André Kudelski: «Nous sommes en train de souffrir»
TECHNOLOGIE Le groupe, basé à Cheseaux (VD) et à Phoenix aux Etats-Unis, a perdu 36,5 millions de dollars au premier semestre. Son directeur ne peut dire quand il retrouvera les chiffres noirs. Il mise toujours beaucoup sur la cybersécurité
ANDRÉ KUDELSKI DIRECTEUR DU GROUPE KUDELSKI «Kudelski compte aujourd’hui près de 800 employés aux Etats-Unis, un chiffre légèrement supérieur à celui de la Suisse»
Kudelski est dans le rouge. Le groupe, basé à Cheseaux (VD) et Phoenix (Arizona), a perdu 36,5 millions de dollars au premier semestre, selon des résultats publiés mardi. La perte a ainsi été multipliée par plus de six alors que le chiffre d’affaires a reculé, passant de 497 à 446 millions de dollars. Le secteur de l’accès sécurisé pour la télévision numérique (integrated digital TV), coeur de l’activité du groupe, a vu à lui seul son chiffre d’affaires reculer de 16%.
Ces chiffres sont encore moins bons que ceux attendus après l’avertissement sur résultat émis le 11 juillet dernier. Ils sont dus à une restructuration continue de l’entreprise. Mais même sans cette dernière, la perte opérationnelle s’élève sur les six derniers mois à 2,2 millions de dollars, contre un bénéfice de 15,4 millions il y a douze mois. André Kudelski, directeur du groupe, s’explique.
L’action de la société a perdu près d’un tiers de sa valeur depuis le début de l’année. Les investisseurs semblent attendre avec impatience des résultats positifs… Je les comprends parfaitement. Il faudra néanmoins encore un peu de temps avant que nous présentions des bons résultats de manière durable. La société est engagée dans une restructuration profonde de ses activités. La direction est convaincue de la justesse de cette stratégie et a tout à fait conscience que nous sommes en train de souffrir. C’est une période désagréable, que nous avons l’obligation de traverser. Mais l’avenir s’annonce prometteur.
Quand pensez-vous retrouver les chiffres noirs? J’espère en 2019, mais il est encore trop tôt pour en parler. Notre résultat opérationnel pour cette année sera de 30 à 45 millions de dollars avant imputation des coûts de restructuration. Je ne peux toutefois pas encore donner d’estimation pour le résultat net. Nous sommes en train de «scanner» l’ensemble de nos activités pour déterminer là où nous allons investir en priorité, sachant que dans notre secteur, rien n’est éternel. En particulier, l’essentiel de la restructuration touchant la Suisse a déjà été finalisé en 2017, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays, où les choses sont plus complexes.
Vous avez annoncé mardi la vente de certaines activités de SmarDTV (technologie de TV à péage) à la société française Neotion pour 20 millions de dollars. Est-ce à dire que Kudelski se retire petit à petit du marché de la télévision? Non, pas du tout. Dans le cas de SmarDTV, nous estimions que cette activité n’était plus stratégique et que sa poursuite allait requérir des investissements trop importants. Nous faisons des choix et préférons investir dans des domaines que nous considérons comme nettement plus porteurs, comme la cybersécurité et l’internet des objets. Le marché de la télévision numérique a connu un fort développement dans les pays industrialisés, puis dans les pays en voie de développement. Cette phase de croissance se termine, le marché se consolide et devient un peu moins attractif. Nous restons néanmoins fortement présents dans la sécurisation des contenus et la gestion des accès pour la télévision numérique. Nous offrons de nouvelles prestations à nos clients, en les aidant par exemple à fidéliser leurs abonnés, grâce à nos solutions basées sur le big data et l’intelligence artificielle. Mais les secteurs à plus fort potentiel de croissance sont la cybersécurité et la sécurisation de l’internet des objets.
Au point que cette activité pourrait devenir le coeur de l’entreprise dans quelques années? C’est tout à fait possible. La cybersécurité constitue une part importante de l’avenir du groupe. L’an dernier, elle a représenté environ 15% de notre chiffre d’affaires. Et cette proportion ne cesse d’augmenter, grâce à nos investissements et à une forte demande du marché. A court terme, nous publierons des chiffres précis sur ce que représente la cybersécurité dans nos comptes. Mais comme cette activité est extrêmement imbriquée dans notre activité historique dans le domaine de la télévision numérique, établir ces chiffres de manière séparée prend un peu de temps.
Vous parlez beaucoup de cybersécurité et d’internet des objets. Mais Kudelski est-il reconnu comme un acteur important dans ce domaine? Oui, sans nul doute. Nous sommes reconnus et cités par des sociétés de conseil et des analystes importants du secteur et nous investissons massivement pour gagner des parts de marché. Sécuriser l’internet des objets représente un potentiel énorme. Nous fournissons notamment des solutions, mais aussi des conseils et de l’analyse à des multinationales ou à des organisations étatiques et proposons entre autres des services de coffres-forts numériques.
En février, vous affirmiez passer personnellement 40% de votre temps aux EtatsUnis, où vous avez acquis une maison. Qu’en est-il aujourd’hui? Ce pourcentage a augmenté, car il est très important pour moi de rencontrer des partenaires et des clients sur sol américain, là où le marché de la cybersécurité est en plein boom. J’habite en Arizona, mais je viens toujours régulièrement en Suisse. Kudelski compte aujourd’hui près de 800 employés aux Etats-Unis, un chiffre légèrement supérieur à celui de la Suisse. Nous allons évidemment conserver notre siège à Cheseaux et renforcer ses compétences, notamment dans le domaine de la cybersécurité.
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