Ce qui a changé dans la politique européenne de la Suisse
La politique européenne de la Suisse a évolué sur six points importants au cours des six derniers mois.
• Le Conseil fédéral a décidé d’aller de l’avant et de conclure la négociation de l’accord institutionnel: c’était loin d’être acquis en 2017.
• Il est déterminé à avancer rapidement et à terminer la négociation cette année encore, de manière à pouvoir mettre en consultation son message sur les questions institutionnelles en 2018. Il y voit un avantage pour la sécurité du droit et la stabilité de notre économie.
• Il présente une contre-proposition au chapitre du règlement des différends, le dossier le plus difficile de la négociation. Il élargit la portée du mécanisme d’arbitrage tel que proposé par JeanClaude Juncker, président de la Commission européenne, lors de sa visite à Berne le 23 novembre dernier et cherche à atténuer d’autant l’impact du droit européen et celui des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne sur le droit suisse.
• Il écarte toutes les idées de relance et d’extension de la négociation qui avaient fleuri depuis le départ du conseiller fédéral Didier Burkhalter: pas de reset, pas de «bilatérales III» (nouveaux accords d’accès au marché); pas de demande d’abolition de la clause guillotine qui lie entre eux les accords bilatéraux de 1999. Il se concentre sur le mandat qu’il s’est donné en 2013 tout en le précisant quelque peu. En revanche il maintient ses «lignes rouges»: mesures d’accompagnement pour éviter le dumping social, refus d’autoriser la libre circulation pour les citoyens européens qui ne sont pas au bénéfice d’un contrat de travail.
• Il fixe les limites de la discussion sur les aides d’Etat soulevée par l’UE – une autorité de surveillance sera créée par chacun des partenaires, les modalités sont renvoyées à la négociation de l’accord sur l’électricité et l’énergie que le Conseil fédéral propose de reprendre parallèlement.
• Enfin le Conseil fédéral peut s’appuyer aujourd’hui sur les partis socialiste et libéral-radical qui ont abandonné la position attentiste qu’ils avaient adoptée l’an dernier. En 2017, le monde politique s’apprêtait à défendre un éventuel contre-projet à l’initiative «RASA», qui ne s’est pas matérialisé. Les partis se préparaient aussi à combattre l’initiative de l’UDC pour la suprématie du droit national. Ils avaient donc renvoyé l’accord-cadre à la prochaine législature.
A Berne, le président Juncker avait insisté au contraire sur la nécessité d’aller plus vite. Joignant le geste à la parole, la Commission a, peu après, limité à une année la reconnaissance de l’équivalence boursière, pour bien appuyer le message. Les responsables politiques l’ont compris. Ils ont réalisé que, dans ces conditions, ils ne pouvaient plus retarder le traitement de l’accord institutionnel. Ils ont modifié leur calendrier en conséquence. Il fallait voir à Arena l’autre semaine la scène d’un Christian Levrat des plus sérieux adresser des remerciements appuyés à sa collègue Petra Gössi, présidente du parti libéral-radical, plutôt embarrassée, pour le virage amorcé par son groupe…
Le Parti démocrate-chrétien tergiverse encore mais finira sans doute par se rallier aux autres partis gouvernementaux. Ainsi la situation reproduit celle de 2016, lorsque les trois partis s’étaient alliés contre l’UDC pour rédiger la loi d’application de l’article constitutionnel sur l’immigration «de masse». Les groupes parlementaires s’étaient rapprochés en raison du blocage du Conseil fédéral: cette fois, le gouvernement habilement présidé par Alain Berset prend ses responsabilités et n’entend pas se dessaisir de la question.
Il existe encore des velléités de ménager l’UDC et de retarder l’échéance, notamment à la présidence du PDC. Mais les milieux de l’économie ont fait leur choix: l’initiative populaire contre la libre circulation lancée par l’UDC est une menace pour la vie économique. Elle rend d’autant plus importante la consolidation de nos liens avec l’Union européenne par le biais d’un accord sur les questions institutionnelles.
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