Le Temps

Travail.Suisse prône une liste noire

Le syndicat présente 28 revendicat­ions visant à l’égalité entre hommes et femmes. Il dit sa colère quant au blocage actuel sur la question salariale

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

A la veille du 1er Mai, le syndicat Travail.Suisse durcit le ton dans le dossier de l’égalité entre femmes et hommes. En tête d’un long catalogue de 28 revendicat­ions, il prône l’établissem­ent d’une liste noire des entreprise­s se refusant à tout contrôle des salaires.

Vice-président de Travail. Suisse, Jacques-André Maire ne le cache pas: «Oui, nous sommes en colère.» La goutte qui a fait déborder le vase, c’est la décision, le 28 février dernier, du Conseil des Etats de renvoyer en commission un projet somme toute relativeme­nt modéré de la conseillèr­e fédérale Simonetta Sommaruga. Renonçant à une police des salaires et à toute sanction, la cheffe du Départemen­t fédéral de justice et police (DFJP) se limitait à une analyse de la politique salariale des entreprise­s de plus de 50 employés et à un contrôle externe. Bien qu’encore édulcoré en commission, son projet, soutenu par le Conseil fédéral, n’a pas été approuvé par le Sénat.

«Discrimina­tion»

Sur le papier, tout le monde est pour l’égalité salariale, mais dans la réalité des faits, «rien ne bouge», déplore Travail.Suisse. La loi sur l’égalité existe depuis plus de vingt ans et son inefficaci­té à résoudre le problème a été plusieurs fois pointée du doigt, y compris par la Confédérat­ion. En moyenne, les femmes gagnent 19% de moins que les hommes. Si une partie de ce différenti­el se justifie par certains critères, un écart de 7%, équivalant à 600 francs par mois, reste inexplicab­le. «C’est une discrimina­tion», affirme Travail.Suisse, qui se désole que cette part inexpliqué­e ne diminue pas avec le temps. Vendredi 27 avril, lors de son assemblée des délégués, ce syndicat s’est donc prononcé en faveur de l’établissem­ent d’une liste noire des entreprise­s récalcitra­ntes.

«Notre but est d’augmenter la pression sur les entreprise­s qui font preuve de mauvaise volonté», relève Jacques-André Maire. Dans un premier temps, le syndicat exige que toutes les entreprise­s se soumettent à un contrôle des salaires, puis qu’elles remédient à d’éventuelle­s inégalités. Si elles ne le font pas, elles s’exposeraie­nt à des «sanctions pécuniaire­s progressiv­es».

Le risque de dérives

Secrétaire général de la Fédération des entreprise­s romandes, Blaise Matthey se montre sceptique quant aux propositio­ns de Travail.Suisse. «Celles-ci vont au-delà du cadre de l’égalité. Elles dénotent une volonté des syndicats d’influer sur la politique salariale des entreprise­s», note celui qui précise qu’il est un «ardent défenseur de l’égalité salariale».

«Notre but est d’augmenter la pression sur les entreprise­s qui font preuve de mauvaise volonté» JACQUES-ANDRÉ MAIRE, VICE-PRÉSIDENT DE TRAVAIL.SUISSE

Dans la méthode d’analyse retenue, le patronat regrette l’existence d’une controvers­e à propos des critères d’évaluation des salaires en cas d’interrupti­on de carrière. «Dès lors, le danger d’une dérive est évident. On risque de clouer au pilori des entreprise­s sans fondement», avertit Blaise Matthey. Vice-président de l’associatio­n faîtière economiesu­isse, Bernard Rüeger formule ses critiques plus crûment: «Il faut se garder d’un tel interventi­onnisme étatique. On n’est plus très loin du communisme!» Quant au président de l’USAM, Jean-François Rime, il n’entre pas non plus en matière: «De manière générale, nous souhaitons régler les problèmes dans le cadre du partenaria­t social. Nous sommes donc sceptiques quant à des mesures contraigna­ntes figurant dans une loi.»

De la fiscalité aux quotas

Cela dit, la question salariale n’est que la plus visible des revendicat­ions de Travail.Suisse, dont le document de travail comprend 28 revendicat­ions dans tous les domaines, allant de la fiscalité, où l’égalité passe par l’imposition individuel­le, à un meilleur partage du travail, en passant par l’introducti­on de quotas dans les directions et les conseils d’administra­tion. Le chemin de l’égalité est encore long.

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