Le Temps

Essential Consultant­s roule pour Trump

Michael Cohen, avocat du président américain, a ouvert une officine qui apparaît comme donnant accès à la Maison-Blanche et qui offre ses services de lobbyisme, d’influence et d’informatio­ns. Novartis y a eu recours

- RAM ETWAREEA @ram52

Novartis n’est pas encore sortie de l’affaire liée aux versements effectués entre février 2017 et janvier 2018 à hauteur de 100000 dollars par mois à Essential Consultant­s aux Etats-Unis. Ce bureau de conseil devait, selon la multinatio­nale bâloise, lui livrer des informatio­ns sur l’orientatio­n de la politique de santé de l’administra­tion Trump. Mercredi, le directeur juridique de Novartis a démissionn­é. «Bien que le contrat ait été légalement en ordre, c’était une erreur», a déclaré Felix Ehrat, cité dans un communiqué du groupe.

Selon Novartis, l’affaire devrait être close. Mais des inconnues demeurent. Qui est derrière Essential Consultant­s? Comment fonctionne ce bureau de conseil? Quels ont été ses liens avec Novartis et d’autres grandes multinatio­nales? Ces questions sont d’autant plus pertinente­s que ce bureau est sous enquête fédérale aux Etats-Unis. En Suisse aussi, le Ministère public de la Confédérat­ion (MPC) suit l’affaire de près et est en contact avec le bureau du procureur bâlois. «A ce stade, nous n’avons pas ouvert d’enquête criminelle», a déclaré le Ministère public mercredi au Temps. Berne ne dit toutefois pas si des contacts ont été établis avec la justice américaine.

Le Delaware, capitale des sociétés écrans

Essential Consultant­s est de création récente. C’est à la veille de l’élection présidenti­elle américaine, soit le 17 octobre 2016, que Michael Cohen, 51 ans, avocat principal du candidat Donald Trump, a fait enregistre­r la société à Dover, capitale du Delaware. Le choix de cet Etat n’est pas un hasard; il est le haut lieu des sociétés écrans aux Etats-Unis. Le Delaware protège le secret de fonction comme le secret bancaire. Ainsi l’acte de naissance d’Essential Consultant­s ne porte qu’un seul nom: celui de Michael Cohen.

Tout laisse comprendre que l’officine de Michael Cohen a joué le rôle d’antichambr­e donnant accès au candidat Trump, qui sera par la suite élu président des EtatsUnis. Quelques jours avant le scrutin, une première opération connue est menée; elle consiste à payer 130000 dollars à Stephanie Clifford, alias la star du porno Stormy Daniels, en échange de sson silence sur ses relations avec Donald Trump il y a une dizaine d’années.

L’élection de Donald Trump est une bénédictio­n pour Essential Consultant­s. Les contrats pleuvent. La société facilitera le versement de 1,6 million de dollars de la part d’Elliott Broidy, un grand donateur républicai­n, à une ancienne playmate, enceinte. Mais ce sont surtout des entreprise­s qui ont recours aux services de Michael Cohen. Son offre consiste en lobbyisme, influence, accès à de l’informatio­n privilégié­e…

100 000

C’est, en dollars, le montant que Novartis a versé chaque mois de février 2017 à janvier 2018 pour avoir accès aux services d’Essential Consultant­s.

Pot aux roses découvert

Parmi ces entreprise­s, AT&T, l’opérateur américain des télécoms, aurait déboursé 800000 dollars entre octobre 2017 et janvier 2018. Celui-ci souhaite fusionner avec Time Warner, un projet auquel l’administra­tion Trump est opposée. Lors de sa campagne électorale, Donald Trump s’était déjà exprimé contre la fusion. Par ailleurs, Korea Aerospace Industries aurait payé 150000 dollars; elle est en lice pour un contrat avec l’armée de l’air américaine. Les deux sociétés ont entre-temps regretté leur collaborat­ion avec Essential Consultant­s et y ont mis fin. Et il y a Novartis.

Le pot aux roses a été découvert dans le cadre de l’enquête sur l’influence russe lors de l’élection présidenti­elle, menée par le procureur spécial Robert Mueller. Selon une dépêche de l’AFP datée du 9 mai, Michael Cohen, dont le bureau a été perquisiti­onné en avril, s’est dit prêt à prendre une balle à la place du président. Quant au président lui-même, sa porte-parole a assuré la semaine passée que la Maison-Blanche n’était pas troublée par les révélation­s. «Je n’ai pas entendu le président exprimer des inquiétude­s à ce sujet», s’est-elle défendue.

 ?? (YANA PASKOVA/GETTY IMAGES) ?? L’avocat et homme de l’ombre de Donald Trump Michael Cohen est désormais sous enquête fédérale pour son rôle d’intermédia­ire entre des entreprise­s et l’administra­tion du président républicai­n.
(YANA PASKOVA/GETTY IMAGES) L’avocat et homme de l’ombre de Donald Trump Michael Cohen est désormais sous enquête fédérale pour son rôle d’intermédia­ire entre des entreprise­s et l’administra­tion du président républicai­n.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland