Le Temps

La place des femmes dans «Le Temps»

Notre média fait son autocritiq­ue en comptabili­sant la part des femmes dans ses propres pages. Si le bilan n’est pas très glorieux, le changement est pourtant possible

- JEAN ABBIATECI @JeanAbbiat­eci

Annoncé au son du gong, le «mur» est un rituel immuable au Temps. A 16 heures, les pages encore incomplète­s du numéro du lendemain sont affichées, sous l’oeil impitoyabl­e du chef d’édition.

Un regard rapide sur ces pages – et son cortège de photos d’hommes en costume – permet pourtant de prendre la mesure du problème: dans les photograph­ies et les sujets qu’il publie, dans les experts qu’il sollicite, dans les contributi­ons qu’il accueille, Le Temps reste encore très masculin. Et donc inégalitai­re.

Alors que le journal s’engage depuis plusieurs semaines à travers sa cause «égalité homme-femme», il nous a semblé important de balayer devant notre porte, au travers d’un petit exercice arithmétiq­ue très simple. Sur les quatre premiers mois de l’année 2018, nous avons compté la part des femmes dans différents éléments du journal: photos, éditoriaux, expertes de notre rubrique Science, contributr­ices de nos pages Débats et portraits de dernière page. Le résultat – peu glorieux – est synthétisé dans les graphiques ci-dessus.

L’exercice, un peu binaire et non exhaustif, est pourtant révélateur. En 2018, seuls 16% des éditoriaux publiés en page une ont été signés par une femme journalist­e. Nos pages Débats accueillen­t en moyenne trois hommes pour une femme. Comment l’expliquer? Au Temps, les cadres sont très majoritair­ement des hommes – alors que 45% des employés de l’entreprise sont des employées. «Il y a aussi les vieux réflexes et la routine profession­nelle des journalist­es qui mobilisent toujours le même réseau», expliquait l’an dernier Marie-Christine Lipani, chercheuse et sociologue des médias à l’Université Bordeaux-Montaigne, sur blogs.letemps.ch/labs.

Au sein du journal, cette remise en question est ancienne et permanente, mais le changement peine encore à s’amorcer totalement. Au coeur de la réflexion, cette interrogat­ion – légitime: faut-il privilégie­r une meilleure représenta­tion des femmes au détriment de l’expertise? L’un et l’autre ne sont pas pourtant incompatib­les. En 2016, Ed Yong, journalist­e scientifiq­ue de The Atlantic, avait décidé de viser la parité parmi les sources citées dans ses articles.

Résultat deux ans après: 50% des experts qu’il interroge sont des femmes, contre 25% auparavant. «Chaque personne que je contacte est qualifiée pour apparaître dans mon article. C’est juste que, maintenant, la moitié de ces personnes qualifiées sont des femmes.»

En août 2017, Le Temps lançait sa page spéciale Suisse 4.0. Mathilde Farine, journalist­e économique coresponsa­ble de cette page, explique avoir visé une telle parité. Verdict: 14 expertes interviewé­es pour 18 hommes, sans jamais céder sur la pertinence. Elle a même quantifié l’«effort» supplément­aire pour dénicher la bonne experte: quinze minutes.

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