Le Temps

Qui veut payer des millions?

- PHILIPPE NANTERMOD @nantermod

Cette chronique sera l’occasion d’une confession. Je déteste payer des impôts. Ils ne me rendent pas heureux. Ne me donnent pas l’impression d’être un bon type. Si je m’acquitte de mon devoir de contribuab­le toujours à temps et jusqu’au dernier centime, c’est la mort dans l’âme, dans le plus strict respect de la loi. Jamais de gaîté de coeur.

J’aurai peut-être aussi droit à une enquête fouillée du Tagi, preux chevaliers de l’impôt maximum. Une nouvelle morale est née. Ces dernières semaines, on a reproché à une collègue de ne pas avoir payé des impôts qui ne lui avaient pas été réclamés. Rien d’illégal. Il n’est écrit nulle part que les citoyens doivent courir après le fisc pour être taxés au plus vite, au plus fort, au plus cher.

Il est devenu honteux de s’en tenir aux lois de la Confédérat­ion sans y mettre un peu de zèle, sans chercher à suppléer le fonctionna­ire un peu trop lent. Le percepteur frappe toujours, fort, parfois en retard. Personne n’y échappe. Désormais, l’élu modèle, citoyen responsabl­e, anticipera lui-même sa décision d’impôts. Il renoncera volontaire­ment à la déduction de son 3e pilier. Il oubliera des frais profession­nels. Et pourquoi ne pas s’acquitter carrément de dons en faveur du fisc? Au paroxysme de cette éthique de premier de classe, toute déduction fiscale deviendra suspecte.

Ce masochisme fiscal me laisse pantois. Quand je paie des acomptes, c’est pour échapper à l’intérêt moratoire confiscato­ire, pas pour remplir les comptes publics, bien assez riches de toute manière. On m’accusera de vouloir affamer les collectivi­tés, de n’être qu’un égoïste sans coeur. Rien ne m’inspire moins de solidarité que la froideur des administra­tions publiques. Mon empathie va seulement pour les citoyens, petits ou grands, pris dans l’engrenage administra­tif et fiscal.

Contrairem­ent aux slogans des manifs de la gauche radicale, il n’y a pas d’austérité. Jamais l’Etat n’a dépensé autant d’argent. Jamais les caisses publiques n’ont été aussi garnies. Cinq milliards de bénéfices en 2017. Et pourtant, ce ne sera jamais assez.

Benjamin Franklin avait dit qu’«en ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts». Soyez certain que j’aborde l’une et les autres avec le même empresseme­nt.

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