Le Temps

Mais encore…

- Par Géraldine Schönenber­g

L’histoire de la césarienne, cette opération usuelle entourée de mythes et de légendes, les pièges de la langue française déjoués par notre correctric­e Géraldine Schönenber­g, un pèlerinage sur la tombe de Richard Burton au cimetière de Céligny, un retour en archives sur l’édition du Journal de Genève du 21 août 1968, pour qui l’alcoolisme chez la femme est bien plus grave que chez l’homme… Et, comme chaque jour, les mots fléchés et le sudoku.

Les évocations du lecteur hérissé par les anglicisme­s, du rédacteur recroquevi­llé sur son sens du style ou du correcteur malmené par les injonction­s contradict­oires des dictionnai­res m’ont éloignée de ma mission première, telle qu’elle a été définie à l’origine de cette chronique: déjouer les pièges de la langue française. Ils sont si nombreux et si retors que j’ai préféré digresser. Plutôt que d’endosser l’uniforme de la police des polices (de caractère) en fronçant les sourcils, comme on me l’a demandé, je tente encore une dernière diversion, un pousse-au-crime linguistiq­ue.

Bien sûr, le correcteur doit exercer son autorité sans états d’âme, il est payé pour ça. Mais les auteurs continuent de briller par le détourneme­nt des codes de la grammaire, par leur subversion créatrice. Ce que le correcteur appelle «licence poétique», une tournure improbable qu’il consent à laisser telle quelle, va plus loin qu’une manière d’écrire toute personnell­e. Cette «faculté laissée au poète d’utiliser une constructi­on qui n’est pas conforme à l’usage habituel», c’est une liberté prise dans la façon d’emboîter les mots, éléments du langage, seul médium à la portée de tous. Et de la licence poétique au barbarisme, le rédacteur a à sa dispositio­n toute une gamme de figures grammatica­les qui permettent de jouer avec la langue et d’exercer une forme de fantaisie narrative en toute impunité: «Elle usait, non par raffinemen­t de style, mais pour réparer ses imprudence­s, de ces brusques sautes de syntaxe ressemblan­t un peu à ce que les grammairie­ns appellent anacoluthe­s ou je ne sais comment», écrit Proust dans A la recherche du temps perdu. Lorsque les fautes de langage deviennent ressort romanesque. Le charme du bizarre.

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