Le Temps

La rose dévoile ses secrets

- FRANÇOIS MANGE

C’est l’une des plantes les plus cultivées du monde dont les atours sont longtemps restés mystérieux. Mais aujourd’hui la «reine des fleurs» dévoile peu à peu ses secrets. Des chercheurs ont identifié les gènes qui donnent à la rose sa couleur ou son parfum. Une découverte qui pourrait améliorer le processus de sélection de la fleur.

Une étude parue lundi dans «Nature Genetics» permet d’en savoir davantage sur les gènes responsabl­es de la couleur ou du parfum de la rose. Cette découverte pourrait avoir un impact sur la façon de la cultiver

Faisant partie des plantes les plus cultivées au monde, la rose est jusqu’à maintenant restée énigmatiqu­e pour les chercheurs. Une étude parue lundi 30 avril dans Nature Genetics lève le voile sur le génome de «la reine des fleurs». Les chercheurs ont notamment identifié des gènes, jusque-là inconnus, responsabl­es de certaines caractéris­tiques, comme une couleur ou un parfum donné, ce qui pourrait permettre d’améliorer le processus de sélection de la fleur.

Le génome de nombreuses espèces végétales a été décodé ces dernières années, grâce aux progrès effectués dans le domaine du séquençage, devenu beaucoup plus rapide et bon marché. Longtemps cantonné à des espèces de laboratoir­e, telles que l’arabette des dames ou Arabidopsi­s thaliana, ce type d’analyse concerne maintenant de plus en plus de plantes cultivées. «Cela nous permet de mieux comprendre les spécificit­és d’une variété ou d’une autre, indique Mathieu Perret, conservate­ur au Jardin botanique de Genève. Dans le cas de la rose, c’est notamment intéressan­t si l’on veut cibler un parfum spécifique.»

La séquence génétique de plantes telles que le fraisier ou le pommier est connue depuis respective­ment sept et huit ans. Si le séquençage du génome de la rose n’est ainsi pas une première dans le monde des plantes cultivées, «la qualité obtenue est sans précédent», explique Mohammed Bendahmane, directeur du groupe de recherche lyonnais ayant conduit l’étude. Il faut comparer le séquençage du génome à la lecture d’un livre, une bonne qualité signifie une lecture plus facile et une meilleure compréhens­ion. «Grâce à notre méthode, nous avons pu reconstitu­er intégralem­ent les sept chromosome­s de la rose et nous pouvons maintenant les consulter pour mieux comprendre quels gènes sont impliqués dans certaines caractéris­tiques de la plante», ajoute l’auteur de l’étude.

Origine de La France

Retracer l’origine des plantes est parfois rendu complexe par des siècles de croisement­s conduits par l’homme. Dans le cas du rosier, cultivé depuis l’Antiquité notamment en Chine, l’objectif était l’obtention de belles fleurs et d’agréables parfums. On estime à plus de 30000 le nombre de variétés de rosiers actuelleme­nt disponible­s dans le monde! L’une d’entre elles est particuliè­rement connue: La France, issue d’un croisement accidentel entre une variété française et une autre chinoise.

Elle marquerait le passage des roses anciennes aux roses modernes, dotées de longues tiges et de grandes fleurs, idéales pour les bouquets, et ayant une floraison abondante. En comparant son génome à celui d’autres variétés issues d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie, les chercheurs ont pu dresser une carte indiquant l’origine des gènes de La France. «Nous avons pu déterminer que deux tiers de son chromosome 3 appartiend­raient à la variété chinoise Chinenses», raconte Mohammed Bendahmane. C’est ainsi à la Chine que La France doit sa floraison abondante!

L’étude a aussi permis d’identifier des gènes impliqués dans la floraison ainsi que dans la fragrance de la rose, dont certains étaient inconnus jusqu’alors. Les chercheurs ont par exemple découvert un groupe de gènes responsabl­es aussi bien de la synthèse des anthocyane­s, des pigments allant du rouge au bleu sombre, que de la production des terpènes, constituan­t les propriétés odoriféran­tes des végétaux.

Rose du futur

Pourra-t-on se servir de ces nouvelles connaissan­ces pour créer une nouvelle rose, plus belle et plus résistante? «Notre étude permet en effet d’imaginer une plante du futur, explique Mohammed Bendahmane. Mais dans l’immédiat, elle va surtout servir à optimiser la façon de la cultiver.» Dès lors que le gène responsabl­e d’une pigmentati­on (par exemple) est connu, il devient possible de l’utiliser comme marqueur de sélection. Plus besoin d’attendre la floraison pour connaître la future couleur des fleurs d’un rosier: une analyse génétique permet de s’en faire une idée juste après la germinatio­n. Le processus de sélection peut ainsi être raccourci de plusieurs semaines.

Un gain de temps précieux pour les industries du parfum ou des huiles essentiell­es, très impliquées dans la sélection des fleurs. Mais cette étude pourrait aussi constituer un progrès écologique: «Cette approche devrait permettre des économies d’eau, en évitant des arrosages», conclut Mohammed Bendahmane.

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 ?? (FLORILEGIU­S/LEEMAGE) ?? «Rosa sulphurea». Estampe coloriée à la main de Kono Bairei (1844-1895), tirée du recueil «Kusa Bana Hyakushu» (Cent variétés de fleurs), Tokyo, Yamada, 1901.
(FLORILEGIU­S/LEEMAGE) «Rosa sulphurea». Estampe coloriée à la main de Kono Bairei (1844-1895), tirée du recueil «Kusa Bana Hyakushu» (Cent variétés de fleurs), Tokyo, Yamada, 1901.

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