Le Temps

L’UDC fragilisée par trois démissions

Le chef de campagne de l’UDC pour la Suisse romande, Kevin Grangier, quittera son poste à la fin du mois. Une démission surprise qui intervient quelques jours seulement après celle des présidents des sections neuchâtelo­ise et fribourgeo­ise et qui fragilis

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Trois démissions en quelques jours. En Suisse romande, l’UDC vit une période mouvementé­e pour les cadres du parti

Après le départ du président de l’UDC neuchâtelo­ise, Stephan Moser, samedi dernier, puis celui de Ruedi Schläfli, président de l’UDC fribourgeo­ise le lendemain, c’est au tour de Kevin Grangier d’abandonner son poste de chef de campagne pour la Suisse romande, huit mois seulement après son entrée en fonction, a appris Le Temps. Le Vaudois de 33 ans, qui a été un des artisans de la campagne de Guy Parmelin pour le Conseil fédéral, invoque «une opportunit­é dans le secteur privé». Il n’empêche: en octobre 2017, il avait quitté son poste de secrétaire de l’UDC Vaud pour divergence­s avec la direction. A Fribourg, Ruedi Schläfli reconnaît une surcharge de travail et fait état de querelles internes depuis mai 2018. L’agriculteu­r et député au Grand Conseil cumulait les fonctions. Il n’aura tenu que quinze mois. Au moment de son élection, Ruedi Schläfli était l’unique candidat à son poste. Quant au successeur d’Yvan Perrin depuis avril 2017, Stephan Moser, qui jette l’éponge dans un contexte plus que chahuté, il ne sera resté en place qu’à peine plus d’un an. Le scénario s’était déjà produit en 2015, et la section neuchâtelo­ise est plutôt mal en point après la perte de onze députés sur vingt en 2017.

Dysfonctio­nnements et difficulté de renouvelle­ment dans le personnel poli- tique? Ou succession hasardeuse de couacs? A treize mois des élections fédérales, ces démissions fragilisen­t le parti en Suisse romande, qui ne compte plus aucun conseiller d’Etat dans les cantons francophon­es et n’a pas bénéficié autant qu’espéré de l’élection de Guy Parmelin au Conseil fédéral. «Il a régné comme un sentiment d’abouti et on a un peu baissé les armes», reconnaît l’ancien conseiller d’Etat neuchâtelo­is Yvan Perrin.

«Après l’élection de Guy Parmelin, on a un peu baissé les armes»

YVAN PERRIN, ANCIEN CONSEILLER D’ÉTAT NEUCHÂTELO­IS

Y a-t-il le feu dans la maison UDC de ce côté-ci de la Sarine? Huit mois seulement après son entrée en fonction, le Vaudois Kevin Grangier quittera son poste de chef de campagne pour la Suisse romande à la fin de ce mois. Une démission qui surprend de la part de l'un des grands artisans de la victoire de Guy Parmelin et qui était censé piloter les campagnes de votations en vue des élections fédérales de 2019.

Le rapide départ de Kevin Grangier interpelle d'autant plus qu'il intervient juste après deux fracassant­es démissions, celles de deux présidents de section cantonale romande, annoncées il y a juste quelques jours. Ainsi, ce week-end, le Fribourgeo­is Ruedi Schläfli mettait un terme à son mandat avec effet immédiat. L'agriculteu­r, ancien champion de lutte, n'a jamais réussi à s'imposer et à rassembler; il s'en va sur fond de guerre interne ouverte dans le sillage de son échec lors de l'élection complément­aire au Conseil d'Etat fribourgeo­is.

Champ de ruines à Neuchâtel

La veille, c'est Stephan Moser, le président de l'UDC neuchâtelo­ise, qui jetait l'éponge dans un contexte pour le moins chahuté. Après avoir perdu plus de la moitié de ses sièges au Grand Conseil en 2017 et avoir «divorcé» d'avec son conseiller national, Raymond Clottu, le parti neuchâtelo­is n'est plus aujourd'hui qu'un champ de ruines. La section pourrait faire appel au revenant Yvan Perrin pour la présider, une éventualit­é que ce dernier n'écarte pas.

