«Il faut voir où l’on peut économiser»
Mirjam Staub-Bisang, la présidente du conseil de fondation de l’institution de prévoyance Profond, évoque le «splitting» des caisses, les taux d’intérêt à la hausse et la numérisation
L’an dernier, la conjoncture était favorable et les marchés avaient très bien évolué. Dans quelle mesure cela a-t-il influencé le résultat de l’institution de prévoyance Profond? Ce fut en effet une très bonne année. Nous avons pu rémunérer les avoirs de prévoyance à hauteur de 3,5%. L’an 2016 avait déjà été un bon exercice et nous aurions bien voulu rémunérer mieux que les 2,25% décidés. Mais notre réserve de fluctuation n’avait pas encore atteint le seuil des 75% nécessaires, de sorte qu’une rémunération plus élevée n’a pas été possible.
Qu’est-ce qui pourrait le plus affecter les réserves? Pour nous, le pire serait un scénario de krach du marché d’actions à la suite de la forte hausse des taux. Certes, moins de 10% de nos placements sont des obligations, mais la valeur de notre portefeuille immobilier serait affectée par une hausse des taux via le taux d’escompte.
Couvrez-vous vos investissements contre les fluctuations de valeur? Non, nous en avons longuement parlé l’automne dernier au sein du conseil de fondation. Or nous préférons limiter les risques par le biais de l’allocation des actifs. En outre, notre portefeuille génère des cash-flows stables par les revenus des dividendes et des loyers.
Depuis des années, Profond est un champion en matière de prestations. Avez-vous des rendements tellement élevés ou prenez-vous des risques importants? Les rendements élevés sont une condition pour des prestations élevées. Nous avons un portefeuille composé à 50% d’actions et à 30% d’immobilier. Les 20% restants sont répartis entre les autres catégories d’actifs. Au total, nous ne prenons pas davantage de risques que les autres fondations. Avec nos placements en actions, nous générons régulièrement des rendements de dividendes situés nettement au-dessus de ce qu’on peut attendre des obligations.
Que faites-vous en matière d’investissements alternatifs? En ce moment, nous détenons une petite part de placements en infrastructures, composée de participations à des parcs éoliens et solaires en Europe et à un producteur d’énergie de biomasse avec réseau de chauffage à distance dans le canton de Schwytz. Ce sont-là des placements illiquides, mais nous sommes convaincus des atouts de tels placements: du cash-flow constant grâce à la rétribution de l’injection par l’Etat. Des plateformes ont été récemment mises en place, grâce auxquelles les investissements immobiliers devraient être facilités pour les caisses de pension… De telles offres conviennent plutôt à de petites caisses de pension. Pour une grande comme la nôtre, cela ne vaudrait financièrement pas le coup: nous achetons et gérons nous-mêmes notre portefeuille immobilier. Côté investissements immobiliers, la quote-part possible est exploitée. Pour nous, l’immobilier est un excellent substitut aux obligations.
Quel rôle jouent des entreprises comme VZ ou MoneyPark? Elles sont aussi bien des concurrentes que des partenaires commerciaux. Nous avons beaucoup de partenaires et une certaine position de niche du fait de notre stratégie de placement. On parle de numérisation dans l’ensemble du secteur financier. Où en êtesvous? Pour l’heure, la numérisation ne joue pratiquement aucun rôle dans notre activité. Un projet de numérisation a été lancé dans le cadre du processus stratégique pour accélérer d’ici à 2020 l’indispensable mutation du modèle d’affaires.
Comment pensez-vous alors informer concrètement les clients d’ici à trois ou cinq ans? Nous souhaitons que les clients puissent s’informer en tout temps de manière autonome sur le détail de leur situation de prévoyance. Nous n’allons donc pas mettre à disposition un portail contenant des informations agrégées sur l’ensemble de la situation de fortune.
Quelle est chez vous l’importance de la croissance? Nous sommes bien sûr toujours intéressés à assurer la prévoyance pour des entreprises avec des collaborateurs relativement jeunes. Pour nos assurés, il vaut mieux que nous croissions par de nouvelles affiliations avec un nombre de salariés jeunes supérieur à la moyenne car, ainsi, l’ensemble de la structure d’âge de la caisse s’en trouve amélioré. L’essentiel est que les personnes plus âgées, que nous assumons aussi, soient intégralement financées.
Sur un certain laps de temps, le marché du travail peut être bouleversé, notamment du fait de l’automatisation. Est-ce un risque pour des fondations collectives du type Profond? Je ne crois pas à l’imminence d’une vague de chômage du fait de l’automatisation. Mais c’est sûr qu’à l’avenir on exigera d’autres aptitudes des travailleurs. Les tâches de routine seront assumées par des robots ou des processus numériques associés à l’intelligence artificielle. Au bout du compte, il ne faudra pas moins d’humains au travail, mais il en faudra de plus en plus qui savent s’impliquer dans des activités nouvelles au travail et qui sont disposés à apprendre sans relâche.
Que pensez-vous d’une PME qui choisit une fondation différente pour sa part obligatoire et la surobligatoire? La possibilité existe de choisir une solution de caisse de pension pour la partie obligatoire et une autre pour la partie surobligatoire. Mais cela ne concerne qu’une petite partie de l’activité caisses de pension, car le splitting ne fait que compliquer la prévoyance, puisqu’il faut établir un compte témoin. Sur ce point, néanmoins, nous voyons aussi la numérisation comme une opportunité. Fondamentalement, pour beaucoup de PME comptant entre 5 et 20 employés, la prévoyance est un sujet qu’elles n’abordent que négligemment. Bon nombre de ces entreprises ont d’autres soucis que la prévoyance professionnelle: notamment payer les prochains salaires.
Quel est l’avenir de l’assurance multirisque? C’est un modèle en voie de disparition. Le contexte de taux bas et les prescriptions réglementaires rendent cette activité peu attrayante pour les assureurs. Ce qui explique le renoncement d’Axa. Il faudrait éventuellement tester une nouvelle fois ce modèle dans cinq ans, quand les taux seront peut-être remontés.
Avez-vous fait valoir les rétrocessions sur dix ans auprès des banques? Nous avons évidemment demandé l’entier des remboursements, c’est notre devoir à l’endroit des destinataires. Vu notre taille, nous avons une certaine capacité de négociation avec les banques. De nos jours, plus personne ne peut se permettre de renoncer à de l’argent. Il faut voir où l’on peut économiser. Cela vaut aussi pour les coûts de gestion de fortune.
Et à quoi faut-il s’attendre en matière de consolidation? La consolidation se poursuivra parmi les caisses de pension. Lorsque des entreprises qui ont leur propre petite caisse de pension abordent un changement de génération, le moment est généralement venu de réfléchir à ce qu’on a envie de faire tout seul et aux tâches administratives que l’on préfère externaliser. ▅