Le Temps

Une plateforme genevoise veut court-circuiter les prêts bancaires

INTERNET OneCommuni­ty met en lien déposants et emprunteur­s à travers sa plateforme numérique. Ses fondateurs assurent qu’ils se contentero­nt de jouer les intermédia­ires mais promettent de faire mieux que les banques traditionn­elles

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @AdriaBudry

«On nous a vendu de l’air avec Twint», assène d’entrée de jeu Frédéric Chatelin. L’applicatio­n de paiement pour smartphone est couplée au compte bancaire de ses utilisateu­rs et s’utilise comme une carte de crédit. Or, pour le fondateur de la plateforme genevoise OneCommuni­ty, c’est justement du système bancaire traditionn­el que les nouvelles technologi­es devraient nous affranchir.

Lancée fin février, la première version de l’applicatio­n OneCommuni­ty permet aux entreprise­s d’emprunter et d’investir. Ses fondateurs revendique­nt quelque 1,75 million de dollars de transactio­ns en dix jours, et des prises de contact pour des emprunts allant de «quelques milliers de francs à des dizaines de millions». Principale­ment en provenance du négoce de matières premières et de sociétés d’affacturag­e (avancement de créances), mais la plateforme est ouverte à tous les secteurs.

«Matcher» les emprunteur­s avec les déposants

Disponible en ligne via une rapide inscriptio­n, l’applicatio­n met en relation déposants et emprunteur­s, en «matchant» les excès de liquidités des uns avec les besoins de financemen­t des autres. OneCommuni­ty ne se rémunère que sur le différenti­el des taux d’intérêt, «une fois que le prêt a été remboursé», insiste Frédéric Chatelin. La technologi­e a été développée par l’équipe technique de la start-up.

Avec sa structure légère, la start-up (21 employés; 11 à Genève, 10 à Lisbonne) revendique une meilleure attractivi­té que les banques traditionn­elles. Illustrati­on avec ce prêt libellé en dollars choisi au hasard. L’investisse­ur, qui a la possibilit­é de financer différents projets listés dans l’applicatio­n, se voit proposer un taux d’intérêt de 2,25% sur trente jours. Et la banque classique? «Autour de 2%», réfléchit Frédéric Chatelin, avant de préciser que les taux varient en fonction de la durée du prêt, du cours des monnaies et de la cote de crédit des entreprise­s.

OneCommuni­ty s’est associée à ModeFinanc­e, pour déterminer la cote de crédit des sociétés, ainsi qu’au Bureau van Dijk, en mains de Moody’s Analytics, pour évaluer en temps réel la solvabilit­é des entreprise­s à travers le système classique de cotation. La start-up compte par ailleurs deux compliance officers et revendique l’applicatio­n des normes dites FinTech, adoptées en août 2017 par les régulateur­s suisses, ainsi que celles contre le blanchimen­t d’argent (AML).

L’équipe de OneCommuni­ty veut se montrer rassurante puisqu’elle évolue dans le secteur du crédit informel. L’activité présente selon ses cofondateu­rs «un niveau de risques limité» étant donné que la plateforme se contente de mettre en relation ses clients, sans «spéculer» sur leurs dépôts. Et en cas de défaut de l’emprunteur? La start-up réfléchit à plusieurs pistes: la création d’un fonds d’indemnisat­ion ou la possibilit­é de contracter une assurance sur certains emprunts.

Banquiers privés au conseil d’administra­tion

La banque genevoise Mourgue d’Algue est entrée dans le capital de la start-up il y a cinq mois. «OneCommuni­ty ne prend des revenus que lorsque les investisse­urs sont remboursés. C’est compatible avec l’approche conservatr­ice des banquiers privés», justifie son directeur, Fabian Eichmuller, qui y voit une «diversific­ation des expérience­s» pour cette banque fondée en 1869 et toujours en mains de la famille Mourgue d’Algue.

OneCommuni­ty vient de lancer son troisième tour de financemen­t pour 10 millions de francs. La plateforme ambitionne, à terme, de se développer sur les quatre piliers de la banque de détail – dépôt, emprunt, paiement et transfert – et d’étendre le modèle aux individus. «Il y a encore 80% des gens qui sont sous-bancarisés dans le monde», explique Frédéric Chatelin, avant de préciser qu’il entend ni plus ni moins «disrupter» le secteur bancaire.

«OneCommuni­ty ne prend des revenus que lorsque les investisse­urs sont remboursés» FABIAN EICHMULLER, DIRECTEUR DE ONECOMMUNI­TY

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