La quarantaine rugissante
Sept ans après son dernier match en Grand Chelem, la Bâloise s’est qualifiée pour le premier tour de l’US Open, à quatre mois de ses 40 ans. Elle mène une seconde carrière sans pression, pour le plaisir du jeu
Sept ans après son dernier match en
Grand Chelem, Patty Schnyder, qui fêtera ses
40 ans en décembre, s’est qualifiée pour le premier tour de l’US Open. La Bâloise, qui joue d’abord pour se «faire plaisir», affrontera la nuit prochaine Maria Sharapova.
Le samedi 28 mai 2011, Patty Schnyder se présentait devant la presse quelques jours après son élimination au premier tour de Roland-Garros. Avec dans les yeux quelques larmes, dans la voix des trémolos et dans la tête une décision irrévocable: en arrêter là avec le tennis de haut niveau.
Ce mardi 28 août 2018 (mercredi vers 3 heures du matin en Suisse), la Bâloise affrontera pourtant Maria Sharapova devant les 14000 spectateurs du stade Louis Armstrong. Sept ans après son dernier match en Grand Chelem, la revoilà au premier tour de l’US Open. Elle est parvenue à s’extraire des qualifications en domptant successivement Jessica Pegula (WTA 248), Veronika Kudermetova (127) et Maryna Zanevska (218). Contre l’ancienne numéro un mondiale, qui pointe aujourd’hui au 22e rang du classement, elle est loin de partir favorite. Mais quel poids ce genre de considérations peut-il bien avoir sur une joueuse revenue d’entre les retraitées? Patty Schnyder est là pour se «faire plaisir». Pour «profiter».
En progression depuis 2015
Un reporter officiel du tournoi raconte que lors des qualifications, un fan a hurlé à l’intention de l’ancienne septième joueuse de la hiérarchie mondiale (en novembre 2005) qu’elle paraissait aussi jeune que lorsqu’elle avait 22 ans. Elle soufflera pourtant ses 40 bougies en décembre, mais son retour dans le radar du tennis de très haut niveau ressemble bien au parcours d’une jeunette. Depuis qu’elle a ressorti sa raquette, elle progresse.
Après avoir décrété la fin de sa carrière et passé trois années loin du circuit, elle réapparaît dans les tournois ITF – où ferraillent les viennent-ensuite du milieu professionnel et les champions de demain – en 2015. Quelques semaines après ses premiers matches officiels, elle remporte un premier titre à Prague. Trois autres suivront au même niveau de jeu. En 2016, elle retrouve sa place dans des compétitions estampillées WTA. Nous la croisons à Gstaad en juillet, où sa présence relève de la curiosité. Elle se dit ravie de retrouver les tournois plus suivis, un peu moins les rituels médiatiques qui vont avec. Ce qui l’intéresse, c’est le jeu.
Et c’est comme si, petit à petit, elle retrouvait les sensations de son excellente main gauche. Elle pointe au 513e rang mondial fin 2015, au 290e une année plus tard, au 144e le 1er janvier dernier. En avril, les forfaits successifs de Belinda Bencic, Stefanie Vögele et Timea Bacsinszky l’amènent à faire son retour en Fed Cup. Ses efforts contre la Roumanie de Simona Halep restent vains mais le grand public suisse la redécouvre avec surprise et émotion. La championne en profite pour lever le voile sur ses projets: «Voyager en famille, avoir du plaisir sur le court et rejouer quelques tournois du Grand Chelem.»
A l’US Open, dont elle a deux fois atteint les quarts de finale en 1998 et 2008, le public s’enthousiasme pour cette joueuse bientôt quadragénaire qui revient se frotter au plus haut niveau après avoir dit «stop» et eu une fille (Kim, en 2014). «C’est agréable, a réagi l’intéressée lors des qualifications. C’est un très grand tournoi, et pourtant les gens viennent autour de mon court, ils connaissent mon nom, mon jeu, mon histoire, et c’est un sentiment incroyable de voir tout ce soutien.»
Pari déjà réussi
Cela ne fait peut-être que commencer. Les mésaventures de Maria Sharapova avec les instances antidopage, qui lui ont valu une suspension de quinze mois jusqu’en avril 2017 pour usage de meldonium, n’ont pas altéré son statut de superstar. Avec la Russe, Patty Schnyder a ainsi hérité d’une adversaire qui lui garantit une exposition maximale, à défaut de lui baliser une route facile vers un éventuel deuxième tour. En Fed Cup, la Suissesse avait parfaitement pu mesurer l’écart qui la sépare des toutes meilleures…
Mais elle a de toute manière déjà réussi son pari new-yorkais: elle a voyagé, elle a eu du plaisir et elle aura rejoué un tournoi du Grand Chelem. En bonus, elle aura empoché les 54000 dollars promis à toutes les joueuses participant au premier tour. C’est davantage d’argent qu’elle n’en a gagné en jouant au tennis ces deux dernières années.
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«C’est un très grand tournoi, et pourtant les gens viennent autour de mon court. Ils connaissent mon nom, mon jeu, mon histoire»