L’interview de Martin Vetterli, président de l’EPFL
Les hautes écoles ne doivent pas seulement soutenir les entreprises dans leurs effort d’innovation. Elles doivent aider l’ensemble de la population à relever le défi numérique
Pourquoi cette offensive de l’EPFL vis-à-vis des PME?
C’est une réaction à ce que j’appelle le «tsunami digital». Une transformation technologique qui se distingue des précédentes par sa rapidité. Dans ce contexte d’urgence, nous devons établir des liens plus étroits avec les PME. Il s’agit de mieux écouter leurs besoins. Et d’adapter nos offres de formation, par exemple.
Donniez-vous jusqu’ici la priorité aux start-up et aux grands groupes?
Les start-up, les grandes entreprises et les PME n’appartiennent pas à des mondes parallèles. Elles font partie du même continuum du tissu économique suisse. Les start-up sont plus proches de la recherche et de l’innovation, c’est vrai. Les grandes entreprises entretiennent elles aussi de longue date des canaux de collaboration avec le monde universitaire. Les PME ont, elles, moins tendance à s’adresser à nous, même si nous travaillons régulièrement avec un certain nombre d’entre elles depuis des années. Voilà pourquoi le potentiel d’amélioration reste important. La vice-présidence pour l’innovation y travaille en tout cas d’arrache-pied depuis un an.
L’EPFL forme chaque année plus de 1000 ingénieurs. Mais le nombre de ceux qu’on appelle les «data scientists» est très insuffisant…
Nous avons pris un peu de retard, il faut bien le dire. Pourquoi? Parce que les domaines de l’informatique, des statistiques et des maths n’étaient pas, par le passé, considérés à leur juste valeur. Nous mettons désormais les bouchées doubles pour pallier cette pénurie
Vous introduisez dans vos cursus une troisième branche de base, la pensée computationnelle. Est-ce la réponse?
En effet. Mais sur 1000 ingénieurs, nous n’allons pas désormais former 500, 600 ou 700 data scientists, ce serait absurde. Notre objectif, c’est que tous les diplômés de l’EPFL, les ingénieurs en génie civil par exemple, aient une couche de data science qui leur permette de résoudre les problèmes spécifiques à leur discipline en utilisant les méthodes computationnelles.
Le monde de la formation professionnelle doit lui aussi prendre le virage de la digitalisation. Vous dites vouloir l’aider. Comment?
De deux manières. D’abord, nous avons chez nous des chercheurs comme Pierre Dillenbourg qui développent depuis longtemps de nouvelles méthodes et de nouveaux outils d’apprentissage. Nous voulons ensuite proposer à tous ceux qui n’ont pas de formation d’ingénieur des cours qui leur permettent d’acquérir ces fameuses compétences digitales. Grâce à notre Extension School, notamment. A terme, chacun devra posséder les connaissances de base qui permettent de comprendre comment fonctionne la société numérique et de s’y mouvoir.