Le Temps

Dans le cloud, Google veut clore le chapitre des polémiques

- JÉRÔME MARIN, SAN FRANCISCO @JeromeMari­nSF

Le moteur de recherche mise sur l’intelligen­ce artificiel­le pour rattraper son retard sur ses concurrent­s

«Nous devons avoir une conversati­on sur les défis et les pièges de l’intelligen­ce artificiel­le»

FEI-FEI LI, RESPONSABL­E

DE L’IA CHEZ GOOGLE CLOUD

«Je ne parle pas du projet Maven.» Le sujet est si sensible que Diane Greene coupe immédiatem­ent court à la conversati­on. La patronne de Google Cloud préfère évoquer la croissance rapide de l’activité ou les fonctionna­lités présentées la semaine dernière au cours d’une conférence organisée à San Francisco. Mais elle refuse de revenir sur la polémique suscitée par la participat­ion du moteur de recherche à ce projet du Pentagone. «Les choses tournent mal quand j’en parle», justifie-t-elle.

Cet épisode a constitué la plus importante crise depuis l’arrivée, fin 2015, de la dirigeante à la tête de la division de Google spécialisé­e dans le cloud computing. En interne, la collaborat­ion avec le Ministère américain de la défense a suscité un important mouvement de contestati­on. Plus de 4000 employés ont signé une pétition. Et une douzaine de salariés ont choisi de démissionn­er pour protester contre l’utilisatio­n de l’intelligen­ce artificiel­le à des fins militaires. En juin, la société avait préféré faire marche arrière.

Vers de nouveaux contrats

Lancé à l’automne 2016, le projet Maven a pour but d’améliorer l’analyse des images vidéo filmées par les drones de l’armée américaine en utilisant des logiciels de machine learning (apprentiss­age automatisé) fournis par Google, qui est une des sociétés les plus avancées dans ce domaine. Ses dirigeants voyaient surtout dans ce contrat d’une dizaine de millions une porte d’entrée vers d’autres contrats avec l’armée ou des agences de renseignem­ent. Un marché prometteur que lorgnent également ses rivaux Amazon et Microsoft.

Face aux questions, Diane Greene renvoie désormais aux sept principes publiés début juin par la société de Mountain View. Ils prévoient notamment de ne pas contribuer au développem­ent d’armes ou de technologi­es «dont le principal objectif est de causer, ou de faciliter directemen­t, des blessures». Ou encore d’outils de surveillan­ce «violant les grands principes internatio­naux des droits humains». «Vous devez être très prudents sur la manière dont vous utilisez ces technologi­es très puissantes», concède la responsabl­e de Google.

Les révélation­s sur le projet Maven ont relancé un vaste débat. Dans la foulée, des salariés d’Amazon ont également protesté contre la vente d’outils de reconnaiss­ance faciale à plusieurs départemen­ts de police aux Etats-Unis. «C’est un cycle naturel pour les nouvelles technologi­es, estime Fei-Fei Li, responsabl­e de l’IA chez Google Cloud. A chaque fois que l’humanité a connu des avancées, elle s’est posé des questions. Nous devons avoir une conversati­on sur les défis et les pièges de l’intelligen­ce artificiel­le et sur la manière de l’utiliser de manière responsabl­e.»

«Bien au-delà d’une discussion économique»

Google, qui vise notamment un gigantesqu­e contrat pour héberger les données du Pentagone, ne renonce pas pour autant à travailler avec des gouverneme­nts ou les armées. «Leurs projets devront respecter nos principes en matière d’intelligen­ce artificiel­le», indique Paul-Henri Ferrand, président des activités commercial­es de Google Cloud. Un engagement que n’ont pas encore pris ses rivaux. «Cela va bien au-delà d’une discussion économique, assure le dirigeant. Cela concerne notre rôle dans la société.»

Google investit depuis des années dans l’intelligen­ce artificiel­le, qu’elle injecte dans ses produits pour les améliorer. Depuis le début de l’année, elle met une partie de ses technologi­es à dispositio­n des clients de sa plateforme de cloud computing. Cela doit leur permettre de créer plus facilement leur propre algorithme de reconnaiss­ance d’image ou de traduction. «Il y a peu d’expertise dans le domaine, souligne Diane Greene. Nos outils permettent de la rendre plus accessible.»

Google mise gros sur ces nouveaux services pour rattraper son retard dans le cloud. La société y réalise un milliard de dollars de chiffre d’affaires par trimestre, en combinant le cloud d’infrastruc­tures et sa suite logicielle G Suite (Gmail, Drive, Calendar). C’est dix fois moins que Microsoft. Et six fois moins qu’Amazon, qui ne commercial­ise pas de logiciels contrairem­ent à ses deux compétiteu­rs.n

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(DAVID PAUL MORRIS/GETTY IMAGES) La patronne de Google Cloud, Diane Greene, plaide en faveur de la prudence dans l’utilisatio­n de «technologi­es très puissantes».

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