Le Temps

Un nouveau musée pour s’interroger sur le passé

- * Bruno Meier, «1291», Editions Hier und Jetzt.

Pour animer un tant soit peu le site du Grütli, un petit musée s’ouvre au public le 1er août prochain

Un port minuscule, une «place du serment» tout aussi modeste et une prairie sur laquelle flotte un unique drapeau suisse. Difficile de faire mieux dans l’austérité! «C’est déjà tout?» se demandent beaucoup des 70000 visiteurs qui viennent s’imprégner d’histoire suisse au Grütli. Non! Cette année, la Société suisse d’utilité publique (SSUP) ouvre un musée niché dans une maisonnett­e bien à l’image de ces lieux. Avec ses 85 mètres carrés, il sera probableme­nt le plus petit de Suisse.

La SSUP n’a dès lors pas l’ambition de créer ses propres exposition­s, mais plutôt de collaborer avec d’autres institutio­ns pour leur permettre d’animer les deux salles à dispositio­n. En l’occurrence, elle reprend une partie d’une exposition réalisée par le Stapferhau­s de Lenzbourg (AG). Ses auteurs ont interrogé un millier de personnes sur la notion de «chez-soi» dans toute la Suisse. Il en ressort une mosaïque de regards rarement détonants, mais habilement mise en scène. La Suisse, c’est d’abord des paysages et des traditions. Le son qui la caractéris­e le mieux? Celui des cloches, des vaches d’abord, des églises ensuite!

Le sondage fait dans le cadre de cette exposition révèle un peuple anxieux: 51% des personnes interrogée­s ont peur que leur «chez-soi» soit menacé. Dans l’ordre, par la destructio­n de l’environnem­ent (35%), par la densificat­ion de l’habitat (28%) et par les cultures étrangères (27%).

1291, rien d’insignifia­nt?

A cet égard, le pèlerinage du Grütli devrait les rassurer. Ici, tout respire le calme et la sérénité dans un décor d’une beauté presque irréelle. Juste en face de Brunnen (SZ), cette prairie surplombe un lac des Quatre-Cantons bleu-vert scintillan­t sous le soleil. Au loin, deux montagnes dont le nom ne s’invente pas: les Mythen! «Le Grütli, c’est à la fois Guillaume Tell, 1291, la création de l’Etat helvétique et une légende», résumait l’historien Roger Sablonier.

En fait, c’est surtout une légende. Aujourd’hui, la plupart des historiens reconnaiss­ent qu’il ne s’est probableme­nt rien passé le 1er août 1291, même si une plaque rouge indique une «place du serment», celle où les trois Confédérés – Arnold von Melchtal, Walter Fürst et Werner Stauffache­r – ont plus vraisembla­blement prêté serment en 1307 pour faire face à la menace autrichien­ne. Le dernier en date de ces historiens est l’Argovien Bruno Meier, qui vient de publier un livre sobrement intitulé: 1291*. Sur 180 pages, il s’attache à relater les événements de cette année. Son verdict? «Cette année est insignifia­nte dans l’histoire de la Confédérat­ion.» En d’autres termes, le Grütli est avant tout une attraction touristiqu­e.

Le nouveau musée n’aborde pas toutes ces questions. Qu’importe, à vrai dire. Car beaucoup de visiteurs veulent tout de même croire à ce pacte fondateur, à l’instar de Kaspar et Christine, ce couple de Berthoud (BE) croisé sur la «place du serment». «A une époque où le monde est en plein bouleverse­ment, il faut bien se raccrocher à quelque chose.»M.G.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland