Les tribulations d’un Genevois dans la lessiveuse 1MDB
ENQUÊTE La justice helvétique soupçonne ce Genevois, ancien conseiller dronne saoudienne, de complicité dans le pillage du fonds souverain malaisien. Les confidences de son entourage éclairent l’af faire financière la plus ahur de cette décennie
L’enquête du «Temps» met en lumière le rôle joué par le Suisse Tarek Obaid dans l’affaire financière la plus folle de ces dernières années
On dit l’homme «jovial», «adorable», mais aussi terriblement tourmenté. Le Saoudo-Genevois de 42 ans, naturalisé Suisse depuis les années 2000, a bien des raisons de l’être. Sa société Petro Saudi, basée en partie à Genève, est accusée d’avoir servi de rouage dans le détournement d’au moins 1 milliard de dollars du fonds souverain malaisien 1MDB. L’automne dernier, la justice suisse a ouvert une enquête contre ses dirigeants pour gestion déloyale, corruption d’agents publics étrangers, blanchiment aggravé et faux dans les titres, entre autres. L’homme s’est pour l’instant toujours muré dans le silence.
Depuis dix-huit mois, Le Temps a enquêté sur ce per- sonnage. Des rendez-vous ont été organisés dans des palaces de l’Arc lémanique ou dans des limousines avec chauffeur, parfois aussi à Berne et à Zurich. Malgré des zones d’ombre et des contradictions, les témoignages permettent, à la façon d’un puzzle, d’assembler de nouvelles pièces pour tenter d’avoir une vision d’ensemble de cette affaire hors norme et pleine de secrets.
Pourquoi Tarek Obaid ne veut-il pas s’exprimer depuis la révélation du scandale en 2015, lui que l’on dit soucieux de laver son honneur? «Son voeu, c’est de préserver le secret qu’il avait promis à l’Arabie saoudite», explique un proche. Pour comprendre ce pacte de silence, notre récit remonte en 2005, quand Tarek Obaid n’avait que 30 ans et officiait comme conseiller privé de la couronne saoudienne du roi Abdallah…
«Il est, à la base, honnête, mais il a eu accès à des deals dans une sphère compliquée» UN AMI GENEVOIS
Il souffre en silence depuis que le scandale a éclaté, serrant les dents sous les révélations. Ces derniers mois, tout est allé de mal en pis pour Tarek Obaid, jovial Saoudo-Genevois de 42 ans et l'un des principaux acteurs suisses de l'affaire 1MDB. Sa société PetroSaudi, basée en partie à Genève, est accusée d'avoir servi de rouage dans le détournement d'au moins un milliard de dollars du fonds souverain malaisien. L'automne dernier, la justice suisse a ouvert une enquête contre ses dirigeants pour gestion déloyale, corruption d'agents publics étrangers, blanchiment aggravé et faux dans les titres, entre autres. Des comptes chez JP Morgan à Genève et des immeubles ont été bloqués par le Ministère public de la Confédération.
Serment à la saoudienne
Le 9 mai dernier, la situation de Tarek Obaid, décrit par ses amis comme «adorable» mais tourmenté, s'est encore aggravée lorsque le premier ministre malaisien, Najib Razak, dont il était proche, a perdu les élections, balayé par le scandale 1MDB.
Le fonds souverain qui devait enrichir la Malaisie est aujourd'hui en quasi-faillite, délesté de 4 à 4,5 milliards de dollars par ses dirigeants et par l'homme d'affaires attitré de Najib Razak, Jho Low, selon les autorités suisses et américaines. Pourquoi Tarek Obaid est-il resté muet depuis l'éclatement du scandale, en 2015, alors qu'on le dit inquiet, miné intérieurement par les événements, et très soucieux de restaurer sa réputation? Sous couvert de l'anonymat, des membres de son entourage offrent une explication. Tarek Obaid a beau être naturalisé suisse depuis les années 2000 – on le voit d'ailleurs fréquemment à Genève –, il serait tenu par un serment de silence imposé par son pays d'origine. «Son voeu, c'est de préserver le secret qu'il avait promis à l'Arabie saoudite. Sa politique, depuis le début, c'est: taistoi et attends.»
Depuis dix-huit mois, Le Temps a eu accès à de nombreuses sources dans l'entourage de de PetroSaudi. Une vingtaine de rendez-vous ont été organisés dans des palaces de l'Arc lémanique ou dans des limousines avec chauffeur, parfois aussi à Berne et à Zurich.
