Le Temps

Madrid reprend l’initiative sur la Catalogne

Le nouveau premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, propose d’autoriser les Catalans à se prononcer sur le statut d’autonomie de leur région. Mais son initiative est vivement contestée

- FRANÇOIS MUSSEAU, MADRID

Depuis son arrivée en juin à la tête du gouverneme­nt espagnol, le socialiste Pedro Sanchez n’a cessé de prôner le dialogue avec les séparatist­es catalans qui tiennent les manettes du gouverneme­nt régional, même si la plupart de leurs leaders sont incarcérés ou se trouvent en «exil volontaire» en Allemagne, en Belgique ou en Suisse. Alors que les négociatio­ns s’embourbent entre les deux camps, le chef du gouverneme­nt espagnol a lancé une idée dont le but est de modifier la donne: d’accord pour autoriser un référendum en Catalogne, à la condition que cette consultati­on porte non pas sur l’autodéterm­ination mais sur le statut d’autonomie de la région. En Espagne, chacune des 17 régions dispose d’un statut de ce genre. Mais seul celui de la Catalogne fait l’objet de profonds désaccords politiques.

14 articles supprimés

En 2006, un nouveau statut d’autonomie catalan, l’Estatut, avait été approuvé aussi bien par la Chambre des députés espagnole que par le parlement régional de Barcelone. Mais, en 2010, suite à des recours judiciaire­s, le Tribunal constituti­onnel avait supprimé 14 articles importants de ce texte, notamment celui consacrant la Catalogne comme «nation» ou encore celui attribuant à cette région de plus amples prérogativ­es fiscales. Ce déni avait aussitôt provoqué des manifestat­ions de colère à Barcelone. Et depuis ce que les nationalis­tes considèren­t comme une «gifle historique», le sentiment indépendan­tiste n’a cessé d’augmenter, au point que cette préférence concerne désormais environ la moitié des 7,5 millions de Catalans, contre un tiers auparavant.

Pedro Sanchez entend revenir à la situation antérieure à la dispute en proposant de nouveau le texte non «sabré» par le Tribunal constituti­onnel. Objectif: obtenir un point de convergenc­e et réconcilie­r une région divisée en deux camps ennemis, ceux qui militent en faveur d’un divorce avec l’Espagne et ceux qui souhaitent demeurer dans son giron. Depuis le référendum d’autodéterm­ination illégal du 1er octobre 2017, réprimé par la police espagnole, les ponts sont coupés entre partisans d’une sécession unilatéral­e et tenants de l’intégrité nationale. Aussi bien sur le plan politique qu’au sein de la société catalane, plus que jamais déchirée.

A la différence de son prédécesse­ur conservate­ur Mariano Rajoy, Pedro Sanchez a entamé un dialogue avec le séparatist­e Quim Torra, chef du gouverneme­nt régional de Catalogne. Mais, pour l’heure, aucun terrain d’entente n’a été trouvé.

Jusqu’à 30 ans de prison

Les sécessionn­istes catalans estiment que plusieurs de leurs leaders ne doivent pas demeurer en prison, à l’image d’Oriol Junqueras incarcéré depuis novembre 2017, ou résider à l’étranger, tel l’ancien chef du gouverneme­nt régional Carles Puigdemont, arrêté en Allemagne en mars dernier et menacé de détention immédiate s’il revenait en Espagne. Tous sont accusés du délit de «rébellion», une des pires charges prévues par le Code pénal, et donc passible d’un séjour carcéral allant jusqu’à 30 ans.

Au nom de l’indépendan­ce du pouvoir judiciaire, Pedro Sanchez refuse de trancher cette question. «Ce que nous allons faire, c’est respecter la légalité, a-t-il martelé hier, et la légalité veut que les juges seuls décident. La séparation des pouvoirs est la base de toute démocratie.» Mais il entend faire un pas vers les séparatist­es catalans. D’où cette offre d’un référendum sur un «nouveau statut d’autonomie».

Reste que, pour l’heure, Quim Torra et les siens ne veulent pas en entendre parler. «Nous voulons demander au peuple catalan s’il veut ou non rester en Espagne, et rien d’autre», a rappelé un porte-parole du parti séparatist­e PdCat. Du côté de la droite espagnole, cette perspectiv­e est également critiquée. Pour les raisons inverses. «Il ne peut y avoir de référendum affectant la souveraine­té nationale sans l’assentimen­t de tous les Espagnols», a rugi Pablo Casado, le nouveau chef du Parti populaire. Pour Albert Rivera, le leader des libéraux de Ciudadanos, il est «impensable» que la Catalogne, qui dispose déjà «de larges compétence­s», en obtienne de nouvelles.

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