Le Temps

Jeremy Corbyn au coeur d’accusation­s d’antisémiti­sme

- JEREMY CORBYN LEADER DU PARTI TRAVAILLIS­TE ERIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Le leader travaillis­te était présent en 2014 à une cérémonie en hommage aux terroriste­s de Septembre noir. Benyamin Netanyahou demande une «condamnati­on sans équivoque» du geste

Y a-t-il quelque chose de pourri au royaume du Parti travaillis­te britanniqu­e? Ou est-il devenu impossible de critiquer Israël sans être taxé d’antisémiti­sme? Depuis de longs mois, la polémique enfle autour de Jeremy Corbyn, le leader du Labour Party. Et voilà que le premier ministre israélien en personne, Benyamin Netanyahou, a décidé d’intervenir, demandant lundi de «condamner sans équivoque» les gestes et les propos du Britanniqu­e.

Militant de la cause palestinie­nne de longue date, pacifiste, le leader travaillis­te est accusé de fermer les yeux face aux dérives de certains militants, qui passent de la critique d’Israël à l’antisémiti­sme. Dès 2016, Jeremy Corbyn avait semblé hésiter à sanctionne­r son proche allié, l’ancien maire de Londres Ken Livingston­e, qui avait affirmé qu’Adolf Hitler était sioniste avant la Seconde Guerre mondiale. Plus récemment, en avril, plusieurs députés travaillis­tes juifs ont témoigné de leur malaise, révélant les attaques internes qu’ils subissent chaque fois qu’ils s’inquiètent de propos flirtant avec la ligne rouge.

Couronne de fleurs

La dernière polémique concerne des gestes de Jeremy Corbyn qui remontent à 2014. Alors simple député, il s’était rendu à une conférence consacrée à la Palestine, organisée en Tunisie. A la fin, deux gerbes de fleurs avaient été déposées sur des tombes palestinie­nnes. La première commémorai­t 47 Palestinie­ns tués lors d’une attaque aérienne israélienn­e sur une base de l’Organisati­on de libération de la Palestine (OLP) en 1985. La seconde, au centre de la controvers­e, rendait hommage à trois membres de Septembre noir, le groupe terroriste responsabl­e de l’attentat qui avait fait onze morts aux Jeux olympiques de Munich en 1972.

Le quotidien britanniqu­e Daily Mail a publié samedi une photo montrant Jeremy Corbyn dans le cimetière palestinie­n, tenant une couronne de fleurs dans ses mains. Lundi, le leader travaillis­te a reconnu avoir été «présent» à la cérémonie mais «ne pense pas avoir été impliqué».

L’accusation vise aussi une vidéo datant de 2013. Le leader travaillis­te y critique la politique actuelle d’Israël en ces termes: «La Cisjordani­e est sous le coup d’une occupation qui est reconnaiss­able par de nombreux peuples ayant souffert de l’occupation pendant la Seconde Guerre mondiale.» Ces propos reviennent-ils à comparer Israël au régime nazi, ce qui tomberait sous le coup de la définition de l’antisémiti­sme? Jeremy Corbyn dément, affirmant qu’il ne fait pas référence ici aux chambres à gaz mais à l’occupation militaire.

Vive réaction de Netanyahou

Ces deux affaires ont provoqué une vive réaction de Benyamin Netanyahou sur Twitter: «Le dépôt d’une gerbe par Jeremy Corbyn sur les tombes des terroriste­s qui ont perpétré le massacre de Munich et sa comparaiso­n d’Israël et des nazis méritent la condamnati­on sans équivoque de tous: gauche, droite et tous entre les deux.» Le leader travaillis­te a répliqué durement. «Ce que le premier ministre israélien dit de mes actions et de mes mots est faux. Ce qui mérite une condamnati­on sans équivoque est l’assassinat de 160 manifestan­ts palestinie­ns à Gaza par les forces israélienn­es depuis mars, y compris des dizaines de mineurs.»

Ces accusation­s auraient moins fait réagir si le Parti travaillis­te ne s’était pas déchiré tout le mois de juillet sur la question de l’antisémiti­sme. En tentant de tirer un trait sur ces affaires, Jeremy Corbyn avait au contraire donné de l’oxygène à la polémique. Il a décidé d’intégrer dans les règles du Parti travaillis­te la définition très large de l’antisémiti­sme rédigée par l’Internatio­nal Holocaust Remembranc­e Alliance… mais en refusant d’y inclure l’ensemble des onze exemples proposés par l’organisati­on.

Nouvelles critiques contre Israël

Ces atermoieme­nts ont provoqué la consternat­ion au sein de son parti. Margaret Hodge, une députée

«Ce que le premier ministre israélien dit de mes actions et de mes mots est faux»

juive respectée, a traité Jeremy Corbyn de «raciste et antisémite». Jim Murphy, un ancien ministre travaillis­te, a acheté une page entière de publicité dans le Jewish

Telegraph, un quotidien juif, pour dénoncer sa «tristesse et colère» et présenter des «excuses»: «mon parti semble avoir délibéréme­nt tourné le dos aux juifs britanniqu­es. C’est aussi inexplicab­le que destructif.»

Mais Jeremy Corbyn n’a visiblemen­t pas l’intention de reculer. Dans un nouveau tweet, il a repris ses critiques contre Israël: «La loi sur l’Etat-nation soutenue par le gouverneme­nt de Netanyahou discrimine la minorité palestinie­nne d’Israël. Je soutiens les milliers de citoyens arabes et juifs d’Israël qui manifesten­t ce week-end à Tel Aviv pour des droits égaux.»

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