Le Temps

Roland-Garros

L’insurpassa­ble suprématie de Rafael Nadal sur la terre battue

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

L’an dernier, la dixième victoire de Rafael Nadal à Roland-Garros avait été l’occasion d’une cérémonie particuliè­re, au cours de laquelle l’Espagnol avait reçu en plus de la coupe des Mousquetai­res un trophée commémorat­if spécial. Rien de tout cela cette année pour la onzième. C’est comme si l’on était revenu au cours normal des choses. Comme si Nadal avait entamé un nouveau cycle, avec désormais Carlos Moya dans son box en lieu et place de son oncle Toni.

Ce qu’il y a de fascinant dans cette domination exercée depuis maintenant quatorze ans, c’est qu’elle ne fait que croître. L’emprise de Rafael Nadal sur Roland-Garros est toujours plus étouffante pour ses adversaire­s. A ce rythme-là, le Central peut rester place d’Espagne encore quelques années, jusqu’à la quatorzièm­e ou la quinzième, pourquoi pas.

Alors oui, Nadal a perdu cette année un set pour la première fois depuis 2015. La belle affaire… «Contre lui, on peut gagner un set, pas le match», a estimé, fataliste, l’Argentin Juan Martin del Potro vendredi après sa demi-finale, perdue en trois sets. Marco Cecchinato aurait peut-être pu faire plus que lui ravir une manche mercredi soir en quart de finale. Pas de chance pour l’Italien, la pluie l’a freiné dans son élan et a offert un répit salvateur à son adversaire. Le lendemain, il était déjà trop tard. «Le jour pour le battre, c’était mercredi, pas jeudi», résuma la révélation de cette édition.

Amorties et montées au filet

Même si la finale a duré 2h42, le score est suffisamme­nt sec pour être éloquent: 6-4 6-3 6-2. Rafael Nadal n’a eu que trois balles de break contre lui et en a sauvé deux. Dominic Thiem, plus jeune, plus puissant en coup droit, a souvent gagné la bataille en fond de court mais Nadal, dont le jeu est chaque année un peu plus complet et offensif, s’est facilité la tâche en remportant le point sur 82% de ses premières balles de service et en finissant 16 fois à la volée (sur 18 montées au filet). Il s’est en outre fait une spécialité cette année de l’amortie, profitant à la fois de sa très bonne main et du fait que son lift maintient ses adversaire­s loin derrière la ligne de fond de court. Autant de statistiqu­es qui, vous l’aurez compris, en font un très sérieux client pour Wimbledon.

A Londres, Roger Federer, qui reprend la compétitio­n cette semaine à Stuttgart (et peut-être la place de numéro un mondial) aura à faire face à une tout autre concurrenc­e avec la menace des Alexander Zverev, Grigor Dimitrov, Juan Martin del Potro, Marin Cilic, et bien sûr Rafael Nadal. La course à l’élastique entre les deux légendes pour les records du tennis masculin reprend: nous en sommes désormais à 17 titres en Grand Chelem pour Nadal, 20 pour Federer. Le duo a remporté les six derniers tournois majeurs, trois chacun alternativ­ement.

Le culot de Thiem

La présence en finale d’un joueur de la nouvelle génération n’a pas permis de bouleverse­r l’ordre établi. On pouvait s’en douter. Dominic Thiem (26 ans) a fait un bon match, il n’est pas passé à côté de sa finale, il a montré du culot, beaucoup de qualités, et s’est accroché jusqu’au bout mais cela n’a pas suffi. Perdant son premier jeu de service du match, il sut réagir très vite et recoller de 0-2 à 2-2. Le match bascula à 5-4 pour Nadal, service Thiem. L’Autrichien donna littéralem­ent le jeu (blanc) et le set à son adversaire en commettant quatre fautes directes grossières: une volée de revers dans le filet, un coup droit décroisé dans le couloir, une attaque coup droit dans le filet et, pour parachever le sabordage en règle, un coup droit balancé 50 centimètre­s derrière la ligne de fond de court sur son deuxième coup de raquette.

La crampe pour y croire

Ce n’était évidemment pas la meilleure chose à faire face à Rafael Nadal, qui breaka à 1-0 dans la deuxième manche et à 2-1 dans la troisième pour se mettre rapidement hors d’atteinte. Thiem s’efforça jusqu’au bout de faire bonne figure (il sauva quatre balles de match), mais l’essentiel du suspense se résuma à un temps mort médical demandé par Nadal entre deux services (!). Crampé au majeur tel un rappeur East Coast, il se fit masser par deux fois l’avant-bras. «Le doigt ne bougeait plus et je ne pouvais plus tenir ma raquette. Cela m’a fait peur, j’ai cru que je ne pourrais pas continuer.» Le tennis masculin en est réduit à ça, sur terre battue à tout le moins.

 ?? (CHARLES PLATIAU/REUTERS) ?? L’emprise de Rafael Nadal sur Roland-Garros est toujours plus étouffante pour ses adversaire­s. Son 11e titre à Paris augure le meilleur pour l’avenir.
(CHARLES PLATIAU/REUTERS) L’emprise de Rafael Nadal sur Roland-Garros est toujours plus étouffante pour ses adversaire­s. Son 11e titre à Paris augure le meilleur pour l’avenir.

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