Le Temps

Août, mois maudit pour les marchés

Historique­ment, août est la période la plus volatile de l’année, en raison d’événements inattendus et de volumes faibles. Cette année pourrait à nouveau confirmer la tendance

- MATHILDE FARINE t @MathildeFa­rine

Si l’on se fie aux chiffres, nous quittons l’un des mois les plus favorables de l’année pour entrer dans l’un des plus chaotiques. Sur les marchés, juillet affiche presque toujours des hausses des actions. 2018 n’a pas fait exception: alors que le mois touche à sa fin, l’indice S&P500 des actions américaine­s a déjà engrangé 4,7%. Une raison possible: la plupart des sociétés publient leurs résultats semestriel­s à cette période et dopent les cours – hormis Facebook cette fois.

Sur dix ans, c’est même le deuxième meilleur mois de l’année, toujours si l’on observe l’indice S&P500, qui a progressé de 2,25% en moyenne chaque juillet, selon la société LPL Finance.

Tout cela pourrait bien s’arrêter dès mercredi. Depuis 1987, il n’y a pas eu de pire mois que celui d’août pour les marchés, à l’exception de septembre. En termes de baisse, mais aussi de volatilité, particuliè­rement élevée. Depuis 1987, l’indice Dow Jones Industrial Average a perdu en moyenne 1,1%, soit le pire mois pour les actions en trente ans, a calculé Bloomberg. Quant à la volatilité, elle est plus élevée que le reste de l’année.

Mois mouvementé

«C’est vrai, ces dernières années, août a souvent été assez mouvementé. Il s’agit d’une conjonctio­n d’événements qui pourraient se produire à n’importe quel moment de l’année – comme la crise des marchés chinois il y a trois ans – et d’une plus faible liquidité. Comme moins d’investisse­urs ont l’oeil rivé sur leur écran, des ordres peuvent avoir un effet plus important sur les cours que le reste du temps», explique Nadège Dufossé, responsabl­e de l’allocation d’actifs pour la société Candriam. Elle n’y voit pourtant pas de «raisons structurel­les». Lors de la crise financière ou celle de l’euro, les mois d’août avaient également été l’occasion de grands soubresaut­s. Exemples? En août 2011, une série de rumeurs enflamme la bourse: elles touchent toutes les banques françaises, en particulie­r Société Générale, soupçonnée d’être au bord du gouffre suite à la crise de l’euro. Puis, en 2015, les inquiétude­s sur la Chine secouent les places du monde entier.

Gilles Prince, responsabl­e des investisse­ments chez Edmond de Rothschild Suisse, n’estime pas non plus que «les marchés soient particuliè­rement nerveux pendant l’été» et y voit aussi le signe d’une activité plus faible. Il rappelle également que le cas d’août n’est pas isolé: «Les lundis sont souvent aussi des séances plus sujettes à volatilité que le reste de la semaine, notamment parce que des informatio­ns tombent le week-end.»

Les mois suivants également

Qu’en sera-t-il pour le mois à venir? «Nous devons nous attendre à davantage de volatilité», prévoit Gilles Prince. Rien à voir avec des volumes plus faibles cette fois: «Il y a davantage d’incertitud­es dans les marchés en ce moment», explique-t-il, citant la guerre commercial­e face à laquelle «les investisse­urs se montrent quelque peu indifféren­ts». Comme s’ils ne réalisaien­t pas toujours l’impact que les mesures de protection­nisme pouvaient avoir sur l’économie réelle. «J’ai l’impression d’une forme de déni, tout le monde veut croire que tout se passera bien, malgré les mesures prises de tous les côtés», s’inquiète-t-il.

Pour l’instant, les marchés «sont abreuvés de bonnes nouvelles: la croissance économique reste bien orientée, les bénéfices continuent de croître, les marges des sociétés demeurent élevées, mais les attentes importante­s créent aussi un potentiel de déception plus grand. Et cela se traduira par un retour de la volatilité», assure le spécialist­e. Ce mois-ci, mais probableme­nt aussi les prochains.

Nadège Dufossé voit aussi un certain nombre d’échéances dans les semaines à venir qui pourraient secouer les marchés. «Les discussion­s autour de l’Alena, la guerre commercial­e, les restrictio­ns dans les investisse­ments dans la technologi­e, l’Iran, tous ces sujets seront dans les esprits», cite-t-elle. Sans se montrer particuliè­rement inquiète: «Ces thèmes peuvent produire de la volatilité, mais il existe aussi un effet de lassitude et d’accoutuman­ce qui limiterait les réactions.»

Pour la spécialist­e, il convient de se concentrer sur les fondamenta­ux économique­s. Est-ce que l’économie européenne se redresse après un premier semestre un peu décevant? Y a-t-il un risque que les indicateur­s américains se dégradent? Les pays émergents vont-ils profiter du stimulus chinois? Voilà les questions qu’il faut se poser. «S’il y a une déception de ce côté-là, les marchés réagiront», prévient-elle.

Prudence et diversific­ation

Dans ce contexte, Gilles Prince incite à la prudence et à la diversific­ation. «Ce n’est pas le moment de prendre des paris marqués. Nous avons tactiqueme­nt réduit l’allocation en actions pour l’été, parce qu’on voit les risques augmenter, particuliè­rement pour l’Europe et les pays émergents étant plus vulnérable­s», explique-t-il.

Nadège Dufossé, elle, mise sur les petites et moyennes capitalisa­tions, moins sensibles aux enjeux des exportatio­ns et davantage à la croissance locale. De même que sur les titres défensifs, notamment dans l’alimentati­on et tout ce qui est lié à l’innovation. Elle se dit neutre sur l’Europe, plus enthousias­te sur les EtatsUnis et les pays émergents, où les valorisati­ons sont attractive­s.

Restent les surprises. Août 2018 nous en réserve peut-être d’autres.

La bourse de New York est souvent plus volatile en été.

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(GETTY IMAGES)

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