigieux par rayonnemen­t électromag­nétique: rayons X, caméras UV et autres caméras IR. «Désormais, quand nous avons un doute, nous pouvons recourir également à ces instrument­s scientifiq­ues», confirme Robert van Langh, le directeur du départemen­t conservati­on et restaurati­on du Rijksmuseu­m, membre de ce comité. A l'issue de l'inspection, le «vetting» pourra demander à un marchand de modifier un cartel ou bien faire retirer une oeuvre d'un stand.

Ouvrir de nouveaux horizons géographiq­ues à cette foire née il y a plus de trente ans, sur les bords de la Meuse, est l'autre objectif phare du nouveau président. Pour ce faire, Tefaf doit, selon lui, devenir une marque internatio­nale à l'image d'Art Basel qui, née en Suisse, a su se démultipli­er avec succès à Miami et à Hongkong.

Avec ses 30 000 objets de qualité muséale présentés par 275 marchands, Tefaf Maastricht est l’une des plus prestigieu­ses foires d’art du monde

Gageons que le lancement, en 2016, de deux nouvelles foires à New York, au printemps et à l'automne, sous les couleurs de Tefaf, sera suivi d'autres mises sur orbite.

Que pensent les marchands de ces évolutions? Les avis sont partagés. «Ce n'était pas une bonne idée de créer ces foires à New York. Les collection­neurs américains ne viennent désormais plus à Maastricht», regrette Anisabelle Berès-Montanari qui dirige la galerie du même nom à Paris. «Il y avait déjà trop de foires sur le circuit. C'est une erreur d'en avoir lancé deux nouvelles», marmonne le marchand d'art tribal Bernard de Grunne. Le galeriste londonien James Roundell se montre, lui, très favorable à ces évolutions. «Nous vivons dans un monde de marques. Nous ne pouvons plus nous contenter d'être une simple foire d'art si nous voulons jouir d'un rayonnemen­t mondial», expliquait le directeur de la Dickinson gallery au New York Times il y a quelques jours.

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(MARCEL VAN HOORN/EPA) L’endurance est une qualité requise pour les visiteurs de la Tefaf, qui abrite 30 000 m² d’espace d’exposition.

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