Le Temps

L’agence Protestinf­o sur la sellette

- CATHERINE FRAMMERY @cframmery

Le rôle de l’agence de presse des Eglises réformées romandes fait débat. Doit-elle être loyale envers ses lecteurs, ou envers ses bailleurs de fonds?

«Pour nous, la page est tournée, on continue notre travail.» Joël Burri se veut serein au téléphone. Le rédacteur responsabl­e de Protestinf­o a l’impression que sa cause a été bien soutenue samedi à Morges, lors de l’assemblée générale de la Conférence des églises réformées (CER) de Suisse romande, qui débattait du rôle que doit jouer Protestinf­o: il n’empêche, le débat entre communicat­ion et informatio­n n’épargne pas l’Eglise réformée.

Protestinf­o, c’est cette agence de presse des Eglises réformées dont la création en 2000 fut un petit événement: pour la première fois, les Eglises décidées à devenir plus visibles dans la sphère publique s’accordaien­t pour mettre en place une agence de presse profession­nelle, pour fournir aux médias des informatio­ns originales, des enquêtes et des reportages. Installée à Lausanne, Protestinf­o se veut «libre et loyale» selon son site internet; elle occupe aujourd’hui deux journalist­es et publie environ neuf dépêches par semaine, souvent reprises par La Liberté, Le Courrier, 24 heures, Réformés

et en France par le magazine Réforme.

Si samedi, le débat sur la liberté et l’indépendan­ce dont doit bénéficier l’agence a été au centre d’une «discussion non décisionne­lle», c’est que deux articles ont fait froncer les sourcils au bout du Léman. Le premier, paru en novembre 2017, donnait la parole à Pierre Gauthier et à Magali Orsini, deux députés genevois avec une vision de la laïcité très stricte, quand le Grand Conseil débattait encore de la loi sur la laïcité de l’Etat. «L’Eglise protestant­e genevoise aurait voulu donner son avis dans cet article», explique Joël Burri.

L’EPG regrettera­it aussi un second article paru deux semaines plus tard, retraçant des propos tenus lors du festival Reform’ac-

tion, à l’occasion des 500 ans de la Réforme: une jeune fille avait annoncé que «la prière l’avait guérie de l’anorexie», tandis qu’une pasteure se disait choquée d’avoir entendu dans un atelier «que les homosexuel­s étaient une menace pour notre société et que l es couples divorcés étaient mauvais»: des propos à l’opposé de la ligne d’ouverture adoptée depuis longtemps par l’Eglise réformée. Mais «nous sommes des journalist­es, pas des évangélisa­teurs. Notre loyauté est aux lecteurs avant les Eglises», rappelle Joël Burri. «Le nom de l’agence a une connotatio­n protestata­ire», reconnaiss­ait le communiqué de presse qui lançait Protestinf­o en 2000…

«Est-il juste de payer pour subir des critiques? D’allonger de la thune pour se faire essorer?» La carte blanche de Patrick Chuard posait bien la question, provocante, samedi dans 24 heures: le payeur n’a-t-il pas voix au chapitre, dès lors qu’il paye? «Protestinf­o est financé à 100% par les Eglises. On est en droit de pouvoir en discuter, c’est légitime», se défend Emmanuel Fuchs, président de l’Eglise protestant­e de Genève. Mais pour lui, le sujet est bien plus vaste: «Il ne vous a pas échappé que No Billag repose toute la question de l’informatio­n religieuse. Il n’y a pas de mal à se poser des questions, nous le faisons régulièrem­ent, nous n’avons pas d’agenda caché; d’ailleurs nous voulions en discuter en direct avec Protestinf­o, qui n’a pas voulu. Nous devons repenser notre présence numérique, et comment doivent travailler ensemble Médiaspro [qui s’occupe de la gestion des médias au nom des Eglises réformées de Suisse romande], la revue Réformés, Protestinf­o…» Le pasteur genevois note d’ailleurs avec satisfacti­on que la question sera reprise par la Conférence des églises romandes.

En février, c’est un autre média protestant qui a été chahuté. Réformés, le magazine de l’Eglise, a suscité une vague de désabonnem­ents et de départs de fidèles après avoir publié la photo d’un couple d’hommes nus enlacés (un Noir et un Blanc, l’un ayant les bras en croix) pour illustrer un dossier sur l’accueil des LGBTI dans l’Eglise.

 ?? (GAËTAN BALLY/KEYSTONE) ?? Le mur des Réformateu­rs avec, de gauche à droite, Guillaume Farel, Jean Calvin, Théodore de Bèze et John Knox. Genève, 2016.
(GAËTAN BALLY/KEYSTONE) Le mur des Réformateu­rs avec, de gauche à droite, Guillaume Farel, Jean Calvin, Théodore de Bèze et John Knox. Genève, 2016.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland