Le Temps

Dans les labyrinthe­s chinois

«A Family Tour» orchestre les retrouvail­les d’une mère et d’une fille chinoises dans un contexte paranoïaqu­e et tendu

- ANTOINE DUPLAN, LOCARNO @duplantoin­e

Le cinéma asiatique se porte traditionn­ellement bien à Locarno, et c’est d’ailleurs un film chinois qui a remporté le Léopard d’or 2017, Mrs. Fang, de Wang Bing. Il incombe à la Chine l’honneur d’ouvrir le Concorso internazio­nale, avec A Family Tour, de Liang Ying – un cinéaste récompensé sous les cieux tessinois en 2012 pour When the Night Falls.

Yang Shu a dû s’exiler à Hongkong après avoir tourné un film politique qui a déplu à Pékin. Avec l’aide de son mari, elle organise des retrouvail­les avec sa mère, qui n’a jamais vu son petit-fils, sur le territoire neutre de Taïwan où elle participe à un festival de cinéma. Les membres de la famille doivent se prêter aux exigences ridicules des autorités, soit suivre une excursion touristiqu­e sans avoir l’air de se connaître.

Une menace diffuse vicie l’air et les relations. Des tensions naissent dans le couple. L’histoire, de la Révolution culturelle à celle des parapluies, rattrape les personnage­s. Quand elle avait 10 ans, la grand-mère rédigeait les autocritiq­ues de ses parents. Des procès truqués, d’anciens faux aveux empoisonne­nt les relations et assombriss­ent l’horizon. Chaque plan enserre les personnage­s dans des faisceaux de lignes verticales, comme des barreaux de prison. On ne voit presque jamais le ciel, bouché par des bâtiments d’une modernité agressive dans ce monde surpeuplé et surbâti.

Parfois abstrus (pas toujours facile de saisir les références politiques et culturelle­s), A Family Tour fait ressentir une impression d’étouffemen­t et rappelle que la Chine est encore loin d’être une démocratie.

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