Le Temps

«Il est très probable que la Russie soit responsabl­e»

Theresa May a estimé «hautement probable» que la Russie soit derrière la tentative d’assassinat de l’ex-agent Sergueï Skripal le 4 mars dernier. Elle donne jusqu’à ce mardi à la Russie pour répondre et menace de mesures de rétorsion

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Pour Theresa May, il est «hautement probable» que la Russie soit responsabl­e de l’empoisonne­ment de l’ex-espion Sergueï Skripal et de sa fille le 4 mars dernier à Salisbury. La première ministre britanniqu­e exige d’ici à mardi soir des explicatio­ns de Moscou. Le Kremlin dénonce un «numéro de cirque».

La tentative d’assassinat contre l’ex-agent russe Sergueï Skripal tourne à la crise diplomatiq­ue entre Londres et Moscou. Dans une déclaratio­n solennelle devant la Chambre des communes, Theresa May a jugé «hautement probable» que la Russie soit derrière l’empoisonne­ment à l’agent innervant le 4 mars du transfuge russe et de sa fille, qui sont toujours dans un état critique. La première ministre britanniqu­e donne jusqu’à ce mardi soir au gouverneme­nt russe pour s’expliquer. Sinon, elle promet d’imposer «une large palette de mesures» de rétorsion, sans donner plus de détails pour l’instant.

Un «agent innervant» russe

Theresa May a réalisé un compte rendu presque policier de la situation. Elle a expliqué que le poison utilisé était «un agent innervant de niveau militaire d’un type développé par la Russie», faisant partie d’un groupe surnommé «Novichok». «Basé sur cette identifica­tion par les experts mondiaux du laboratoir­e des sciences et technologi­es de la défense, à Porton Down (un laboratoir­e militaire), et sachant que la Russie a précédemme­nt produit cet agent et est encore capable d’en produire, étant donné que la Russie a conduit des assassinat­s approuvés par l’Etat, et étant donné que nous estimons que la Russie considère certains transfuges comme des objectifs légitimes pour des assassinat­s, le gouverneme­nt a conclu qu’il était hautement probable que la Russie était responsabl­e des actes contre Sergueï et Yulia Skripal.» La première ministre britanniqu­e en tire deux explicatio­ns possibles: «Soit c’était un acte direct de l’Etat russe contre notre pays. Soit le gouverneme­nt russe a perdu le contrôle de cet agent innervant aux conséquenc­es potentiell­ement catastroph­iques et l’a laissé tomber dans d’autres mains.»

Haussement d’épaules à Moscou

Le ministre des Affaires étrangères britanniqu­e Boris Johnson a convoqué l’ambassadeu­r russe à Londres. Il lui a demandé d’expliquer comment un tel poison avait pu arriver à Salisbury, au sud-ouest de l’Angleterre, où s’est déroulée la tentative d’assassinat. Le gouverneme­nt britanniqu­e exige aussi que la Russe dévoile l’intégralit­é du programme Novichok à l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques, basée à La Haye.

Pour l’instant, Moscou semble répondre d’un simple haussement d’épaules. Les débats à Westminste­r ne sont qu’un «spectacle de cirque», assène le porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe. Plus tôt dans la journée, interpellé par la BBC, Vladimir Poutine, en tournée électorale dans une exploitati­on agricole, avait évacué le problème en quelques mots: «On s’occupe ici d’agricultur­e et vous me parlez d’une tragédie. Commencez par comprendre ce qu’il s’est passé là-bas et on en discutera.»

Ajoutant à l’affront, Andrei Lugovoi, officielle­ment accusé par la justice britanniqu­e d’avoir mené le meurtre de l’ancien agent Alexander Litvinenko à Londres en 2006, a aussi ridiculisé la situation. Lui qui est aujourd’hui député et homme d’affaires, estime que le Royaume-Uni est en train de dérouler «un scénario pré-arrangé». Cette affaire, et le refus de la Russie d’extrader Andrei Lugovoi, avait déjà provoqué une profonde crise diplomatiq­ue entre les deux pays.

Contrastan­t avec cette fausse indifféren­ce, le ton était particuliè­rement dur à la Chambre des communes. Tom Tugendhat, un député qui dirige le comité parlementa­ire aux affaires étrangères, estime que l’agression contre Sergueï Skripal est «comme un acte de guerre». La seule voix dissonante a été celle du leader de l’opposition, Jeremy Corbyn, qui appelle à éviter l’escalade. Sous les huées, il a aussi critiqué le parti conservate­ur pour avoir accepté par le passé des donations d’oligarques russes, et il appelle à de nouvelles sanctions financière­s.

Difficile dans ces circonstan­ces d’imaginer que la Russie puisse apporter une réponse satisfaisa­nte au gouverneme­nt britanniqu­e d’ici à ce mardi soir. Theresa May sera alors dans l’obligation d’agir. La question est de savoir ce qu’elle peut vraiment faire, alors que d’importante­s sanctions financière­s sont déjà en place.■

«Soit c’était un acte direct de l’Etat russe contre notre pays, soit le gouverneme­nt russe a perdu le contrôle de cet agent innervant» THERESA MAY,

PREMIÈRE MINISTRE BRITANNIQU­E

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 ?? (MARK CUTHBERT/UK PRESS VIA GETTY IMAGES) ?? Thersa May à Londres, lundi 12 mars 2018.
(MARK CUTHBERT/UK PRESS VIA GETTY IMAGES) Thersa May à Londres, lundi 12 mars 2018.

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