Le tableau paraît des plus sombres. Contacté, Kevin Grangier rejette cependant tout lien entre les crises qui ont amené les démissions des deux présidents de parti et son propre départ. «J'ai eu une opportunit­é d'emploi dans le secteur privé en reprenant le poste de directeur de la communicat­ion d'un groupe actif en Suisse et à l'étranger, assure le Vaudois. Après dix ans passés dans les organes du parti, j'avais besoin d'un nouveau défi et de sortir de ma zone de confort.» Il assure d'ailleurs qu'il restera engagé à l'UDC au niveau politique.

Démissions en rafale

Ces départs en rafale font néanmoins tache à une année seulement des élections de 2019. L'échelon fédéral reste le maillon fort de l'UDC romande, qui compte onze parlementa­ires, alors qu'elle peine toujours à s'imposer au niveau tant communal que cantonal. Le parti n'a ainsi plus aucun conseiller d'Etat dans des cantons francophon­es, si on excepte le Jurassien bernois Pierre-Alain Schnegg.

De son côté, le conseiller national Jean-François Rime, poids lourd de la délégation romande à Berne, ne s'inquiète pas: «Il nous reste plus d'une année avant les élections fédérales.» Le Fribourgeo­is ne voit aucun parallèle à tirer entre les différente­s démissions. «Les situations sont tellement différente­s entre une UDC neuchâtelo­ise toute jeune et une UDC fribourgeo­ise solide, fondée en 1930 et qui compte deux parlementa­ires.»

La génération Blocher

Reste que si les contextes diffèrent d'un canton à un autre, ces démissions restent les symptômes d'un même mal, l'incapacité de l'UDC romande à se renouveler après des années de succès. Pour rappel, les élections fédérales de 2003 marquaient l'explosion du parti agrarien en terre francophon­e, emmené par un quatuor de fortes personnali­tés: Guy Parmelin (Vaud), Jean-François Rime (Fribourg), Oskar Freysinger (Valais) et Yvan Perrin (Neuchâtel). On va l'appeler la génération Blocher.

Sous perfusion de la Suisse alémanique, le parti va grandir rapidement en Suisse romande, peutêtre trop. «L'UDC va progresser plus vite en termes d'électorat que de personnel politique», constate le politologu­e Pascal Sciarini. Alors que dans d'autres partis les politicien­s doivent souvent patienter plusieurs années

Kevin Gangier (ici en 2016) quitte son poste de chef de campagne de l’UDC pour la Suisse romande huit mois après son entrée en fonction.

pour être élus, passant par la case du militantis­me, de nombreux UDC se sont rapidement retrouvés sur des listes électorale­s sans forcément le bagage nécessaire. «Nous avons pourtant essayé de compenser ce manque en misant sur la formation de nos membres, en leur offrant des cours, notamment de communicat­ion», reconnaît Yvan Perrin. Hélas, cela n'a pas suffi. La relève manque en Suisse romande. «Si vous me le demandez, je serais bien incapable de vous citer un nom», admet l'ancien conseiller d'Etat.

Pascal Sciarini voit un autre élément dans ces difficulté­s. «Dans une formation aussi hiérarchis­ée, l'UDC n'a pas pu compter en Suisse romande sur des figures telles que celle d'un Christoph Blocher. En l'absence de telles personnes incontourn­ables, on s'est vite retrouvés avec des combats de souschefs.» Des conflits qui vont déchirer le parti, à l'image des affaires Voiblet et Despot qui ont durablemen­t affaibli la section vaudoise, historique­ment la plus forte.

Pourtant, nombreux étaient ceux qui pensaient, en décembre 2015, que l'élection de Guy Parmelin au gouverneme­nt donnerait un nouvel élan au parti en Suisse latine. Il n'en a rien été. «Longtemps, avoir un conseiller fédéral francophon­e faisait poliment sourire, se souvient Yvan Perrin. On s'est fortement engagés. Et quand on y est finalement arrivés, il a régné comme un sentiment d'aboutissem­ent et on a cessé de se battre… Et quand on dépose les armes, on passe vite d'Austerlitz à Waterloo…»

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