Le Temps

«Johann Schneider-Ammann doit avancer avec nous»

- PROPOS RECUEILLIS PAR BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Le Conseil national a renvoyé à l’expéditeur la «Vue d’ensemble» de la politique agricole et demandé la suspension de la réorganisa­tion d’Agroscope. Jacques Bourgeois attend du Conseil fédéral une meilleure écoute

Au départ, c’était un simple rapport intitulé «Vue d’ensemble du développem­ent à moyen terme de la politique agricole». Il devait répondre à huit interventi­ons parlementa­ires. Mais il a enflammé le monde paysan, notamment parce qu’il établissai­t un lien entre la politique intérieure et les accords commerciau­x de libre-échange. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national a décidé de le soumettre au plénum en recommanda­nt de le renvoyer à l’expéditeur, c’est-àdire au Conseil fédéral et plus particulièrement à Johann Schneider-Ammann. Ce renvoi a été décidé lundi soir par 108 voix (UDC et PDC avec quelques voix romandes socialiste­s et PLR) contre 74 et 7 abstention­s. Dans la foulée, ce même cénacle a approuvé une motion qui demande de suspendre la réorganisa­tion d’Agroscope. Le Temps s’est entretenu avec le directeur de l’Union suisse des paysans (USP), Jacques Bourgeois (PLR/FR).

Cette «Vue d’ensemble» n’est qu’un rapport. A quoi cela sert-il de la renvoyer au Conseil fédéral? Ce n’est pas qu’un rapport. Il contient des intentions très précises, notamment la volonté claire de réduire de 30 à 50% les différence­s de prix entre les produits importés et ceux qui proviennen­t de nos producteur­s. Cela aurait provoqué une perte de revenu d’environ 1000 francs par mois par exploitati­on. Le mécanisme de compensati­on qui était proposé portait sur cinq ans, sans qu’on sache ce

«La communicat­ion du Conseil fédéral n’a pas été très heureuse»

qui se passerait au terme de ce délai. Et il était prévu de recourir à la TVA, ce qui exigeait un vote populaire. Nous avons jugé nécessaire de freiner cette stratégie. Nous demandons que cette partie internatio­nale soit séparée de la politique agricole indigène. Nous ne sommes pas opposés à la poursuite de la négociatio­n d’accords de libre-échange pour autant que nos intérêts soient préservés.

Ce renvoi remet-il en question la poursuite de la politique agricole? La prochaine étape, ce sera la stratégie pour les années 2022 et suivantes, la PA22+. Elle devra prendre en considérat­ion l’article constituti­onnel sur la sécurité alimentair­e qui a été plébiscité en septembre 2017 ainsi que le vote du Conseil national.

Qu’attendez-vous de Johann Schneider-Ammann? Nous voulons une évaluation précise de la Politique agricole 14-17. Nous attendons qu’il sépare sa «Vue d’ensemble» en deux parties. Le Conseil fédéral devra aussi tenir compte du résultat des votations de septembre sur deux initiative­s populaires – souveraine­té alimentair­e et aliments équitables – ainsi que d’une troisième qui viendra plus tard. Elle porte sur l’eau potable et aura une incidence majeure sur la politique agricole. Elle conditionn­e notamment les paiements directs à l’abandon total des pesticides, ce qui empêchera les producteur­s bios de traiter leurs cultures au cuivre. Tous ces votes auront des effets sur la PA22+.

Pourquoi faut-il suspendre la réorganisa­tion d’Agroscope? Cette motion est un signe politique. Avant de prendre des décisions, le Conseil fédéral doit définir des objectifs clairs en matière de recherche agronomiqu­e. Il doit aussi impliquer les milieux concernés. C’est en train de se faire. La nouvelle restructur­ation doit être gelée pour l’instant. Je parle de la nouvelle restructur­ation, car la précédente, qui consiste à déménager la recherche en production animale de Liebefeld à Posieux (FR), n’est pas remise en question. Il s’agit de celle qui touche en particulie­r Changins. Nous ne comprenons pas pourquoi le Conseil fédéral a annoncé la réorganisa­tion d’Agroscope alors qu’il prévoit de discuter d’une soixantain­e de mesures d’économies dans le courant du mois de juin. Cette communicat­ion n’a pas été très heureuse.

Ces deux décisions ne sont-elles pas un cinglant désaveu infligé à Johann Schneider-Ammann, qui est du même parti que vous? Il doit avancer avec nous. Le bras de fer qui nous oppose à propos de la «Vue d’ensemble» dure depuis six mois. Pour Agroscope, nous voulons la recherche agronomiqu­e la plus forte possible. Il y a des enjeux environnem­entaux, climatique­s et économique­s majeurs. Le dialogue a repris, ce que je salue.

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JACQUES BOURGEOIS CONSEILLER NATIONAL (PLR/FR) ET DIRECTEUR DE L'UNION SUISSE DES PAYSANS

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