Le Temps

Le 10 juin 2018, un échec fécond?

- PHILIPPE BENDER HISTORIEN

Le Valais ne parle plus d’une même voix forte. Au contraire des votations sur l’initiative Weber ou sur la LAT. Ainsi, à de rares exceptions – Zermatt, dans son égoïsme sacré, figure au nombre d’entre elles –, les communes de montagne, situées au-dessus de 1000 mètres, ont appuyé le projet JO Sion 2026. Malgré leur petitesse souvent, et parce que leur activité repose sur le tourisme d’hiver et d’été, elles n’ont pas craint la grandeur de l’événement.

Mais leur poids démographi­que recule devant celui des villes et des bourgs de la plaine, qui rejettent le décret du Grand Conseil. De plus, l’appartenan­ce partisane, si puissante lors des élections, n’aura joué qu’un rôle mineur. Car, comment expliquer que Viège, Sierre, Sion, Martigny et Monthey, en mains des deux formations, le PDC et le PLR, ne rembarrent si durement un projet adopté par une écrasante majorité de députés?

Même si sa naissance fut difficile, l’aventure olympique n’était pas destinée à sombrer. Personne, sauf une poignée d’idéologues chantant les vertus de la décroissan­ce, ne critiquera le travail de planificat­ion des magistrats, de l’administra­tion et des experts. Or, deux facteurs vont changer une donne favorable. Le premier touche aux mentalités. Les milliers de Valaisans présents sur la Planta le 19 juin 1999 n’ont jamais digéré l’affront fait à leur canton et à leur capitale. Au tréfonds de leur mémoire collective, ils avaient un compte à régler avec le CIO!

Le second facteur touche aux institutio­ns. Il traduit la dépendance toujours plus étroite du Valais envers la Confédérat­ion, et l’affaibliss­ement progressif du fédéralism­e. L’acceptatio­n de la motion de la socialiste Silva Semadeni exigeant un vote du peuple suisse sur les JO, par une majorité du Conseil national englobant socialiste­s, écologiste­s et UDC pressés par Blocher et Freysinger, a marqué un coup d’arrêt. Comme un coup de poignard!

A la fin, le Valais peut-il sortir grandi de l’épreuve? Ne nous voilons pas la face, le Valais, «gravé dans mon coeur», est meurtri. Les gentils sourires et les promesses rassurante­s peuvent calmer un instant la douleur, mais il faudra du temps et de l’intelligen­ce pour guérir les blessures, apaiser les tensions et renouer le dialogue.

Certes, en démocratie directe, l’échec oblige les autorités et les partis, les groupes d’intérêt et les milieux scientifiq­ues, à remettre l’ouvrage sur le métier. A repenser le futur du tourisme et de l’économie. Avec leurs corollaire­s, l’aménagemen­t du territoire et la formation. A réorganise­r le pouvoir cantonal et communal.

Vaste programme qui importera en priorité aux deux formations portant l’Etat, le PDC et le PLR, d’autant que le front du refus du 10 juin, hétéroclit­e et traversé de contradict­ions, n’aligne qu’un catalogue alternatif de projets pieux, financés par une manne miraculeus­e.

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