Le Temps

Sur le Central, «Rambo» contre «Schwarzy»

TENNIS Interrompu par la pluie à 6-4 3-5, le match entre Rafael Nadal et Diego Schwartzma­n voit contre toute attente le décuple vainqueur de Roland-Garros bousculé par le plus petit joueur du top 100

- LAURENT FAVRE, PARIS @LaurentFav­re

Les jours se suivent et se ressemblen­t à Roland-Garros. L'affiche déçoit alors que le match a priori déséquilib­ré se révèle passionnan­t. Le choc entre Garbiñe Muguruza et Maria Sharapova, très attendu, fut expédié en un peu plus d'une heure, 6-2 6-1. Maria Sharapova eut beau hurler sur chaque frappe de balle, elle a complèteme­nt raté son match, et particuliè­rement ses jeux de service. Victorieus­e du tournoi en 2016, Muguruza retrouvera jeudi en demi-finale, place de numéro un mondiale en jeu, la tête de série numéro un Simona Halep, qui a éliminé Angelique Kerber (6-7 6-3 6-2).

On se disait donc que c'était peutêtre de nouveau l'année de l'Espagne lorsque Rafael Nadal entra sur le Central, juste après son adversaire Diego Schwartzma­n. Comme Juan Martin Del Potro affrontait au même moment sur le Lenglen le Croate Marin Cilic, la possibilit­é existait que ce fût également l'année de l'Argentine mais, à vrai dire, pas grand monde ne croyait sérieuseme­nt aux chances de Schwartzma­n, pourtant tête de série numéro 11.

La veille, Marco Cecchinato, et son magnifique revers, avait certes bousculé les pronostics et fait jurisprude­nce mais c'était face à un Novak Djokovic assez loin de son meilleur niveau. Nadal, lui, n'avait dévoilé aucune faiblesse lors de ses quatre premiers tours, tous remportés en trois manches.

Petit mais sans complexe

Dire que Diego Schwartzma­n ne semblait pas de taille était à prendre au premier degré. Du haut de son 1 m 70, l'Argentin est le plus petit membre du top 100 et avec sa casquette à l'envers, il pourrait aisément passer pour le ramasseur de balles de son compatriot­e Juan Martin Del Potro (1 m 98). C'est un laborieux qui a connu une progressio­n lente mais régulière, jusqu'à devenir 12e joueur mondial, un peu dans l'indifféren­ce générale. «Peque» (le diminutif de pequeño, «petit») compense ce déficit de puissance par une très grande vélocité, une infatigabl­e activité en fond de court, une bonne coordinati­on (son service est tout de même très efficace) et un jeu très agressif en coup droit comme en revers.

Surtout, il ne craint pas de tenter sa chance, ce qui face à Nadal ne va pas de soi tant l'Espagnol impression­ne ses adversaire­s. Mais «Peque» n'a pas peur et le montre dès le premier jeu, qui dure plus de dix minutes. Il laisse filer deux balles de break mais le ton est donné. Nadal joue profond, quitte à flirter avec les lignes, pour maintenir son adversaire à distance, mais Schwartzma­n avance quand même et tape sur tout ce qui vient, parfois sans même attendre le rebond. On assiste à une grosse bataille de fond de court, un peu comme lors de Muguruza-Sharapova, les cris et les fautes directes en moins.

Premier set perdu depuis 2015

Le bras de fer est impression­nant et face au «Rambo» de Roland-Garros, «Schwarzy» fait preuve d'un culot épatant. Dans un premier temps, son problème est de convertir ses balles de break. Une sur trois à peine. Il surjoue un peu également et force quelques frappes, ce qui permet à Nadal de refaire deux fois un break de retard. Mais l'Argentin a le mérite de ne pas renoncer. C'est lui qui fait les points, ce qui, face à Nadal, est déjà un événement. Un autre, plus gros, se dessine lorsque Schwartzma­n réussit un nouveau break pour mener 5-4, service à suivre.

Nadal appelle le soigneur pour un problème de bandage ou pour casser le rythme. Son jeune adversaire reste calme et se procure deux balles de set. Il les gâche par deux coups droits trop longs, mais ne se démonte pas, sauve une balle de break et conclut finalement (6-4) d'un coup droit rageur, son 20e coup gagnant de la partie. On joue depuis 1h13, le match est encore loin d'être terminé, mais un mythe est tombé: Rafael Nadal a perdu un set à Roland-Garros pour la première fois depuis 2015! C'était lors d'une défaite, déjà en quart de finale (face à Djokovic). Il en avait ensuite aligné 38 consécutiv­ement.

«Peque»

(le diminutif de «pequeño», «petit») compense ce déficit de puissance par une très grande vélocité Diego Schwartzma­n (à gauche) et Rafael Nadal sur le court avant l’interrupti­on du match.

La pluie s’en mêle

Un peu sonné, Rafael Nadal commet une grosse faute directe et concède un break précoce à 1-1 dans la deuxième manche. La bête est blessée… Il se fait d'ailleurs bander l'avant-bras. Ruse-t-il? Il revient à 2-2, mais Schwartzma­n, qui continue de le mettre sur le reculoir, prend une cinquième fois le service de l'Espagnol. Il mène 3-2, service à suivre, lorsque la partie est interrompu­e par la pluie.

On connaît la suite… Avec son expérience, Rafael Nadal va mettre à profit cette trêve venue du ciel pour reprendre ses esprits. Ce scénario s'était déjà produit en finale du Masters 1000 de Rome face à Alexander Zverev. Et effectivem­ent, dès la reprise, le score bondit de 2-3 à 5-3 pour Nadal, qui est rentré d'un bon mètre dans le court. Il sert pour égaliser à une manche partout, mène 30-15 lorsqu'une nouvelle averse le stoppe dans son élan. Diego Schwartzma­n ne demande pas son reste.

Les spectateur­s attendent, mais on ne rejouera plus. La partie reprendra jeudi à midi sur le Central. Qui de «Rambo» ou de «Schwarzy» passera la meilleure nuit? De la gestion de cette attente dépend peut-être la plus grosse sensation de ce tournoi de Roland-Garros.

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(AFP PHOTO/ÉRIC FEFERBERG)

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