Le Temps

Renforcer le droit d’auteur des journalist­es

- DOMINIQUE DISERENS DR. IUR., SECRÉTAIRE CENTRALE IMPRESSUM

En décembre 2017, le Conseil fédéral a rendu public son projet de révision du droit d’auteur, qui a pour but de moderniser ce domaine juridique et repose en grande partie sur les travaux du groupe AGUR 12*. Ce projet contient des aspects de modernisat­ion pertinents, par exemple une protection des photograph­ies plus complète, ce qui est à saluer. Mais le projet oublie un groupe d’ayants droit: les journalist­es.

Pourtant, avec la crise des médias, les journalist­es sont dans une situation difficile; soit, en tant que «libres», ils vivent dans la précarité, soit, comme employés, ils sont menacés tôt ou tard par des licencieme­nts. Les restructur­ations se suivent au pas de charge, l’ATS vit la première grève du secteur depuis longtemps; un nouveau modèle d’affaires n’est pas pour aujourd’hui encore.

La situation des journalist­es est différente de celle des autres auteurs dans le monde d’internet. Dans le monde musical, il y a des chaînes de distributi­on, avec des chaînes de licence. Dans le monde audiovisue­l aussi, mais là les auteurs se plaignent de pas être rémunérés de manière adéquate. Dans le domaine du journalism­e, c’est pire: il n’y a pas de chaîne de distributi­on, pas de chaîne de licences, les articles des journalist­es sont utilisés en règle générale gratuiteme­nt et en grande quantité. Facebook ou Google ne versent pas un sou aux journalist­es.

C’est le moment de changer cette donne. C’est pourquoi Impressum, avec un groupe de travail composé du Syndicat suisse des mass media (SSM), Syndicom, ProLitteri­s, Auteurs suisses et Suissecult­ure, demande qu’un droit à une rémunérati­on équitable soit consacré dans la loi en faveur des journalist­es à l’égard de plateforme­s comme Google ou Facebook. Ce droit serait géré par ProLitteri­s.

Il ne s’agit pas là d’une tendance isolée. Les journalist­es regroupés dans la Fédération européenne des journalist­es (FEJ) demandent aussi un tel droit dans la directive en cours de discussion à Bruxelles sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Cette consécrati­on légale donnerait un peu plus de justice à un groupe d’auteurs qui traverse une période douloureus­e sans encore voir le bout du tunnel. Cela contribuer­ait à compenser les pertes de revenus des journalist­es libres et rémunérera­it enfin des utilisatio­ns d’articles qui mènent les grands acteurs d’internet à des chiffres d’affaires de plusieurs milliards sans que les journalist­es ne touchent un franc.

Le droit d’auteur a pour vocation d’assurer, outre la protection des auteurs, une rémunérati­on adéquate. Ce n’est pas de mieux rémunérer les journalist­es qui déséquilib­rerait le compromis de l’AGUR 12 sur lequel se fonde le projet de loi. Au contraire. Les raisons ne manquent pas pour combler cette lacune au profit des journalist­es. Ce n’est qu’avec des journalist­es bien rémunérés que l’on fait du journalism­e de qualité.

Ce n’est qu’avec des journalist­es bien rémunérés que l’on fait du journalism­e de qualité Facebook ou Google ne versent pas un sou aux journalist­es

* Le groupe AGUR 12 est un groupe de travail réunissant des représenta­nts des artistes, des producteur­s, des utilisateu­rs et des consommate­urs, institué par le Départemen­t fédéral de justice et police, qui a d’abord fait des recommanda­tions puis s’est réuni encore en 2016 après la consultati­on de l’avant-projet afin de définir des lignes de compromis.

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