Directive sur les armes: Schengen plus fort que l’UDC au National
Le durcissement de la législation sur les armes a largement passé la rampe au Conseil national. Bien que soutenue par l’ensemble des partis, à l’exception de l’UDC, la directive de l’UE fera vraisemblablement l’objet d’un référendum
«Pour les militaires, rien ne change. Pour les chasseurs, rien ne change. Pour les tireurs sportifs, presque rien ne change.» C’est en ces termes que Simonetta Sommaruga, la conseillère fédérale chargée du Département fédéral de justice et police, a résumé au Conseil national les effets d’une reprise de la directive européenne sur les armes. Le projet a été approuvé à la Chambre basse par 114 voix contre 67 (8 abstentions). Tous les partis ont soutenu le Conseil fédéral, sauf l’UDC, réfractaire à tout durcissement – voire à toute remise en question – des règles dans le domaine. La droite est toutefois parvenue à infléchir le projet du gouvernement sur certains détails.
Après plusieurs attentats terroristes commis sur son territoire, l’UE va durcir sa réglementation pour rendre plus difficile l’accès aux armes susceptibles de faire beaucoup de victimes, comme certains fusils semi-automatiques. En tant que partie aux Accords de Schengen/Dublin, qui prévoient des synergies dans les domaines de la justice, de la police, des visas et de l’asile, la Suisse, qui a participé aux débats sur la question, est tenue de reprendre cette directive. «Si nous ne le faisons pas, ces accords tombent automatiquement», a mis en garde Simonetta Sommaruga.
La Suisse en profite à plusieurs niveaux, a rappelé la conseillère fédérale. La sortie de Schengen signifierait par exemple la fermeture des frontières. «Cela engendrerait des pertes économiques estimées à 11 milliards de francs par an, des dizaines de milliers d’emplois seraient perdus et le tourisme chuterait. Sans l’accès aux systèmes de sécurité de l’UE, la police suisse serait par ailleurs aveugle et sourde.» Dans le secteur de l’asile, la socialiste a également rappelé à l’égard de l’UDC que sans l’Accord de Dublin, «tout requérant d’asile refusé en Europe pourrait retenter sa chance en Suisse».
«Des efforts minimes pour des avantages énormes»
Grâce à plusieurs concessions «sur mesure» obtenues par Berne, la tradition helvétique du tir ne sera que très peu impactée par les nouvelles règles. «Le Conseil fédéral a même presque trop bien négocié», a relevé le PS, qui aurait aimé des durcissements plus importants. Les tireurs sportifs suisses gardent ainsi le droit d’acquérir des armes semi-automatiques, et celui qui désire conserver son fusil d’ordonnance à la fin de ses obligations militaires pourra toujours le faire dans les conditions actuelles. Aucun test psychologique supplémentaire ne sera par ailleurs exigé des Helvètes et un registre central des armes ne verra pas le jour.
«Sans l’accès aux systèmes de sécurité de l’UE, la police suisse serait aveugle et sourde»
SIMONETTA SOMMARUGA
Quelques efforts seront toutefois demandés aux passionnés. Les tireurs sportifs auront désormais besoin d’une autorisation, qu’ils pourront obtenir en prouvant qu’ils s’entraînent régulièrement – une fois par année devrait suffire, selon le gouvernement – ou qu’ils sont membres d’une société de tir. Tout détenteur d’arme aura par ailleurs trois ans pour régulariser ses fusils non enregistrés, à moins qu’il ne s’agisse d’une arme d’ordonnance.
L’UDC contre tous
Alors que la gauche a rappelé le rôle joué par les armes dans les suicides et les homicides en Suisse, l’UDC a vertement dénoncé un «diktat de l’UE, inutile et sans effet». Les terroristes n’utilisent en aucun cas des armes légales, a balayé le parti de droite, qui a souligné que le mode opératoire lors d’attentats se diversifiait avec des véhicules béliers ou des couteaux et que ce n’est pas le fusil qui tue, mais l’homme. Or, on veut ici «retirer leurs fusils à d’honnêtes citoyens suisses», a déclaré l’UDC bernois Werner Salzmann, qui a mis en garde contre «le désarmement de la Suisse par l’UE».
Défaite lors de l’entrée en matière, puis lors du vote final, l’UDC a tout de même remporté quelques victoires partielles lors des débats, avec l’appui de la droite et du centre. Le Conseil national a ainsi décidé de ne pas restreindre l’acquisition et la possession des chargeurs «de grande capacité», pour lesquels les commerces d’armes ne seront pas non plus obligés de tenir un inventaire. Le texte passe maintenant au Conseil des Etats. Quelle que soit la décision finale du parlement, un référendum est d’ores et déjà programmé par l’UDC.
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