Ces conversations, toujours menées à condition que les interlocuteurs ne soient pas identifiés, permettent de mieux comprendre le rôle clé joué par Tarek Obaid dans l'affaire 1MDB et les arcanes de ce scandale financier hors normes. Malgré des zones d'ombre et des contradictions, elles esquissent l'histoire – assez cohérente – d'une opération de financement politique massif, qui a très mal tourné.
Un bon vivant
En 2005, Tarek Obaid n'a que 30 ans. Il officie comme conseiller privé de la couronne saoudienne dans le palais du roi de l'époque, Abdallah, dont le septième fils, le prince Turki, est son meilleur ami. L'ancien élève de l'Ecole internationale de Genève évolue dans un univers où sont brassées des sommes d'argent colossales et où règne un secret quasi absolu.
Son ancien homme de confiance, Xavier Justo, décrit le Tarek Obaid de cette époque comme un bon vivant amateur de fêtes, cultivé, drôle, mais relativement novice en affaires. «Il est à la base honnête, mais il a eu accès à des deals dans une sphère plus compliquée que ce qu'il aurait pensé», complète l'un de ses amis genevois.
Sa société PetroSaudi, cofondée avec le prince Turki, est basée au sein même du palais royal. La caution implicite de la couronne lui ouvre des portes dans le monde du pétrole. En 2009, au moment où les liens avec la Malaisie se nouent, elle revendique déjà des centaines de millions de dollars d'actifs pétroliers.
1MDB, arme politique
Cette année-là, Najib Razak, tout juste installé comme premier ministre malaisien, se rapproche ostensiblement de l'Arabie saoudite. Il demande d'abord au roi d'augmenter le nombre de pèlerins malaisiens à La Mecque. Le prince Turki et Tarek Obaid héritent du dossier. Le Saoudo-Genevois va ensuite organiser les nombreuses visites du premier ministre malaisien dans le royaume. Le courant passe, le contact est bon, les deux hommes deviennent proches.
La rencontre clé a lieu à l'été 2009, au large de Monaco, sur un somptueux yacht loué pour l'occasion, l'Alfa Nero. Accompagné de sa femme et de son homme d'affaires attitré, Jho Low, alors âgé de 28 ans, Najib Razak présente son projet phare: 1MDB, une entreprise d'investissements stratégiques, financée par des emprunts garantis par le gouvernement malaisien, et orientée vers les pays du Golfe.
Mais le premier ministre veut aussi faire de son véhicule d'investissement une arme politique. Il affirme craindre la progression des Frères musulmans en Malaisie et s'inquiète pour sa réélection, qui doit intervenir quatre ans plus tard. Le message est limpide: Najib Razak a besoin d'être soutenu, y compris financièrement. Ce mélange de business et de politique va se révéler toxique pour 1MDB comme pour PetroSaudi.
Coup de génie à 700 millions
Dans l'immédiat, la solution trouvée relève du coup de génie. PetroSaudi et 1MDB créent une coentreprise (un joint-venture), basée dans le quartier des banques de Genève, qui va permettre de générer 700 millions de dollars pour ainsi dire à partir de rien.
PetroSaudi apporte ses concessions pétrolières en Amérique du Sud et au Turkménistan; le fonds malaisien investit un milliard de dollars en cash pour développer ces actifs. Mais sur cette somme, 700 millions sont reversés à PetroSaudi, au motif que la valeur de ses champs pétroliers – 2,2 milliards, selon l'expert engagé pour l'évaluation – est supérieure au 1,5 milliard que la compagnie pétrolière doit investir dans la coentreprise. «On prend de l'argent parce que la valeur des actifs excède celle du cash», résume une personne qui a participé à la transaction.
Cette équation simple (2,2 milliards – 1,5 milliard = 700 millions) permet de créer une montagne de liquidités à disposition de PetroSaudi et des Malaisiens.
Le cabinet londonien White & Case – avocats habituels de PetroSaudi – a préparé le montage. Tarek Obaid signe l'accord qui crée le joint-venture. Les 700 millions excédentaires sont virés sur le compte d'une société offshore des Seychelles, Good Star, créée par Jho Low. Elle dispose d'un compte chez RBS Coutts à Zurich. A l'ouverture, Jho Low annonce que le compte verra passer une dizaine de millions de dollars. Ce sont en fait 1,7 milliard de dollars qui y transiteront de 2009 à 2013, sans que la banque y trouve rien à redire.
