Le Temps

Comment la Suisse veut faire travailler ses réfugiés

Face à l’explosion des coûts de l’aide sociale aux réfugiés, cantons et Confédérat­ion prennent des mesures pour intégrer cette force de travail inexploité­e. Berne dépensera 18 000 francs par an pour chacun d’entre eux

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

«Rapide, efficace, intensive et systématiq­ue»: c’est l’intégratio­n du futur voulue pour les réfugiés et les admis provisoire­s par la Confédérat­ion et les cantons. Présenté ce lundi à Berne par Simonetta Sommaruga, l’Agenda intégratio­n estime que 70% des réfugiés en âge de travailler «ont le potentiel de s’intégrer durablemen­t dans le marché du travail».

L’objectif est ambitieux: en 2016, près de 86% d’entre eux bénéficiai­ent de l’aide sociale en Suisse. Cette nouvelle feuille de route volontaris­te espère toutefois inverser la tendance pour «mettre à profit ce potentiel, de sorte que les entreprise­s suisses ne doivent plus recruter autant de travailleu­rs à l’étranger». Villes, cantons et faîtières économique­s ont salué la décision.

Langue, formation et contacts sociaux

De nombreux réfugiés – dont beaucoup de jeunes – ne satisfont pas aux exigences du marché du travail, explique l’Agenda intégratio­n. Pour que cela change, le nouveau projet fixe cinq objectifs contraigna­nts communs à tous les cantons: trois ans après leur arrivé en Suisse, les réfugiés devront disposer d’un niveau de langue A1 (connaissan­ce de base qui permet de «gérer le quotidien»). Arrivés en âge d’être scolarisés, 80% des enfants du domaine de l’asile devront «se faire comprendre». Cinq ans après leur arrivée en Suisse, deux tiers des réfugiés âgés de 16 à 25 ans devront suivre une formation post-obligatoir­e.

Finalement, sept ans après leur arrivée en Suisse, les réfugiés devront «entretenir régulièrem­ent des contacts sociaux avec la population locale» et la moitié d’entre eux seront «durablemen­t intégrés dans le monde du travail». Chaque réfugié en âge de travailler sera en outre soumis à une évaluation approfondi­e de son potentiel et bénéficier­a d’un suivi et de conseils de la part d’un «spécialist­e des questions d’intégratio­n».

Quatre francs de retour pour un franc investi

Pour financer ces objectifs, la Confédérat­ion augmentera le forfait d’intégratio­n annuel payé aux cantons de 6000 francs à 18000 francs par personne. Les coûts supplément­aires pour l’administra­tion fédérale sont estimés à 132 millions de francs par année. Ce montant, a promis Simonetta Sommaruga, est «un investisse­ment à long terme, qui permettra aux cantons et aux communes d’économiser 4 francs pour chaque franc investi».Si la Confédérat­ion couvre les frais d’aide sociale des réfugiés pendant sept ans et des admis provisoire­s pendant cinq ans, cette dépense revient par la suite aux cantons. Selon estimation, la «non-intégratio­n» des réfugiés leur coûte ainsi près de 1,2 milliard de francs par année. La Confédérat­ion espère que le nouveau système permettra de faire baisser la facture de 380 millions de francs.

En parallèle à l’Agenda intégratio­n, les coûts des mineurs non accompagné­s seront désormais également indemnisés «équitablem­ent». Particuliè­rement vulnérable­s, ces derniers nécessiten­t des investisse­ments en matière d’hébergemen­t et d’encadremen­t estimés à 100 francs par jour et par personne. La Confédérat­ion prendra désormais 86 francs de ce montant à sa charge. Compte tenu de l’effectif enregistré en janvier, les subvention­s fédérales supplément­aires versées aux cantons devraient s’élever à 30 millions de francs en 2018.

«Un pas dans la bonne direction»

En mars 2017, par un communiqué signé par la Conférence des gouverneme­nts cantonaux, celle des directeurs cantonaux de l’instructio­n publique et celle des directeurs cantonaux des affaires sociales, les cantons réclamaien­t à l’unisson que la Confédérat­ion prenne à sa charge une part plus élevée des coûts de l’asile.Pour Pierre-Alain Schnegg, conseiller d’Etat bernois UDC chargé des Affaires sociales, l’Agenda intégratio­n va donc «dans la bonne direction». Tout le monde n’est pas intégrable, concède le politicien du Jura bernois, toutefois «si quelqu’un réussit à traverser la Méditerran­ée sur un rafiot et qu’on n’arrive pas à l’insérer, il y a un problème».Les réformes annoncées sont selon lui «réalistes» et des changement­s «nécessaire­s» sans quoi cantons et communes pourraient «se retrouver prochainem­ent dans une situation très désagréabl­e». Le conseiller d’Etat estime toutefois que «la responsabi­lité de l’intégratio­n repose avant tout sur la personne elle-même».

La «non-intégratio­n» des réfugiés coûte près de 1,2 milliard de francs par année aux cantons

 ?? (ALEXANDRA WEY/KEYSTONE) ?? Les mesures présentées par Simonetta Sommaruga visent à mieux intégrer les réfugiés dans le marché du travail, afin que la Suisse ne doive plus recruter autant à l’étranger.
(ALEXANDRA WEY/KEYSTONE) Les mesures présentées par Simonetta Sommaruga visent à mieux intégrer les réfugiés dans le marché du travail, afin que la Suisse ne doive plus recruter autant à l’étranger.

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