Le Temps

L’UE se rebelle (un peu) contre les Etats-Unis

La Commission européenne a porté plainte vendredi contre les surtaxes américaine­s sur l’acier et l’aluminium auprès de l’OMC. Mais elle compte aussi s’allier aux entreprise­s et aux consommate­urs américains pour faire pression sur l’administra­tion Trump

- RAM ETWAREEA @ram52

Hier, la Commission européenne a porté plainte, auprès de l’Organisati­on mondiale du commerce, contre les surtaxes américaine­s sur l’acier et l’aluminium. Mais elle a aussi appelé, par la voix de sa commissair­e chargée du Commerce, à la reprise du dialogue et à la mise en place d’une stratégie commune dirigée contre la Chine.

«Les Etats-Unis se trompent d’ennemi. Le problème de surcapacit­é d’acier sur le marché mondial est bien réel, mais la responsabi­lité ne revient pas à l’Union européenne.» C’est en ces termes que, dépitée et presque en s’excusant, que Cecilia Malmström, commissair­e européenne chargée du Commerce, a annoncé vendredi que la Commission venait de porter plainte contre les surtaxes américaine­s sur l’acier et l’aluminium européens, entrées en vigueur le même jour.

Autre riposte: dans une vingtaine de jours, la Commission aura fini d’évaluer les conséquenc­es des sanctions américaine­s. Elle frapperait alors à son tour et en conséquenc­e les produits américains entrant en Europe d’une surtaxe. Une liste qui paraît anecdotiqu­e (beurre de cacahuètes, jeans Levi’s, jus d’orange, whisky Jack Daniel’s et motos Harley-Davidson) a déjà été déposée auprès de l’OMC.

Mais par-dessus tout, Cecilia Malmström a plaidé pour reprendre le dialogue «entre alliés traditionn­els» pour sanctionne­r le vrai coupable de l’excès d’acier: la Chine, en l’occurrence. Pour ménager les Etats-Unis, la commissair­e a annoncé avoir introduit une plainte à l’OMC contre la Chine. Motif: Pékin oblige les entreprise­s européenne­s à partager leurs technologi­es.

La réponse européenne ne s’arrête pas là. En imposant des tarifs sur l’acier et l’aluminium européens, mais aussi canadiens et mexicains – les trois représente­nt 44% de toutes les importatio­ns d’acier au premier trimestre 2018 –, l’administra­tion Trump a fait beaucoup de mécontents aux Etats-Unis mêmes. Plus particuliè­rement les entreprise­s qui importent les métaux pour la transforma­tion. Selon un diplomate européen, Bruxelles compte en faire des alliées tactiques. Et les entreprise­s candidates sont nombreuses.

Perte de compétitiv­ité américaine

A commencer par les membres de la Coalition of American Metal Manufactur­ers and Users. Cette associatio­n affirme que le prix de l’acier a déjà augmenté de 12% depuis mars. Selon elle, le fossé entre les prix américain, européen et asiatique se creuse, faisant perdre la compétitiv­ité des entreprise­s américaine­s. L’Alliance of Automobile Manufactur­ers abonde, affirmant que les constructe­urs ne pourront jamais passer la totalité du surcoût aux consommate­urs.

Le Financial Times de vendredi donne l’exemple de Deere. Le constructe­ur d’équipement­s lourds utilisés dans les grands travaux se plaint aussi de la hausse des prix. Mais il espère y faire face grâce à un programme de réduction des coûts.

«Les Etats-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux», a averti vendredi la commissair­e européenne au Commerce, Cecilia Malmström.

Pour sa part, Alcoa, le géant américain de l’aluminium, compte demander une exemption à Washington. Ses deux fourneaux sont basés au Canada; dès lors, il devra s’acquitter des surtaxes à l’importatio­n de sa propre production.

«L’administra­tion Trump vient d’ouvrir la voie aux mesures de rétorsion qui pénalisero­nt les exportatio­ns agricoles», se plaint Farmers for Free Trade, une associatio­n dont les membres sont présents sur le marché internatio­nal, cité toujours dans le quotidien économique. Selon elle, l’agricultur­e américaine payera le prix fort et licenciera sans doute des dizaines de milliers d’ouvriers.

En 2002, environ 200000 emplois avaient été détruits lorsque le président d’alors, George Bush, avait introduit une surtaxe sur l’acier. Condamnée à l’OMC, la mesure avait été levée après vingt et un mois.

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(DURSUN AYDEMIR/ANADOLU AGENCY/GETTY IMAGES)

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