Heure d’hiver, un biais allemand
En ligne, sur les 4,6 millions d’internautes qui se sont prononcés pour une «heure d’été éternelle», il y avait 3 millions de citoyens d’outre-Rhin. Levée de boucliers des eurosceptiques
Et la Palme est attribuée à… @JeanArthuis, député européen et fondateur d’En Marche!, pour ce beau tweet poétique: «La @EU_ Commission est bien inspirée en proposant de mettre fin au système d’heure d’hiver et d’heure d’été. Rabelais, dans sa sagesse, affirme: «Jamais je ne m’assujettis aux heures: les heures sont faites pour l’homme et non l’homme pour les heures».» Plus prosaïquement, sur ce sujet de controverse permanente depuis presque un demi-siècle, Bruxelles s’appuie sur une consultation publique menée cet été.
«Des millions de personnes ont répondu et sont d’avis qu’à l’avenir, c’est l’heure d’été qui devrait être tout le temps la règle, et nous allons réaliser cela», a expliqué vendredi 31 août le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à la chaîne de télévision allemande ZDF. Et comme par hasard, la proposition a été immédiatement soutenue par Angela Merkel, qui y voit une «très grande priorité». Moins d’enthousiasme, par contre, du côté de Rome, où le ministre de l’Intérieur @matteosalvinimi, membre de la Ligue, a déclaré: «Je n’ai pas de mots, les Italiens paient des milliards pour changer les aiguilles d’une horloge…» a-t-il twitté.
Et s’il fallait encore une preuve de l’instrumentalisation politique du changement d’heure saisonnier, ce samedi, le nouveau correspondant à Paris des quotidiens de Tamedia s’est étranglé dans la Tribune de Genève, considérant que Juncker «insultait la démocratie». «Quelle hypocrisie! Quelle désinvolture envers le citoyen! écrivait-il. Arrêtons le ridicule: on parle ici d’une pseudo-consultation menée au creux de l’été et qui a touché 4,6 millions d’internautes, soit 0,9% de la population européenne…»
De toute manière, chaque Etat membre reste libre d’adopter l’heure qui lui convient et le Parlement européen doit encore approuver cette directive. Faux problème, donc, aux yeux d’un @LucChatel, ex-ministre de l’Education nationale et porte-parole du gouvernement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, lequel estime que «plutôt que de s’occuper du changement d’heure, la Commission européenne ferait mieux de préparer l’Europe aux défis du XXIe siècle, intelligence artificielle, data, défense commune, négociations commerciales sans naïveté avec la Chine et les USA…»
En réalité, ce qui cloche dans cette histoire est à chercher en Allemagne. Et c’est Die Presse, à Vienne, qui met le doigt dessus. JeanClaude Juncker n’aurait «pas vraiment eu le choix», car «une réponse politique était devenue inévitable» à cause de l’énorme succès de la consultation… outre-Rhin. Sur les fameux 4,6 millions de votants en ligne, il y aurait environ 3 millions d’Allemands. Qui ont donc «pesé lourd dans les 80% des personnes s’étant prononcées contre le changement d’heure». Résultat: Bruxelles risque de «provoquer des levées de boucliers paneuropéens» contre une initiative «subitement estampillée allemande».
Jusqu’à ce que @quatremer, sur Twitter, correspondant européen de Libération et blogueur des «Coulisses de Bruxelles», s’en mêle et donne sa propre explication, avec humour: «A la Commission, il y a une hiérarchie des peuples. Tout en haut, les Britanniques, des demidieux dont on ne comprend pas le départ. Juste en dessous, les Allemands. Puis la cohorte des petits et moyens. Tout en bas, les Grecs, les Français et surtout les Italiens.»
Ce à quoi la résidente en Allemagne @parismuenchen répond qu’elle a «voté contre» et se demande «pourquoi les Français n’ont pas voté». Son hypothèse: parce que «les Français de l’Hexagone sont plus occupés à se regarder le nombril qu’à s’intéresser à l’Europe». Sur Facebook, une autre internaute (suisse) écrit: «Je ne suis pas Allemande et j’ai voté. Mais je trouve qu’il y a des problèmes plus importants, non?» Quant à @dmaugis, il se fait plus radical, jugeant que «personne ne s’intéresse a l’Europe et personne ne vote».
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Le changement d’heure n’a pas fini de susciter la controverse.