Les frontaliers contre-attaquent
Le Groupement transfrontalier européen lance une campagne d’affichage choc pour contrer les attaques des pendulaires français. Avec humour
«Si je vous dis que je suis trans, ça vous choque?» Avec ce slogan choc, les pendulaires français, ces «transfrontaliers», ripostent aux attaques de la droite dure qui fleurissent de plus belle à Genève en ce début de campagne électorale. Dévoilées vendredi lors du congrès annuel du Groupement transfrontalier européen (GTE), ces affiches entendent répondre aux clichés par les clichés. Elles seront placardées des deux côtés de la frontière dans deux semaines.
Lassés d’être taxés de profiteurs, d’opportunistes ou encore de voleurs d’emploi, les frontaliers assument leur statut à cheval entre deux pays: «Oui j’ai une double vie. Ça vous heurte?» lance un jeune homme à l’air déterminé sur une autre affiche.
Une manière de revendiquer sa différence et d’exiger le respect. A l’image du discours final du président du GTE, Michel Charrat: «Combattons l’intolérance, le populisme d’où qu’il vienne. Effaçons la frontière, construisons l’avenir pour les générations futures.»
Entre la préférence indigène qui s’est généralisée et les attaques répétées des partis populistes, les frontaliers ne cessent d’être pris pour cible. Il faut dire que la nouvelle initiative du MCG «Frontaliers: stop!» est on ne peut plus explicite. Celle de l’UDC, «Genève d’abord!», alourdit encore la charge en exigeant d’étendre la préférence cantonale au secteur privé. Quant aux Suisses résidant en France, ils ont, eux aussi, de plus en plus le sentiment d’être devenus des «citoyens de seconde zone». L’association Genevois sans frontière l’a encore déploré fin février lors d’une réunion préélectorale.
Sur le site de la Tribune de Genève, les tensions sont loin d’être apaisées. «Vous êtes priés de ne pas cracher dans la soupe, lance un internaute. Sinon restez chez vous. Vous n’accepteriez jamais la venue d’un million (proportionnellement) de frontaliers suisses en France.» Un autre renchérit en évoquant un long historique: «Ça ne date pas d’aujourd’hui… Déjà en 1973, lorsque j’étais apprenti, on me traitait de «frouze»! Les jalousies, des deux côtés, étaient déjà bien réelles!»
L’animosité envers les frontaliers n’est pas nouvelle, mais alors que les élections cantonales genevoises se rapprochent, le secrétaire général du GTE, Jean-François Besson, déplore une banalisation grandissante. «Aujourd’hui, le discours anti-frontaliers est devenu commun, on se gêne plus pour se moquer des pendulaires. Les partis populistes sont grandement responsables de cette tendance, eux qui instrumentalisent à longueur d’année cette rancoeur.»
Dans cette ambiance délétère, que cherche à montrer le lobby des frontaliers avec ses affiches? «Le but est de rajeunir notre image, explique le secrétaire général. Et surtout de montrer que les frontaliers peuvent aussi avoir de l’humour. Nous avons décidé de jouer sur la notion de double vie: on vit ici, on travaille là-bas. Cet entre-deux comporte des avantages et des inconvénients.»
Qu’ils soient Suisses ou Français, les frontaliers sont, à ses yeux, des travailleurs qui contribuent à l’économie de la région avant tout. Jean-François Besson compte ainsi sur l’association des Genevois sans frontière, qui présente huit candidats le 16 avril prochain, pour faire cause commune. «La précarisation et la stigmatisation des frontaliers suscitent enfin une prise de conscience, espérons que les autorités l’entendent.»
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