Le CICR contraint de se justifier sur la torture
«Les Britanniques ont toujours été fair-play.
Ils publiaient nos rapports dans leur intégralité et pas seulement les passages qui leur étaient favorables, comme le faisait parfois le régime des colonels en Grèce», analyse aujourd’hui l’ancien délégué Philippe Grand d’Hauteville. En jouant la transparence, le gouvernement anglais voyait ses efforts pour améliorer les conditions de détention reconnues par un organisme neutre. C’était aussi une manière de couper court aux accusations de mauvais traitement contre les détenus, qui se multiplient. Elles sont notamment relayées par Amnesty International, née en 1961, et ont un grand écho dans les médias internationaux. Au siège du Comité international de la Croix-Rouge, on voit la nouvelle et remuante organisation avec suspicion. Pas question de collaborer ouvertement avec Amnesty et mettre en péril la relation de confiance avec Londres et Belfast, qui garantit l’accès des délégués à une partie des prisonniers nord-irlandais.
Le CICR est traditionnellement très prudent sur la question de la torture. Comme ses visites sont toujours annoncées à l’avance, il n’en est jamais directement témoin et il estime délicat de documenter les faits a posteriori. Dès 1971, le CICR rapporte que des détenus, notamment à bord du navire de guerre Maidstone, se sont plaints de brutalités après leur arrestation. L’un d’eux, examiné par le médecin du CICR, avait une côte cassée. Le 4 avril 1975, dans un mémorandum adressé à ses chefs sur la «suite donnée aux allégations de sévices et mauvais traitement (torture)», le délégué général pour l’Europe Melchior Borsinger se félicitera de l’intervention du CICR qui «semble avoir été décisive». Suite aux premiers rapports du CICR, le gouvernement britannique a en effet créé plusieurs commissions d’enquête. «Il va de soi que les interventions verbales de nos délégués auprès des autorités ont été beaucoup plus pressantes et fermes que les langages utilisés dans les communications écrites», justifie Melchior Borsinger…