L’UE se rebelle (un peu) contre les Etats-Unis
La Commission européenne a porté plainte vendredi contre les surtaxes américaines sur l’acier et l’aluminium auprès de l’OMC. Mais elle compte aussi s’allier aux entreprises et aux consommateurs américains pour faire pression sur l’administration Trump
Hier, la Commission européenne a porté plainte, auprès de l’Organisation mondiale du commerce, contre les surtaxes américaines sur l’acier et l’aluminium. Mais elle a aussi appelé, par la voix de sa commissaire chargée du Commerce, à la reprise du dialogue et à la mise en place d’une stratégie commune dirigée contre la Chine.
«Les Etats-Unis se trompent d’ennemi. Le problème de surcapacité d’acier sur le marché mondial est bien réel, mais la responsabilité ne revient pas à l’Union européenne.» C’est en ces termes que, dépitée et presque en s’excusant, que Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du Commerce, a annoncé vendredi que la Commission venait de porter plainte contre les surtaxes américaines sur l’acier et l’aluminium européens, entrées en vigueur le même jour.
Autre riposte: dans une vingtaine de jours, la Commission aura fini d’évaluer les conséquences des sanctions américaines. Elle frapperait alors à son tour et en conséquence les produits américains entrant en Europe d’une surtaxe. Une liste qui paraît anecdotique (beurre de cacahuètes, jeans Levi’s, jus d’orange, whisky Jack Daniel’s et motos Harley-Davidson) a déjà été déposée auprès de l’OMC.
Mais par-dessus tout, Cecilia Malmström a plaidé pour reprendre le dialogue «entre alliés traditionnels» pour sanctionner le vrai coupable de l’excès d’acier: la Chine, en l’occurrence. Pour ménager les Etats-Unis, la commissaire a annoncé avoir introduit une plainte à l’OMC contre la Chine. Motif: Pékin oblige les entreprises européennes à partager leurs technologies.
La réponse européenne ne s’arrête pas là. En imposant des tarifs sur l’acier et l’aluminium européens, mais aussi canadiens et mexicains – les trois représentent 44% de toutes les importations d’acier au premier trimestre 2018 –, l’administration Trump a fait beaucoup de mécontents aux Etats-Unis mêmes. Plus particulièrement les entreprises qui importent les métaux pour la transformation. Selon un diplomate européen, Bruxelles compte en faire des alliées tactiques. Et les entreprises candidates sont nombreuses.
Perte de compétitivité américaine
A commencer par les membres de la Coalition of American Metal Manufacturers and Users. Cette association affirme que le prix de l’acier a déjà augmenté de 12% depuis mars. Selon elle, le fossé entre les prix américain, européen et asiatique se creuse, faisant perdre la compétitivité des entreprises américaines. L’Alliance of Automobile Manufacturers abonde, affirmant que les constructeurs ne pourront jamais passer la totalité du surcoût aux consommateurs.
Le Financial Times de vendredi donne l’exemple de Deere. Le constructeur d’équipements lourds utilisés dans les grands travaux se plaint aussi de la hausse des prix. Mais il espère y faire face grâce à un programme de réduction des coûts.
«Les Etats-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux», a averti vendredi la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström.
Pour sa part, Alcoa, le géant américain de l’aluminium, compte demander une exemption à Washington. Ses deux fourneaux sont basés au Canada; dès lors, il devra s’acquitter des surtaxes à l’importation de sa propre production.
«L’administration Trump vient d’ouvrir la voie aux mesures de rétorsion qui pénaliseront les exportations agricoles», se plaint Farmers for Free Trade, une association dont les membres sont présents sur le marché international, cité toujours dans le quotidien économique. Selon elle, l’agriculture américaine payera le prix fort et licenciera sans doute des dizaines de milliers d’ouvriers.
En 2002, environ 200000 emplois avaient été détruits lorsque le président d’alors, George Bush, avait introduit une surtaxe sur l’acier. Condamnée à l’OMC, la mesure avait été levée après vingt et un mois.
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