Merci Esther, on vous a bien comprise
J’ai tout essayé, je vous le promets. Les larmes, le chantage, la flagornerie, la corruption et même la contrainte physique. Mais je n’ai rien pu faire. Sa décision était mûre, irrévocable. C’était son dernier mot. Après dix ans aux commandes de l’émission, Esther Mamarbachi quitte Infrarouge. Comme ça, pouf. Plus d’Esther à la rentrée, dans le soir de nos mercredis d’automne. Il faudra s’y faire. Esther Mamarbachi a décidé de se couper la parole. Qui l’eût cru?
Même si je ne me fais aucun souci pour l’avenir de ma future ex-coproductrice chez nos amis de Mise au point (qui, eux, ne se rendent probablement pas compte de ce qui les attend), j’ai bien peur qu’elle ne commette une grosse erreur. Non pas tellement parce qu’elle se prive de la fréquentation quotidienne d’un type aussi sympathique, compétent, inspirant et modeste que moi (on ne peut pas forcer les gens à aimer ce qui est bon). Mais surtout parce qu’elle regrettera très vite de ne pas présenter les quelques débats qui s’annoncent incontournables dans un futur plus ou moins proche.
A la rentrée, par exemple, flanquée d’experts politiques et de thérapeutes, elle ne se penchera pas sur le cas à part de notre ministre des Affaires étrangères, pour l’émission «Ignazio Cassis a-t-il un filtre?». Ce n’est pas à elle que le Tessinois dira, les yeux dans les yeux, s’il parviendra, un jour, à ne pas dire tout de suite, à tout le monde, tout ce qui lui passe par la tête.
Dans la foulée, et toujours dans le registre psychiatrique, Esther Mamarbachi n’aura pas le privilège de conduire la thérapie de groupe du Parti socialiste genevois, pour l’émission «Qui ne veut pas la peau de Sandrine Salerno?». Avec, sur toutes les lèvres, une question brûlante mais compliquée: s’il est véritablement et définitivement scandaleux de ne pas obtenir de dérogation, ne serait-il pas pertinent de s’interroger sur le bien-fondé de la règle à laquelle il eût fallu déroger (hein, dis)?
Esther manquera aussi notre édition spéciale tourisme au Moyen-Orient, intitulée: «Abu Dhabi? A un jet de pierre!», avec le soutien de Dassault Aviation. Tant pis. Elle ne goûtera pas non plus aux joies de la protection rapprochée après les émissions «Pourquoi l’Italie n’est-elle pas un pays de football?» et «Federer chez Uniqlo: comment dit-on vénal en bâlois?». Dommage. Les gardes du corps et les vitres teintées, c’est pourtant une expérience à faire une fois dans sa vie.
Nous les ferons donc sans elle, toutes ces émissions (ou pas). Ce sera difficile, mais que voulez-vous: Esther Mamarbachi a parlé. Et quand Esther parle, on l’écoute. Quelques milliers de politiciens romands en savent quelque chose. Merci Madame!
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