Le Temps

Les victimes d’abus sexuels maintienne­nt la pression sur le pape

- SIMON PETITE @SimonPetit­e

Avant la visite du pape François, un réseau internatio­nal pour mettre fin à l’impunité des prêtres pédophiles voit le jour à Genève

La date de l’offensive de communicat­ion est préméditée. Deux semaines avant la visite du pape François à Genève, un réseau internatio­nal pour lutter contre les violences sexuelles commises par les prêtres a annoncé jeudi sa constituti­on. Formée d’associatio­ns de victimes d’une quinzaine de pays, cette nouvelle organisati­on – nommée Ending Clerical Abuse (Mettre fin aux abus du clergé – ECA) – tient son assemblée constituti­ve ces jours-ci à Genève.

Devant la presse, ses représenta­nts, dont de nombreuses victimes, ont chacun posé avec un portrait d’un religieux, accusé de violences sexuelles ou qui aurait couvert de tels crimes. «Nous lançons un appel au pape François pour qu’il tienne ses promesses de tolérance zéro à l’égard des actes de pédophilie au sein de l’Eglise», plaide le Français François Devaux, lui-même victime d’un prêtre dans les années 1970. Il préside une associatio­n, Parole libérée, qui met aussi en cause le cardinal de Lyon Philippe Barbarin accusé d’avoir maintenu ce prêtre qui a ensuite abusé d’autres enfants.

De timides avancées en Suisse

«Les victimes parlent rarement. Mais les actes que nous dénonçons sont rarement isolés et nous sommes chaque fois choqués de constater que, malgré les soupçons, les prêtres incriminés ont pu continuer à officier au contact d’enfants», témoigne le Valaisan Jean-Marie Fürbringer, abusé par un capucin à Saint-Maurice, quand il avait 11 ans. Après un long chemin, il a fini par s’adresser à la justice civile en 1995 mais les faits étaient prescrits. Par la suite, d’autres victimes du même prêtre se sont fait connaître. Des abus dans d’autres cantons ont émergé.

En 2015, l’Eglise catholique a consenti à la création d’une Commission d’écoute, de conciliati­on, d’arbitrage et de réparation (Cecar), composée à la fois d’évêques et de victimes. Cette instance a déjà accordé des indemnités à des victimes. Mais la bataille est loin d’être terminée, car la commission a suspendu ses travaux depuis mars, en attente de garanties d’indépendan­ce vis-à-vis de l’Eglise catholique.

Rattrapage papal après la visite au Chili

«Ce réseau internatio­nal permettra aux victimes d’avoir plus de poids face au Vatican», espère Jean-Marie Fürbringer. Sans les soutiens venant d’autres pays, analyse-t-il, le pape n’aurait pas revu son jugement sur les abus sexuels commis au sein de l’Eglise chilienne, le dernier scandale qui secoue le Vatican. Reçu dans le pays d’Amérique latine en janvier dernier, le pape François avait apporté son soutien à l’évêque Juan Barros, pourtant soupçonné d’avoir couvert un prêtre pédophile. Ces propos avaient fait dérailler la visite papale.

François tente depuis de se rattraper. A la mi-mai, il a convoqué l’ensemble des évêques chiliens, lesquels ont tous présenté leur démission. Le pape n’en a pour l’instant accepté aucune. Mais, le 31 mai dernier, il adressait une lettre aux catholique­s chiliens reconnaiss­ant la «culture d’abus et le système qui a permis de couvrir» ces agissement­s. «C’est un aveu sans précédent au sein de l’Eglise catholique», salue l’Américaine Anne Barrett Doyle, codirectri­ce de l’ONG BishopAcco­untability.org.

Représenta­nt des victimes chiliennes, José Andres Murillo vient d’être reçu longuement par le pape François. Il croit à une réelle prise de conscience chez le souverain pontife après sa visite catastroph­ique au Chili, même si, dit-il, il ne pouvait ignorer les accusation­s contre l’évêque Barros. «Les paroles fortes sont aussi des actes, estime José Andres Murillo. C’est un commenceme­nt mais il faut que cette prise de conscience s’étende aux autres pays, car nous sommes face à une épidémie mondiale.»

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