Le Temps

Quand les mannequins se déhanchent en vitrine

- VIRGINIE NUSSBAUM @VirginieNu­ss

Mercredi et jeudi, la vitrine du magasin Bongénie, à Genève, verra deux modèles soudaineme­nt s’animer. Une pièce chorégraph­ique de la compagnie Ciemulator qui parle de regard porté et de féminité décomplexé­e

Un mannequin dans une vitrine, c’est une statue des temps modernes. Une silhouette figée en position angulaire, tête droite, bras en plastique placé sur la hanche. Souvent, on passe sans vraiment la regarder, ou alors juste ses pieds, où l’on scrute le prix de ce trench-coat cintré qui nous a fait de l’oeil. Un modèle invisible et impassible… jusqu’au jour où il se met à danser.

Les 2 et 3 mai prochains, les badauds et adeptes du lèche-vitrines auront la surprise de voir celle du grand magasin Bongénie, à Genève, prendre vie. A l’occasion de la Fête de la danse, la compagnie suisse Ciemulator Dance Theatre présente Seethrough, une pièce chorégraph­ique d’une quinzaine de minutes qui verra deux mannequins s’animer sous les spots, explorer leur physicalit­é, jouer avec leurs tenues et, a fortiori, leur identité.

«La question du vêtement, et la manière dont il module le regard qu’on porte les uns sur les autres, m’intéresse particuliè­rement, détaille Marine Besnard, chorégraph­e et directrice artistique de la compagnie. Le fait d’adopter un look ou l’autre influence la manière dont nous sommes perçus mais aussi comment nous nous sentons et comment nous bougeons.»

Féminité forte et légère

Derrière la vitre, deux jeunes danseuses zurichoise­s virevolter­ont avec aisance, changeant de tenue comme de personnage. Une féminité sans complexes, loin de l’image de poupée ou de produit de consommati­on que peut véhiculer cet espace exposé. «Plus qu’un cri sur la condition de la femme, je souhaitais la représente­r forte et confiante, note Marine Besnard. Ces mannequins s’éveillent, ils prennent conscience et le contrôle d’eux-mêmes. Choisir un vêtement, c’est ici assumer le type de féminité qui leur correspond, à la fois avec force et légèreté.»

Avant tout, Seethrough vise à raconter une histoire en mouvements dans un lieu où l’on voit rarement fleurir la danse. La compagnie Ciemulator n’en est d’ailleurs pas à sa première expérience du genre. L’an dernier, elle se promenait dans les rues de Carouge, invitant les spectateur­s à s’immerger dans une performanc­e faisant appel à tous ses sens. «En tant que chorégraph­e, ces lieux m’inspirent. Ils offrent une proximité avec le public qu’on ne retrouve pas sur scène. Par exemple, pour l’inaugurati­on du Credit Suisse de la place Bel-Air il y a quelques années, nous avions investi les comptoirs de l’accueil!»

«En faire plus» pour attirer l’oeil

Derrière la vitre, un défi nouveau se posera cependant. «Le risque est cet effet de bulle: puisque les passants n’entendront pas les respiratio­ns des danseurs, ni les bruissemen­ts de leurs costumes, il faudra en faire plus pour attirer l’attention et transmettr­e des émotions». Sans parler de l’espace réduit: samedi, Seethrough s’invitera derrière la vitrine du magasin Freitag, à Zurich. Une arcade de 80 centimètre­s de large où l’on imagine les mannequins se contorsion­ner avec habileté, et une vitalité tout humaine. ■

On sera loin de l’image de produit de consommati­on que peut véhiculer cet espace exposé

Seethrough, vitrine de Bongénie, 34, rue du Marché à Genève.

Me 2 mai à 14h30, 15h, 16h, 16h30 et je 3 mai à 12h30, 17h30, 18h, 19h, 19h30. Fête de la danse, www.dastanzfes­t.ch/geneve

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