Lego, colosse aux pieds de plastique
Le fabricant danois commercialise désormais des pièces construites à partir de plastique végétal, présenté comme «eco-friendly». Innovation, ou argument marketing?
Lego voit vert. En 2014, l’entreprise avait dû abandonner son partenariat de 50 ans avec Shell, le pétrolier qui garnissait de son logo les voitures et stations essence du fabricant de jouets, après les campagnes indignées de Greenpeace. Le groupe danois a franchi une nouvelle étape et commercialise depuis début août des pièces fabriquées en plastique végétal, produit à partir de la fermentation de la canne à sucre.
Ce concept est pour l’heure déployé dans cinq pays – Allemagne, Etats-Unis, RoyaumeUni, Canada et Autriche. En Suisse, aucune date n’est encore avancée. Un projet mené en lien avec le WWF, dans le cadre du partenariat Climate Savers qui existe depuis 2013. Et qui a poussé Lego à trouver des alternatives au plastique ABS (Acrylonitrile butadiène styrène) produit à l’aide de dérivés du pétrole, dont la consommation pèse à 90% dans ses émissions en dioxyde de carbone.
«Nous traitons avec les enfants et les enfants héritent de la planète»
TIM BROOKS, VICE-PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT DE LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE À LEGO
Le polyéthylène à base de plantes a les mêmes propriétés que le polymère composant du plastique mais son empreinte carbone est plus faible. Sans compter que l’impact environnemental de la canne à sucre est moindre comparé à celui des dérivés de plastique. Sa culture participe à la réduction des gaz à effet de serre en capturant le dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Le polyéthylène vert, s’il n’est pas biodégradable, reste 100% recyclable.
Pour les adeptes de petites briques, pas de changement. Ces dernières demeurent immuablement compatibles entre elles. Ces nouvelles piécettes ont les mêmes couleurs, le même aspect, la même qualité et seront vendues au même prix que les briques traditionnelles, vante-t-on sur le site du fabricant de jouets.
«Nous sommes une entreprise qui traite exclusivement avec les enfants et les enfants héritent en fin de compte de la planète. Pour nous, il est donc très important que nous ne ruinions pas la planète», a déclaré Tim Brooks, vice-président du département de la responsabilité environnementale à Lego.
Des voix s’élèvent cependant pour remettre en question les nouveaux habits verts du géant danois. Car il s’avère que seuls des éléments botaniques, tels que des arbustes, buissons ou feuilles, sont construits à partir de ce matériau. Soit moins de 2% de la production totale.
Par ailleurs, les briques «durables» ne sont pas «biodégradables», et si ces Lego végétaux devaient finir dans la nature, ils viendront se rajouter aux milliards de microplastiques qui polluent déjà les océans. De plus, la culture de la canne à sucre crée une réelle pression sur l’environnement en reposant sur des plantations qui nécessitent un usage intensif d’eau et de produits agrochimiques et pesticides en tout genre, ce qui provoque la dégradation des habitats naturels dans un monde sous tension à cause de la déstabilisation des écosystèmes.
«Mieux que rien»
Si le WWF soutient aujourd’hui l’initiative, la même association appelait il y a deux ans à une meilleure gestion de la culture de canne à sucre. En attirant notamment l’attention du public sur son impact écologique préoccupant, lié à l’irrigation et à la pollution de l’air, de l’eau et des sols. Enfin, les agriculteurs locaux misant sur cette culture courent le risque de se retrouver dans une logique à trop grande échelle pour leurs petites structures.
Le Lego vert peut-il donc tenir ses promesses? «C’est toujours mieux que rien, les entreprises ont un rôle à jouer, elles sont le premier maillon d’une grande chaîne. Il faut faire en sorte qu’elles s’impliquent même si ça semble n’être qu’à petits pas», assure Pierrette Rey, responsable de la communication du WWF. En touchant des entreprises si importantes, elle espère une démultiplication des partenariats, afin que d’autres aillent dans le sens d’une production moins dommageable pour l’environnement.
Selon elle, le fait que l’association de défense de la nature ait dénoncé la culture de la canne à sucre en 2016 et soutienne aujourd’hui l’initiative de Lego ne représente aucunement un conflit d’intérêts: les partenariats avec les entreprises ne forment qu’environ 12% du budget du WWF, ce qui signifie que l’organisation se garde toute latitude pour dénoncer des abus.
Ironie de l’histoire, les premiers Lego étaient en bois. C’est l’incendie de son usine et la Deuxième Guerre mondiale qui ont poussé le fondateur Ole Kirk Christiansen à miser sur le plastique. Aujourd’hui Lego produit 31 milliards de briques par an. La firme annonce que 100% de sa production sera composée de matériaux durables en 2030, et ce dans le monde entier.
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