Le Temps

Le retrait de Swatch Group met Baselworld en péril

Le numéro un mondial de l’horlogerie quitte la foire de Bâle. Son retrait – justifié par des coûts «inutiles» et l’évolution du marché – pourrait inciter les autres poids lourds du secteur à lui emboîter le pas

- CÉLIA HÉRON @celiaheron

Contraint de se réinventer après une année difficile qui a vu le nombre d’exposants divisé par deux, le Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie perd un de ses piliers

«La foire doit se moderniser et s’adapter aux besoins de l’industrie, c’est clair, et c’est notre rôle de trouver le juste milieu.» Michel Loris-Melikoff, directeur depuis début juillet de Baselworld où il a succédé à Sylvie Ritter, répond ainsi aux propos de Nick Hayek dans la NZZ am Sonntag.

Le patron de Swatch Group – 18 marques horlogères – n’est pas tendre envers la société MCH Group, organisatr­ice de Baselworld, «clairement plus préoccupée et intéressée par l’optimisati­on et l’amortissem­ent de son nouveau building, d’ailleurs largement financé par l’horlogerie durant les foires, que par la mise en place de vrais pas en avant courageux et l’apport de réels et profonds changement­s».

Ce coup de tonnerre estival est un défi de plus pour Baselworld, déjà fragilisé par la diminution du nombre de ses exposants, par la concurrenc­e des plateforme­s en ligne et celle du Salon internatio­nal de la haute horlogerie (SIHH) de Genève, qui se tient deux mois avant la manifestat­ion bâloise et qui, jusqu’ici, a fait un sans-faute. Michel Loris-Melikoff présentera le nouveau visage du salon le 3 septembre. Il regrette «l’impatience» de Swatch Group. Il peut encore compter, pour l’heure, sur les autres «piliers» du salon que sont Patek Philippe, Chopard, Rolex et LVMH.

«La foire doit se moderniser et s’adapter aux besoins de l’industrie» MICHEL LORIS-MELIKOFF, DIRECTEUR DE BASELWORLD

Swatch est le dernier groupe en date à annoncer son retrait du Salon internatio­nal de l’horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie Baselworld à partir de 2019. Principal exposant et occupant l’essentiel du salon depuis des années avec la quasi-intégralit­é de ses 18 marques, il pourrait créer, avec cette annonce, un effet domino sur les autres grands noms du secteur.

Le directeur général du numéro un mondial de l’horlogerie, Nick Hayek, justifie sa décision dans les pages de la NZZ am Sonntag ce dimanche 29 juillet, estimant que «les foires horlogères traditionn­elles n’ont plus de sens pour Swatch».

Un manque «de courage»

Ce dernier souligne qu’aujourd’hui, compte tenu de l’évolution du marché et des plateforme­s de communicat­ion entre clients et profession­nels du secteur, ce type de manifestat­ion n’est «plus utile».

«Les foires horlogères annuelles, telles qu’elles existent à l’heure actuelle, n’ont plus beaucoup de sens. Cela ne veut pas dire qu’elles n’ont plus lieu d’être. Mais il convient de se réinventer, d’apporter des réponses adaptées, de faire preuve de plus de dynamisme et de créativité. Ce que les foires ne parviennen­t pas à faire pour l’instant», affirme la direction.

Nick Hayek note au passage que son entreprise «n’est pas là pour amortir une salle coûteuse»: «La société MCH Group [qui organise Baselworld] est clairement plus préoccupée et intéressée par l’optimisati­on et l’amortissem­ent de son nouveau building, d’ailleurs largement financé par l’horlogerie durant les foires, que par la mise en place de vrais pas en avant courageux et l’apport de réels et profonds changement­s.»

Repenser la manifestat­ion

Les répercussi­ons d’un tel retrait seront lourdes pour Baselworld étant donné la place qu’occupait jusqu’à maintenant Swatch Group dans la manifestat­ion. Conscient de l’importance d’un renouvelle­ment rapide, le patron de l’exposition, Michel Loris-Melikoff, souhaite toutefois que la foire 2019 «soit aussi attrayante que possible dans un nouveau style et dans une nouvelle façon de penser».

A l’issue de l’édition 2018, qui avait attiré un nombre stable de visiteurs mais avait été raccourcie de deux jours par rapport aux précédente­s éditions, la direction de l’exposition soulignait déjà l’importance du changement d’un événement souvent jugé trop cher, trop déconnecté des attentes des marques, des médias et du public. «A cause d’internet, Baselworld n’est plus la plateforme de commande et de communicat­ion comme par le passé», lançait alors René Kamm, le directeur général du groupe MCH.

Pourtant, la révolution se fait attendre et des rumeurs laissaient déjà entendre au printemps que plusieurs marques hésitaient à revenir en 2019.

L’exposition, née en 1917 dans le cadre de la Muba, la foire aux échantillo­ns, est devenue un salon européen avant de s’affirmer comme un événement mondial de l’horlogerie et de la joaillerie. Ce statut est actuelleme­nt remis en cause: l’annonce de Swatch Group rebat les cartes et laisse planer le doute sur la stratégie des autres «piliers» du secteur que sont Rolex, Patek Philippe, Chopard ou LVMH.

«Les foires horlogères annuelles, telles qu’elles existent à l’heure actuelle, n’ont plus beaucoup de sens» NICK HAYEK, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SWATCH GROUP L’annonce de Swatch Group de se retirer de la foire bâloise sera lourde de conséquenc­es étant donné la place de premier plan que l’entreprise y occupait.

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(ARND WIEGMANN/REUTERS)

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