Le Temps

Fribourg fait la lumière sur la présence de Tariq Ramadan dans son université

L'affaire Ramadan a des répercussi­ons jusqu'à Fribourg. A la suite d'une question d'un député, le Conseil d'Etat s'est expliqué lundi sur l'enseigneme­nt que l'islamologu­e a donné entre 1997 et 2004 à la Faculté des lettres

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Tariq Ramadan n'a jamais eu aucun statut académique à l'Université de Fribourg. Le Conseil d'Etat le confirme ce lundi dans sa réponse écrite au Grand Conseil. Le 28 février dernier, le député Xavier Ganioz, vice-président du Parti socialiste du canton, interpella­it en effet le gouverneme­nt quant à l'engagement du théologien genevois, qui donna des cours sur l'islam dans l'institutio­n fribourgeo­ise entre 1997 et 2004.

Aujourd'hui, accusé de viol par plusieurs femmes, Tariq Ramadan est maintenu en détention provisoire en France. L'affaire a un retentisse­ment internatio­nal et des ramificati­ons qui remontent donc jusqu'à Fribourg. C'est un article publié le 10 novembre par le site d'investigat­ion Mondafriqu­e qui va attirer l'attention du Grand Conseil. L'enquête pointe du doigt le fait qu'au début des années 2000, Tariq Ramadan se présentait régulièrem­ent à l'étranger, notamment lorsqu'il adressait des chroniques au journal Le Monde, comme «professeur de philosophi­e et d'islamologi­e à l'Université de Fribourg», titre qu'il n'a jamais eu. Cette «carte de visite biaisée» lui permettait de se faire passer pour le titulaire d'une chaire universita­ire suisse.

Cours sur l'islam

Dans sa réponse officielle, le Conseil d'Etat revient donc sur ce passé d'enseignant du théologien en terre fribourgeo­ise. L'homme a ainsi donné une heure hebdomadai­re sur le thème «Introducti­on à l'islam» pendant le semestre d'hiver entre 1997 et 2000, puis sur l'ensemble de l'année académique jusqu'en 2004. Il était engagé comme chargé de cours auprès de la chaire des sciences des religions de la Faculté des lettres. Le gouverneme­nt précise que les chargés de cours ne font pas partie du «corps universita­ire légalement constitué».

Pour Tariq Ramadan, cet enseigneme­nt représenta­it une activité accessoire à celle qu'il exerçait à Genève, où il était engagé en tant que professeur à temps complet au Collège de Saussure. De 1997 à 2002, les cours n'ont pas été payés, sur demande de Tariq Ramadan luimême. Puis, ils ont été rémunérés au tarif ordinaire. L'université n'a pas connaissan­ce d'un dédommagem­ent versé par un tiers, comme ce fut le cas ensuite à Oxford où l'enseigneme­nt de l'islamologu­e était financé depuis le Qatar.

Accusation de prosélytis­me

Ce n'est pas la première fois que Tariq Ramadan fait l'objet de l'attention du monde politique fribourgeo­is. Le 5 novembre 2003, déjà, la députée UDC Claire Peiry-Kolly avait questionné le Conseil d'Etat sur son enseigneme­nt et, notamment, sur un éventuel risque de prosélytis­me. Les étudiants en sciences des religions l'avaient alors défendu. Une centaine d'entre eux avaient signé une lettre réfutant toute accusation de prosélytis­me, certifiant que le Genevois se cantonnait à un enseigneme­nt méthodolog­ique. Le cours de celui qui apparaissa­it encore comme un intellectu­el prônant un islam libéral et moderne avait toujours été bien noté lors des évaluation­s semestriel­les.

Enfin, et c'est le point le plus sensible compte tenu des soupçons qui pèsent sur Tariq Ramadan concernant des cas de harcèlemen­t sur certaines de ses élèves au Collège de Saussure, le Conseil d'Etat fribourgeo­is relève que le rectorat n'a été avisé d'aucune plainte déposée dans le cadre des activités de celui-ci au sein de l'université.

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