Promesse royale
L'affaire aurait pu s'arrêter là. Fin novembre 2009, le Turkménistan informe PetroSaudi que son principal actif, le champ pétrolier de Serdar, ne pourra pas être exploité en raison
«Son voeu, c’est de préserver le secret qu’il avait promis à l’Arabie saoudite»
UN PROCHE DE TAREK OBAID
d'un différend frontalier avec l'Azerbaïdjan. Cela veut dire que l'apport de PetroSaudi au joint-venture vaut beaucoup moins que prévu, et que les Malaisiens ont investi un milliard pour rien.
Tarek Obaid propose alors de leur rendre l'argent, affirme son entourage. Mais il se heurte au refus des Malaisiens, qui invoquent un motif presque comique quand on connaît la suite: restituer si vite le milliard emprunté par 1MDB à la Deutsche Bank entraînerait des pénalités financières. L'argent du joint-venture est donc transformé en prêt à disposition de PetroSaudi. Et les 700 millions de Good Star restent à Zurich.
Début 2010, le premier ministre malaisien revient en Arabie saoudite. Il dit avoir besoin d'argent pour sa réélection, invoque à nouveau le péril islamiste. Le roi Abdallah entend la supplique. «On ne laissera pas la Malaisie tomber», annoncet-il en substance. Le prince Turki et Tarek Obaid sont chargés de concrétiser ce soutien avec une ligne simple: faire réélire Najib Razak, quel qu'en soit le prix.
De l’argent, toujours plus d’argent
La question du mandat royal et politique confié à PetroSaudi est controversée. Car il n'est nulle part attesté par écrit. Pour certains connaisseurs de l'affaire, l'idée que l'entreprise ait eu une mission officielle ou étatique n'est qu'un leurre, destiné à camoufler les fraudes commises plus tard au détriment de 1MDB. «PetroSaudi était une méthode pour siphonner de l'argent», résume ainsi Bala Chelliah de l'ONG malaisienne Global Bersih.
Du côté de Tarek Obaid, on répond en expliquant que dans la monarchie saoudienne, «le patron n'écrit pas ses instructions sur un bout de papier». Mais l'homme d'affaires conserverait une abondante documentation prouvant son rôle d'entremetteur entre la Malaisie et le royaume.
A une date qui reste à déterminer, les comptes de Najib Razak reçoivent 80 millions de dollars versés par Ministère des finances saoudien, selon le Wall Street Journal. En 2010, PetroSaudi rachète pour plusieurs dizaines de millions de dollars le groupe malaisien UBG, dont l'actionnaire principal est le puissant gouverneur du Sarawak, Taib Mahmud. Officiellement, il s'agit d'un investissement commercial. Officieusement, il faut renflouer un allié vital de Najib Razak en vue de sa réélection.
Mais cela ne suffit pas. Au fil des mois, le premier ministre malaisien se fait plus insistant auprès de Tarek Obaid. Avec un leitmotiv simple: il lui faut de l'argent, toujours plus d'argent. Il demande que les 700 millions déposés sur le compte zurichois de Good Star soient mis à sa disposition. Fin 2010, début 2011 – ces dates restent hypothétiques car la chronologie de cet épisode n'est pas claire – une sorte d'arrangement est trouvé avec les Saoudiens: les Malaisiens peuvent utiliser l'argent pour la réélection du premier ministre, à condition de rembourser plus tard la somme ainsi «empruntée».
La tirelire Good Star
L'utilisation des fonds de Good Star est au coeur des enquêtes judiciaires sur le pillage de 1MDB, notamment en Suisse. Selon un proche du dossier, «Good Star a été utilisée dans la durée pour plusieurs transactions. C'était une sorte de minibanque, qui a été utilisée par plusieurs personnes à plusieurs moments dans différents buts.» Elle va surtout servir de tirelire personnelle à Jho Low, l'âme damnée du premier ministre malaisien.
En 2011, selon une plainte civile du Département de la justice américain, 20 millions de dollars venus de Good Star ont été transférés sur les comptes de Najib Razak en Malaisie, via des intermédiaires saoudiens. En décembre 2010, un dirigeant de 1MDB, Casey Tang, aujourd'hui inculpé en Suisse pour corruption, a reçu 5 millions de dollars venus de Good Star sur un compte à la BSI de Lugano. En juin 2012, 120 millions de dollars versés depuis Good Star sur un compte de la BSI à Lugano ont permis à Jho Low de s'acheter une participation dans EMI Music.
