Le Temps

Alessio Figalli, chercheur à l’EPFZ et nouveau boss des maths

- ALIZÉE GUILHEM

Le prodige italien, qui mène ses recherches au sein de l’Ecole polytechni­que fédérale de Zurich, vient de recevoir la médaille Fields aux côtés de trois autres chercheurs. Ces récompense­s ont été décernées dans le cadre du Congrès internatio­nal des mathématic­iens, qui se tient à Rio de Janeiro

«J’ai toujours bien aimé les maths. Je trouvais ça amusant et je réussissai­s plutôt bien.» Ces mots simples sont ceux d’un homme devenu l’un des plus grands chercheurs en mathématiq­ues du monde. Professeur à l’EPFZ, Alessio Figalli a reçu le 1er août la médaille Fields, distinctio­n la plus prestigieu­se avec le Prix Abel pour cette discipline privée de Nobel. Décernées tous les quatre ans par l’Union mathématiq­ue internatio­nale (IMU), les médailles Fields sont remises aux mathématic­iens de moins de 40 ans les plus brillants de leur génération.

Formation italienne

Alessio Figalli est Italien. Durant son enfance romaine, l’ambiance familiale semble dominée par la littératur­e, et ce n’est qu’en troisième année de lycée que les maths font irruption dans sa vie, à l’occasion d’olympiades organisées par l’Union des mathématiq­ues italienne.

Le lycéen apprécie déjà à l’époque le défi que représente­nt les problèmes posés: «Ce ne sont pas des exercices répétitifs, trouver les solutions nécessite d’avoir des idées nouvelles.» Un état d’esprit créatif qui favorise l’émergence d’une passion. Alessio Figalli se prépare de manière autodidact­e au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure de Pise, qu’il réussit. C’est au sein de cette institutio­n qu’il fait ses premiers pas. Une formation italienne qu’il n’oublie pas.

Le mathématic­ien dédie ainsi ce prix à son pays d’origine, auquel il reste très attaché. «J’ai été suffisamme­nt bien formé en Italie pour réussir à impression­ner Albert Fathi [professeur de mathématiq­ues franco-égyptien, ndlr] lorsqu’il est venu faire cours à Pise.» Ce dernier l’invite à poursuivre ses études à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Point de départ d’un parcours sans faute, qui avait commencé comme un jeu d’enfant et se voit aujourd’hui récompensé.

Parcours sans faute

Alessio Figalli appelle par leur prénom ses deux directeurs de thèse: Luigi (Ambrosio) et Cédric (Villani), respective­ment Italien et Français. Le professeur Ambrosio aime se souvenir de leur rencontre à l’Ecole normale de Pise: dès les premiers échanges, les questions posées par l’étudiant Figalli lui laissent présager un potentiel hors norme. Aujourd’hui, il ne tarit pas d’éloges sur celui qui est devenu un collègue: «Son talent exceptionn­el pour résoudre les problèmes s’appuie sur de grandes facultés d’assimilati­on et une remarquabl­e ingéniosit­é. Sa personnali­té à la fois charismati­que et équilibrée en fait un collègue très apprécié au sein des équipes.»

Le jeune prodige, devenu docteur en mathématiq­ues à 23 ans, décroche un premier poste au Centre national de la recherche scientifiq­ue (CNRS) à Nice. Il est recruté un an plus tard par l’Ecole polytechni­que de Paris. Avant de prendre son envol pour Austin, Texas, puis finalement de rejoindre l’EPFZ.

Transport optimal et bulles de savon

Au-delà de sa fierté personnell­e, il sait que cette médaille est aussi une reconnaiss­ance pour l’ensemble d’une communauté. Ses recherches ont pour terreau les travaux sur le «transport optimal», développés en premier lieu par Gaspard Monge à l’époque napoléonie­nne et qu’il résume par un problème central: «Comment transporte­r des ressources d’un point A à un point B de la manière la plus optimale possible?» Une question qui peut se rapporter à des objets d’étude extrêmemen­t variés.

Ainsi, après s’être penché sur l’étude mathématiq­ue pure du transport optimal, Alessio Figalli s’intéresse à des problèmes d’isopérimét­rie. Pour expliquer ses travaux aux novices, il utilise des images. Par exemple, celle d’une bulle de savon d’une taille donnée, qui minimise l’énergie de tension à sa surface et devient ainsi sphérique. Lui s’est intéressé à la forme des cristaux, dans lesquels il étudie le transport optimal des particules lorsqu’une force leur est appliquée. Une recherche qui aboutira en 2010 à la publicatio­n d’un théorème qu’il considère comme «son premier gros bébé».

La météorolog­ie est un autre de ses objets d’étude, où il est question des particules dans les nuages et des équations qui décrivent les fronts atmosphéri­ques. Mais qu’on ne s’y trompe pas: bien que les problèmes étudiés par Alessio Figalli soient ancrés dans la réalité, il reconnaît travailler de manière abstraite et entretenir peu de liens avec les chercheurs en mathématiq­ues appliquées.

Après dix ans d’un début de carrière haletant, le mathématic­ien dit chercher un peu de stabilité. «C’est important pour ma vie personnell­e, mais pas seulement. La stabilité permet aussi de travailler mieux, déclare-t-il. Je suis heureux d’avoir été recruté par l’Ecole polytechni­que de Zurich, car c’est une institutio­n reconnue… et proche de l’Italie!» Et de conclure, avec ses mots simples à l’accent chantant: «Moi, la médaille Fields? Je n’y croyais pas!»

 ?? (GIAN MARCO CASTELBERG/ ETH ZÜRICH) ?? Alessio Figalli, une passion précoce pour les maths qui débouche sur un doctorat à l’âge de 23 ans.
(GIAN MARCO CASTELBERG/ ETH ZÜRICH) Alessio Figalli, une passion précoce pour les maths qui débouche sur un doctorat à l’âge de 23 ans.

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