La chimie bâloise, mère de nombreux médicaments
Au cours du XXe siècle, le secteur de l’industrie pharmaceutique devient prédominant dans l’activité de la chimie bâloise. Des entreprises suisses sont ainsi à l’origine de l’invention de la vitamine C de synthèse ou de médicaments plus spécifiques comme le Glivec.
C’est autour de la teinturerie que s’est originellement constitué le tissu industriel bâlois, à la fin du XIXe siècle. Certaines grandes industries installées à Bâle, comme Clariant, ont encore aujourd’hui une partie de leur activité dédiée à la fabrication de pigments. Dans le secteur du textile, on peut également souligner que l’acétate de cellulose industriel, ou viscose, a été breveté en Suisse en 1905 par les frères Dreyfus. Ce polymère a été affecté à de nombreux usages qui ne se limitent pas au textile, puisqu’on le retrouve dans les filtres de cigarette ou encore dans les anciennes pellicules photos.
La plupart des entreprises suisses s’orientent toutefois rapidement vers la pharmacologie. Celles qui ont fusionné pour former le grand groupe Novartis ont ainsi commencé dans les colorants, avant de se tourner vers les médicaments. «Les teintures textiles ont été très importantes au commencement de la chimie bâloise, mais les industriels suisses ont vite compris qu’ils auraient une vraie valeur ajoutée en développant le secteur de la pharmacie», appuie Dennis Gillingham, professeur à l’Université de Bâle. Et si l’on retient souvent pour l’anecdote que Sandoz, l’un des ancêtres de Novartis, a mis au point le LSD dans les années 1930 – l’usage de la molécule était alors prévu en psychiatrie –, le professeur de chimie organique note que plusieurs autres inventions bâloises ont réellement changé la vie de milliers de personnes.
Révolution dans la lutte contre le cancer
Un premier exemple est la maîtrise de la synthèse industrielle de vitamine C (ou acide ascorbique) par le groupe Roche en 1934. Cette invention a permis à l’entreprise de connaître un véritable essor, alors qu’elle se trouvait au bord de la faillite au sortir de la Première Guerre mondiale. Dans la foulée, Roche développe la synthèse de nombreuses vitamines (B1, D, etc.). «Les vitamines de synthèse coûtent moins cher que leurs formes naturelles, ce qui permet de soigner les carences à moindre coût», explique le chimiste.
Mais s’il fallait ne retenir qu’une invention des dernières décennies, c’est peut-être le Glivec (ou mésilate d’imatinib) qui sortirait du lot. Ce médicament est prescrit à des personnes atteintes d’une forme de leucémie chronique. Dennis Gillingham détaille son intérêt pour l’histoire de cette molécule: «Ce médicament a grandement allongé l’espérance de vie de nombreux patients, mais c’est aussi un médicament très spécifique qui a révolutionné le développement de nouveaux traitements contre les cancers.»