L’homme qui ne savait rien
Surtout, selon la plainte américaine, près de 400 millions venus de Good Star ont été dépensés par Jho Low de 2009 à 2013 pour l'achat d'un hôtel et de propriétés de luxe aux Etats-Unis, pour des soirées dans des casinos de Las Vegas, en locations de yachts et de jets privés ou en bijoux. En tout, l'intermédiaire malaisien aurait détourné un milliard de dollars sur les 1,7 qui sont passés par le compte suisse de Good Star.
Que savait Tarek Obaid de tout cela? Selon son entourage, rien. L'Helvéto-Saoudien était pourtant le propriétaire formel de la société seychelloise depuis le 1er septembre 2009, à travers un instrument aujourd'hui banni, l'action au porteur. Un simple papier anonyme qui permet à son détenteur quel qu'il soit – son «porteur» – de posséder une société. L'échange de ce document se serait fait de la main à la main, Jho Low remettant l'action à Tarek Obaid dans une enveloppe.
Mais l'Helvéto-Saoudien n'aurait jamais eu le contrôle du compte de Good Star chez Coutts, ni des transferts bancaires qui s'y effectuaient. Il n'avait ni visibilité, ni signature ou procuration sur le compte, affirment ses proches. Il aurait découvert beaucoup trop tard, fin 2017, que Jho Low contrôlait les fonds de Good Star et avait pillé la société.
Coup de colère
Tarek Obaid avait pourtant compris très vite que quelque chose clochait. Dès 2010, Jho Low avait commencé à s'afficher dans des fêtes clinquantes avec la starlette Paris Hilton et à acheter de luxueuses propriétés à Los Angeles. Le patron de PetroSaudi aurait alors commencé à poser des questions, sans recevoir de réponse concluante. «Les Malaisiens disaient simplement que la famille de Jho Low avait beaucoup d'argent», explique un proche du dossier.
Finalement, lors d'une visite du premier ministre malaisien à La Mecque, Tarek Obaid serait sorti de ses gonds, interpellant sans ménagement Najib Razak sur le comportement de son intermédiaire. Comment pouvait-il envoyer un non-musulman (Jho Low est d'origine chinoise) quémander de l'argent au roi d'Arabie saoudite, gardien des lieux saints de l'islam? Comment pouvait-il confier le financement de sa réélection à un flambeur qui s'affichait avec des courtisanes aux moeurs légères?
La sortie en 2013 du film Le loup de
Wall Street avec Leonardo DiCaprio, financé par Jho Low et le beau-fils de Najib Razak, aurait été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Mais face aux protestations du Saoudo-Genevois, le premier ministre et surtout sa femme, Rosmah Mansor, auraient fermement défendu leur intermédiaire, le qualifiant de «smart» et digne de confiance.
Un avocat de Najib Razak aux EtatsUnis, Matthew Schwartz, n'a pas répondu aux questions du Temps sur ses relations avec PetroSaudi. Le politicien déchu a déclaré à Reuters le 19 juin qu'il n'estimait pas avoir commis d'actes illégaux dans le dossier 1MDB.
Tarek Obaid aurait aussi apostrophé Jho Low. A plusieurs reprises, notamment lors d'une rencontre dans un palace genevois, il aurait demandé au jeune Malaisien de lui montrer les transferts bancaires prouvant que l'argent qu'il flambait venait bien de sa fortune personnelle. Mais à chaque fois, Jho Low s'en serait tiré avec de vagues promesses, sans fournir les documents bancaires demandés.
Gros-Jean comme devant
Ce n'est qu'en 2014, alors que les dépenses de Jho Low à Hollywood et ailleurs devenaient de plus en plus visibles, que Tarek Obaid aurait compris qu'il s'était fait avoir et qu'il ne reverrait jamais l'argent placé dans Good Star. «Il s'est retrouvé Gros-Jean comme devant», résume un proche.
Pourquoi n'avoir pas protesté davantage? Pourquoi n'avoir pas coupé les ponts avec les Malaisiens, voire dénoncé les faits aux autorités? Tarek Obaid était pris, selon ses proches, dans une contrainte insoluble. Puisque le roi Abdallah – son patron ultime – voulait faire réélire Najib Razak, et que ce dernier insistait pour que le financement passe par son favori Jho Low, la marge de manoeuvre du jeune Helvéto-Saoudien était quasi nulle.
