Affaire Benalla: et maintenant?
FRANCE Le parlement français s’apprête à partir en vacances. Le gouvernement l’imitera bientôt, et l’affaire Benalla sera (provisoirement?) mise en sommeil. Mais pour Emmanuel Macron, il y aura bien un «avant» et un «après»
Que restera-t-il de «l'affaire Benalla» après les vacances? Mardi, l'Assemblée nationale a rejeté les deux motions de censure déposées par la droite et la gauche, non dans le but de faire tomber le gouvernement (il n'y avait aucun risque), mais pour obliger celui-ci à venir s'expliquer et surtout mettre en cause Emmanuel Macron et sa pratique du pouvoir.
Des députés de droite et de gauche (plus Marine Le Pen) ont mêlé leurs voix, provisoirement réunis par cette affaire depuis que le quotidien Le Monde a révélé le 18 juillet qu'un collaborateur du président de la République, Alexandre Benalla, avait fait le coup de poing le 1er mai (sans doute même à plusieurs reprises) contre des manifestants en se faisant passer pour un policier.
Comme une série télévisée
L'affaire ressemble à une série télévisée avec épisodes plus ou moins rocambolesques. On y croise ainsi le bus dans lequel les footballeurs vainqueurs de la Coupe du monde ont défilé sur les Champs-Elysées, et dont le tempo était dicté par Alexandre Benalla; des armes qui disparaissent et réapparaissent au gré des perquisitions policières; un conseiller que certains prenaient pour le responsable de la sécurité du président et d'autres pour un bagagiste; des hauts fonctionnaires qui contredisent le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, qui semble lui-même tout apprendre par les journaux…
A l'Assemblée nationale, la commission d'enquête parlementaire s'est séparée le 1er août sur un constat d'échec. La majorité favorable au président de la République ayant refusé les auditions du secrétaire général de l'Elysée et d'Alexandre Benalla lui-même (par ailleurs mis en examen, notamment pour «violences publiques»), l'opposition a claqué la porte. Faute de consensus, il n'y aura même pas de rapport.
En revanche, au Sénat, où la droite est majoritaire, la commission d'enquête prévoit de reprendre ses travaux à la rentrée et de les poursuivre six mois durant. Alexandre Benalla, l'homme qui se prenait pour un cow-boy (un «barbouze», selon l'opposition), devrait y être convoqué.
L’opposition relève la tête
La question essentielle concerne le niveau d'approbation d'Emmanuel Macron, et ce que l'affaire Benalla révèle de sa présidence. Pour le premier ministre Edouard Philippe, l'affaire se résume à «des fautes individuelles et de petits arrangements entre un chargé de mission et des policiers affectés à la préfecture de police de Paris», alors que l'opposition parle de «scandale d'Etat».
Pour Emmanuel Macron, qui semblait marcher sur l'eau depuis un an, il y aura bien un «avant» et un «après» l'affaire Benalla. L'opposition, comme asphyxiée depuis 2017 par l'émergence de ce président transgressif de 40 ans, a repris du poil de la bête. Il semble quasiment acquis que le Sénat ne votera pas la révision constitutionnelle, qui est peutêtre déjà enterrée. Surtout, la pratique monarchique du pouvoir, vieille comme la Ve République, apparaît comme utilisée par l'actuel président jusqu'à la caricature. Et l'affaire a révélé ce qu'on subodorait: hormis Edouard Philippe, le gouvernement est politiquement faible et la majorité reste d'un amateurisme confondant.
Pour l'instant, les sondages sont contradictoires sur les réactions des Français. Mais Emmanuel Macron a eu tort en assurant à plusieurs reprises que ceux-ci ne s'intéressaient pas à cette «tempête dans un verre d'eau». Ils se sont au contraire passionnés pour la saison 1 de l'affaire Benalla, faisant exploser les audiences de la principale chaîne d'information, BFMTV, mais aussi celles des chaînes parlementaires, habituellement confidentielles. Qui l'eût cru?
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