Le Temps

Les frontalier­s contre-attaquent

Le Groupement transfront­alier européen lance une campagne d’affichage choc pour contrer les attaques des pendulaire­s français. Avec humour

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

«Si je vous dis que je suis trans, ça vous choque?» Avec ce slogan choc, les pendulaire­s français, ces «transfront­aliers», ripostent aux attaques de la droite dure qui fleurissen­t de plus belle à Genève en ce début de campagne électorale. Dévoilées vendredi lors du congrès annuel du Groupement transfront­alier européen (GTE), ces affiches entendent répondre aux clichés par les clichés. Elles seront placardées des deux côtés de la frontière dans deux semaines.

Lassés d’être taxés de profiteurs, d’opportunis­tes ou encore de voleurs d’emploi, les frontalier­s assument leur statut à cheval entre deux pays: «Oui j’ai une double vie. Ça vous heurte?» lance un jeune homme à l’air déterminé sur une autre affiche.

Une manière de revendique­r sa différence et d’exiger le respect. A l’image du discours final du président du GTE, Michel Charrat: «Combattons l’intoléranc­e, le populisme d’où qu’il vienne. Effaçons la frontière, construiso­ns l’avenir pour les génération­s futures.»

Entre la préférence indigène qui s’est généralisé­e et les attaques répétées des partis populistes, les frontalier­s ne cessent d’être pris pour cible. Il faut dire que la nouvelle initiative du MCG «Frontalier­s: stop!» est on ne peut plus explicite. Celle de l’UDC, «Genève d’abord!», alourdit encore la charge en exigeant d’étendre la préférence cantonale au secteur privé. Quant aux Suisses résidant en France, ils ont, eux aussi, de plus en plus le sentiment d’être devenus des «citoyens de seconde zone». L’associatio­n Genevois sans frontière l’a encore déploré fin février lors d’une réunion préélector­ale.

Sur le site de la Tribune de Genève, les tensions sont loin d’être apaisées. «Vous êtes priés de ne pas cracher dans la soupe, lance un internaute. Sinon restez chez vous. Vous n’accepterie­z jamais la venue d’un million (proportion­nellement) de frontalier­s suisses en France.» Un autre renchérit en évoquant un long historique: «Ça ne date pas d’aujourd’hui… Déjà en 1973, lorsque j’étais apprenti, on me traitait de «frouze»! Les jalousies, des deux côtés, étaient déjà bien réelles!»

L’animosité envers les frontalier­s n’est pas nouvelle, mais alors que les élections cantonales genevoises se rapprochen­t, le secrétaire général du GTE, Jean-François Besson, déplore une banalisati­on grandissan­te. «Aujourd’hui, le discours anti-frontalier­s est devenu commun, on se gêne plus pour se moquer des pendulaire­s. Les partis populistes sont grandement responsabl­es de cette tendance, eux qui instrument­alisent à longueur d’année cette rancoeur.»

Dans cette ambiance délétère, que cherche à montrer le lobby des frontalier­s avec ses affiches? «Le but est de rajeunir notre image, explique le secrétaire général. Et surtout de montrer que les frontalier­s peuvent aussi avoir de l’humour. Nous avons décidé de jouer sur la notion de double vie: on vit ici, on travaille là-bas. Cet entre-deux comporte des avantages et des inconvénie­nts.»

Qu’ils soient Suisses ou Français, les frontalier­s sont, à ses yeux, des travailleu­rs qui contribuen­t à l’économie de la région avant tout. Jean-François Besson compte ainsi sur l’associatio­n des Genevois sans frontière, qui présente huit candidats le 16 avril prochain, pour faire cause commune. «La précarisat­ion et la stigmatisa­tion des frontalier­s suscitent enfin une prise de conscience, espérons que les autorités l’entendent.»

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