Un proche du dossier avance une autre explication, plus simple. Les affaires conclues avec les Malaisiens étaient si lucratives qu'il aurait été absurde d'y renoncer. «Les gens de PetroSaudi se sont demandé: qu'est-ce qu'ils foutent? Qu'est-ce que c'est que ce bordel? Mais bon, on va continuer à bosser avec eux.»
Pour Tarek Obaid, les transactions avec 1MDB ont été une aubaine. En 2009 et 2010, il a reçu chez JP Morgan à Genève au moins 153 millions de dollars venus du compte Good Star, selon la plainte civile déposée par la justice américaine en juin 2017. Les raisons de cette énorme rémunération restent pour l'instant obscures.
Vent de panique
En Suisse, le Ministère public de la Confédération, qui enquête sur l'affaire, semble tenir Tarek Obaid pour responsable, au moins par son inaction, des opérations de corruption et de blanchiment qui se sont nouées autour du deal PetroSaudi-1MDB. Vu les personnalités politiques et les sommes en jeu, il devait savoir que la corruption était possible, voire vraisemblable, mais n'a rien fait pour l'empêcher. «Il aurait dû se poser plus de questions, réclamer des documents supplémentaires, ou ne pas faire cette transaction», résume un proche du dossier.
Tarek Obaid est aussi sur la sellette pour avoir certifié dans des lettres, au printemps 2015, que PetroSaudi était bien propriétaire de la structure Good Star. C'est à ce moment-là que l'affaire 1MDB devient publique et que le blog malaisien Sarawak Report commence à publier, sur la base de documents internes de PetroSaudi emportés par son ancien employé Xavier Justo, des révélations sur les détournements chez 1MDB.
Dans le camp de Najib Razak, c'est la panique. Les banques suisses impliquées dans les transactions commencent – tardivement – à poser des questions. Notamment la BSI, dont Jho Low est le client et dont les comptes ont vu passer des centaines de millions de dollars provenant de Good Star.
L'intermédiaire malaisien brandit alors une lettre signée de Tarek Obaid, affirmant que Good Star appartient à PetroSaudi. Une manière de légitimer les transferts en leur donnant une justification commerciale et un vernis officiel. Pour les autorités américaines, ces lettres sont mensongères, puisque Good Star était en réalité contrôlée par Jho Low.
Gros moyens de défense
Malgré la gravité des charges, Tarek Obaid espère encore se sortir d'affaires avec une condamnation a minima. Sa meilleure option, pour éviter une longue enquête, est de négocier une procédure simplifiée avec le Ministère public de la Confédération. Cette démarche implique une condamnation plutôt clémente, une amende sans doute conséquente et une certaine reconnaissance de culpabilité.
Mais à ce stade, Tarek Obaid ne semble pas vouloir concéder grandchose. Même si le deal avec les Malaisiens a mal tourné, ses intentions étaient pures, assurent ses proches.
Le patron de PetroSaudi a aussi investi des sommes considérables pour sa défense. Lui et sa société ont engagé des avocats en Suisse, aux Etats-Unis et à Londres, mais aussi des détectives privés, des consultants en stratégie et des experts informatiques. Tarek Obaid a même fourni aux services secrets suisses des informations sur les réseaux islamistes libyens et qataris, dans le but assez transparent de se faire bien voir des autorités helvétiques.
Morale tragique
Mais son argument fondamental est juridique. «Le fait qu'au final, le joint-venture ait été une mauvaise affaire pour 1MDB, que les contrôles aient été défaillants, que les Malaisiens aient été naïfs dans leurs investissements, ce n'est pas un crime de PetroSaudi, estime un proche de l'entreprise. Car à la base, la transaction était réelle. Ce n'était pas une fraude.»
A ce stade, le patron de PetroSaudi est présumé innocent, le fonds 1MDB n'est pas plaignant dans la procédure suisse et les nouvelles autorités malaisiennes n'ont pas encore répondu aux demandes d'entraide helvétiques dans ce dossier, même si elles ont annoncé qu'elles allaient relancer la coopération judiciaire avec la Suisse.
Du point de vue de Tarek Obaid, la morale de cette histoire est aussi simple que tragique. «Il a essayé d'éviter ça, assure un proche. Mais c'est dur de comprendre le monde d'où il vient.»