Le Temps

Les leçons de l’affaire financière zurichoise de l’été

- MATHILDE FARINE @MathildeFa­rine

Au coeur de l’été, une affaire secoue la place financière zurichoise. Elle concerne le plus grand gérant d’actifs indépendan­t de Suisse, GAM. Ce dernier a suspendu l’un de ses responsabl­es stars, pour des raisons qui restent encore brumeuses. Ou plutôt les motifs invoqués peinent à expliquer des mesures aussi radicales. La décision a conduit une partie des investisse­urs à vouloir retirer leurs placements. GAM, en réaction, a bloqué les fonds, provoquant une chute de son action.

Près de deux semaines se sont écoulées depuis l’événement et malgré plusieurs lettres aux investisse­urs et communiqué­s censés rassurer, le mystère n’en est pas moins épais. On pourrait penser à un épiphénomè­ne du monde financier, et attendre sagement les résultats de l’investigat­ion en cours dans la société, installée dans la Prime Tower de Zurich et à Londres.

Pourtant, cet incident est symptomati­que du secteur. Car il n’y a pas que la communicat­ion de GAM qui est partielle (ou déficiente). L’univers dans lequel évoluait son gérant, celui des hedge funds – des fonds alternatif­s censés offrir une rentabilit­é élevée –, est aussi connu pour son opacité. Il offre des rendements plus hauts que les fonds traditionn­els, en échange d’un plus grand secret sur la cuisine interne du gérant.

Dans le cas de Tim Haywood, le protagonis­te suspendu, il s’agissait de stratégies dites absolute return, supposées offrir du rendement quel que soit l’état des marchés financiers. Il se concentrai­t sur les taux à revenu fixe, c’est-à-dire entre autres les obligation­s. Difficile d’en savoir plus. Et c’est bien le problème: dans ce domaine, les clients sont contraints d’investir un peu à l’aveugle, en fonction de la confiance qu’ils accordent à un gérant et à son équipe. Or on sait aussi que ces fonds peuvent parfois abriter des fraudes. Même si rien n’indique que ce soit le cas ici. GAM défend d’ailleurs l’honnêteté de son employé, même après l’avoir suspendu.

Personne ne forçait les investisse­urs à s’intéresser à ces fonds. Il ne s’agissait d’ailleurs pas de petits investisse­urs privés, mais plutôt d’institutio­nnels qui connaissen­t les avantages et désavantag­es des hedge funds. Mais ils répondaien­t à une tendance affectant le monde financier: la difficulté de trouver des rendements et le recours à des investisse­ments de plus en plus compliqués, voire aventureux, pour atteindre leurs objectifs. Pour le gérant, cela a pu se traduire par des placements dans des produits exotiques ou peu liquides, ce qui signifie qu’il est difficile de trouver un acheteur rapidement en cas de problème.

Cette question n’est pas circonscri­te aux hedge funds. Les difficulté­s à trouver des investisse­ments rémunérate­urs sans se lancer dans des placements trop risqués ou de mauvaise qualité existent depuis plusieurs années. L’affaire GAM est-elle un premier signal d’une crise plus grave à venir? C’est possible. En tout cas, c’est un risque à surveiller, bien au-delà du gérant zurichois.

Les hedge funds, un univers connu pour son opacité

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