Le retour médiéval de Matt Groening
Le créateur des «Simpson» a conçu une nouvelle série d'animation que Netflix a dévoilée vendredi. «Disenchantment» met en scène les sympathiques aventures d'une princesse alcoolo, d'un elfe amoureux et d'un mauvais génie
Dans le quatrième épisode de Disenchantment (Désenchantée), il y a cette scène touchante, durant laquelle la princesse rejetée en raison de son statut, qui a organisé une fête monstre au château, répète des manoeuvres d’approche pour se faire emmener danser. Elle varie les formules afin d’appâter les garçons, mais bien sûr, aucune ne sonne juste. Dans le monde de Matt Groening, marqué par une naïveté directe ou le sarcasme, ce bref moment pose une différence.
Netflix a dévoilé vendredi dernier la nouvelle création du scénariste américain, la troisième de sa carrière. On lui doit Les Simpson, institution télévisuelle qui fêtera ses 30 ans l’année prochaine. Il avait aussi imaginé l’animation de science-fiction foutraque Futurama (1999-2003).
Pour Netflix, l’enrôlement de Matt Groening, avec son compère Josh Weinstein, constitue l’une de ses nombreuses prises de choix, avec Shonda Rhimes (Scandal) ou Ryan Murphy (Nip/Tuck, 9-1-1). Les piliers du bon vieux paysage télévisuel apportent leur prestige au site de streaming. Dans le cas de Matt Groening, l’apport est accru par la rareté des interventions de l’artiste.
Une princesse bien entourée
Disenchantment ne déconcerte pas les amateurs sur le plan visuel. L’esthétique des Simpson se retrouve ici, en moins jaune, et même avec des colorations plus variées. L’aspect des humains, en particulier l’héroïne, rappelle les lignes de la série mère. L’originalité, ici – comme dans Futurama naguère – vient des autres créatures.
Au coeur de l’histoire, donc, la princesse Tiabeanie, dite Bean, doublée par Abbi Jacobson (Broad City). Elle s’ennuie ferme le jour dans sa chambre, et picole le soir en tavernes. Son crétin de père cherche à la marier pour nouer des alliances politiques, mais les divers essais échouent, aussi bien par sa faute à elle que celle des balourds concernés. Un mystérieux couple de fomenteurs malfaisants à lunettes de soleil envoie à ses côtés un mauvais esprit qui se révèle en fait utile, mais qui a la mission de faire pencher Bean vers les ténèbres. A l’inverse, la jeune femme isolée est rejointe par un petit elfe désireux de parcourir le monde.
Dans ce monde de mystères dans les bois, de villages cossus et de châteaux perchés au-dessus de la mer, le trio va se frotter à des nains en combat contre des ogres, ou à une géante rouquine censée être la petite amie de l’elfe, lequel en pince secrètement pour la princesse. Chaque épisode, d’une durée de 37 minutes, met en scène une nouvelle aventure de ces improbables amis.
Matt Groening a dit avoir rêvé d’un univers de forêts enchantées depuis son adolescence. A présent, il s’accorde ce plaisir, et le partage avec talent. Ni cynique ni parodique, Disenchantment propose une balade dans un médiéval fantastique sympathique, loin des pesants enjeux des adaptations de Tolkien.
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