Batman perdu dans la nuit rose
Entre le Batman fantasmagorique de Tim Burton et le Dark Knight fuligineux de Christopher Nolan s’ouvre un vide qu’on qualifierait de trou noir s’il n’était rempli de trucs fluos beaux comme des pots de yoghourt fondus, de machins baignés de lueurs rose bonbon et vert pomme, et même d’un bal masqué où s’agitent des gorilles à toison meringuée… Il s’agit des deux films réalisés par Joel Schumacher. De sidérantes démonstrations d’art kitsch et de débilité scénaristique dont le second chapitre, Batman & Robin (1997), constitue l’achèvement.
Le commissaire Gordon appelle sur le visiophone de la batmobile: «Allô, Batman? On a un nouveau bandit, Mr. Freeze. Il est au musée.» Et voici Batman et Robin glissant sur l’échine d’un diplodocus givré, puis disputant une partie de hockey avec les thugs du méchant et un diamant gros comme le Youkounkoun en guise de puck. Mr. Freeze (Arnold Schwarzenegger, chauve et crépi de plâtre céruléen) est un savant fou qu’un bain d’azote liquide a transformé en surhomme. Il a un but dans la vie: congeler Gotham (puis la Terre) grâce à son rayon frigorifique.
Pendant ce temps, au fond d’une pyramide aztèque, le Dr Pamela Isley (Uma Thurman) essaie de croiser des orchidées et des cobras pour que les végétaux puissent se défendre contre les exactions humaines. Elle tombe dans les pommes, la ciguë et les serpents. Elle revient à elle sous les traits de Poison Ivy, une belle plante vénéneuse qui envoûte les hommes de ses émanations de phéromones magenta et veut supprimer tous les nuisibles pour rendre la planète à la chlorophylle. Elle s’allie à Mr. Freeze. Batman va avoir du boulot…
Joué par George Clooney, qui a l’époque n’est pas encore le barista «what else?» globalisé mais juste le Dr Ross d’Urgences, il n’a rien d’un justicier nocturne et paranoïaque. C’est un châtelain pépère qui gourmande ce chien fou de Robin et a l’air de se demander ce qu’il fait dans ce bataclan. Les deux vilains mis hors d’état de nuire, la batfamille, soit Batman, Robin et Batgirl, un boudin blond venu de Londres, s’élance vers de nouvelles aventures. «Il faut agrandir la batcave», dit malicieusement le majordome Alfred. Quel charmant mot de la fin!