Comment la Suisse veut faire travailler ses réfugiés
Face à l’explosion des coûts de l’aide sociale aux réfugiés, cantons et Confédération prennent des mesures pour intégrer cette force de travail inexploitée. Berne dépensera 18 000 francs par an pour chacun d’entre eux
«Rapide, efficace, intensive et systématique»: c’est l’intégration du futur voulue pour les réfugiés et les admis provisoires par la Confédération et les cantons. Présenté ce lundi à Berne par Simonetta Sommaruga, l’Agenda intégration estime que 70% des réfugiés en âge de travailler «ont le potentiel de s’intégrer durablement dans le marché du travail».
L’objectif est ambitieux: en 2016, près de 86% d’entre eux bénéficiaient de l’aide sociale en Suisse. Cette nouvelle feuille de route volontariste espère toutefois inverser la tendance pour «mettre à profit ce potentiel, de sorte que les entreprises suisses ne doivent plus recruter autant de travailleurs à l’étranger». Villes, cantons et faîtières économiques ont salué la décision.
Langue, formation et contacts sociaux
De nombreux réfugiés – dont beaucoup de jeunes – ne satisfont pas aux exigences du marché du travail, explique l’Agenda intégration. Pour que cela change, le nouveau projet fixe cinq objectifs contraignants communs à tous les cantons: trois ans après leur arrivé en Suisse, les réfugiés devront disposer d’un niveau de langue A1 (connaissance de base qui permet de «gérer le quotidien»). Arrivés en âge d’être scolarisés, 80% des enfants du domaine de l’asile devront «se faire comprendre». Cinq ans après leur arrivée en Suisse, deux tiers des réfugiés âgés de 16 à 25 ans devront suivre une formation post-obligatoire.
Finalement, sept ans après leur arrivée en Suisse, les réfugiés devront «entretenir régulièrement des contacts sociaux avec la population locale» et la moitié d’entre eux seront «durablement intégrés dans le monde du travail». Chaque réfugié en âge de travailler sera en outre soumis à une évaluation approfondie de son potentiel et bénéficiera d’un suivi et de conseils de la part d’un «spécialiste des questions d’intégration».
Quatre francs de retour pour un franc investi
Pour financer ces objectifs, la Confédération augmentera le forfait d’intégration annuel payé aux cantons de 6000 francs à 18000 francs par personne. Les coûts supplémentaires pour l’administration fédérale sont estimés à 132 millions de francs par année. Ce montant, a promis Simonetta Sommaruga, est «un investissement à long terme, qui permettra aux cantons et aux communes d’économiser 4 francs pour chaque franc investi».Si la Confédération couvre les frais d’aide sociale des réfugiés pendant sept ans et des admis provisoires pendant cinq ans, cette dépense revient par la suite aux cantons. Selon estimation, la «non-intégration» des réfugiés leur coûte ainsi près de 1,2 milliard de francs par année. La Confédération espère que le nouveau système permettra de faire baisser la facture de 380 millions de francs.
En parallèle à l’Agenda intégration, les coûts des mineurs non accompagnés seront désormais également indemnisés «équitablement». Particulièrement vulnérables, ces derniers nécessitent des investissements en matière d’hébergement et d’encadrement estimés à 100 francs par jour et par personne. La Confédération prendra désormais 86 francs de ce montant à sa charge. Compte tenu de l’effectif enregistré en janvier, les subventions fédérales supplémentaires versées aux cantons devraient s’élever à 30 millions de francs en 2018.
«Un pas dans la bonne direction»
En mars 2017, par un communiqué signé par la Conférence des gouvernements cantonaux, celle des directeurs cantonaux de l’instruction publique et celle des directeurs cantonaux des affaires sociales, les cantons réclamaient à l’unisson que la Confédération prenne à sa charge une part plus élevée des coûts de l’asile.Pour Pierre-Alain Schnegg, conseiller d’Etat bernois UDC chargé des Affaires sociales, l’Agenda intégration va donc «dans la bonne direction». Tout le monde n’est pas intégrable, concède le politicien du Jura bernois, toutefois «si quelqu’un réussit à traverser la Méditerranée sur un rafiot et qu’on n’arrive pas à l’insérer, il y a un problème».Les réformes annoncées sont selon lui «réalistes» et des changements «nécessaires» sans quoi cantons et communes pourraient «se retrouver prochainement dans une situation très désagréable». Le conseiller d’Etat estime toutefois que «la responsabilité de l’intégration repose avant tout sur la personne elle-même».
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La «non-intégration» des réfugiés coûte près de 1,2 milliard de francs par année aux cantons