Madrid reprend l’initiative sur la Catalogne
Le nouveau premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, propose d’autoriser les Catalans à se prononcer sur le statut d’autonomie de leur région. Mais son initiative est vivement contestée
Depuis son arrivée en juin à la tête du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez n’a cessé de prôner le dialogue avec les séparatistes catalans qui tiennent les manettes du gouvernement régional, même si la plupart de leurs leaders sont incarcérés ou se trouvent en «exil volontaire» en Allemagne, en Belgique ou en Suisse. Alors que les négociations s’embourbent entre les deux camps, le chef du gouvernement espagnol a lancé une idée dont le but est de modifier la donne: d’accord pour autoriser un référendum en Catalogne, à la condition que cette consultation porte non pas sur l’autodétermination mais sur le statut d’autonomie de la région. En Espagne, chacune des 17 régions dispose d’un statut de ce genre. Mais seul celui de la Catalogne fait l’objet de profonds désaccords politiques.
14 articles supprimés
En 2006, un nouveau statut d’autonomie catalan, l’Estatut, avait été approuvé aussi bien par la Chambre des députés espagnole que par le parlement régional de Barcelone. Mais, en 2010, suite à des recours judiciaires, le Tribunal constitutionnel avait supprimé 14 articles importants de ce texte, notamment celui consacrant la Catalogne comme «nation» ou encore celui attribuant à cette région de plus amples prérogatives fiscales. Ce déni avait aussitôt provoqué des manifestations de colère à Barcelone. Et depuis ce que les nationalistes considèrent comme une «gifle historique», le sentiment indépendantiste n’a cessé d’augmenter, au point que cette préférence concerne désormais environ la moitié des 7,5 millions de Catalans, contre un tiers auparavant.
Pedro Sanchez entend revenir à la situation antérieure à la dispute en proposant de nouveau le texte non «sabré» par le Tribunal constitutionnel. Objectif: obtenir un point de convergence et réconcilier une région divisée en deux camps ennemis, ceux qui militent en faveur d’un divorce avec l’Espagne et ceux qui souhaitent demeurer dans son giron. Depuis le référendum d’autodétermination illégal du 1er octobre 2017, réprimé par la police espagnole, les ponts sont coupés entre partisans d’une sécession unilatérale et tenants de l’intégrité nationale. Aussi bien sur le plan politique qu’au sein de la société catalane, plus que jamais déchirée.
A la différence de son prédécesseur conservateur Mariano Rajoy, Pedro Sanchez a entamé un dialogue avec le séparatiste Quim Torra, chef du gouvernement régional de Catalogne. Mais, pour l’heure, aucun terrain d’entente n’a été trouvé.
Jusqu’à 30 ans de prison
Les sécessionnistes catalans estiment que plusieurs de leurs leaders ne doivent pas demeurer en prison, à l’image d’Oriol Junqueras incarcéré depuis novembre 2017, ou résider à l’étranger, tel l’ancien chef du gouvernement régional Carles Puigdemont, arrêté en Allemagne en mars dernier et menacé de détention immédiate s’il revenait en Espagne. Tous sont accusés du délit de «rébellion», une des pires charges prévues par le Code pénal, et donc passible d’un séjour carcéral allant jusqu’à 30 ans.
Au nom de l’indépendance du pouvoir judiciaire, Pedro Sanchez refuse de trancher cette question. «Ce que nous allons faire, c’est respecter la légalité, a-t-il martelé hier, et la légalité veut que les juges seuls décident. La séparation des pouvoirs est la base de toute démocratie.» Mais il entend faire un pas vers les séparatistes catalans. D’où cette offre d’un référendum sur un «nouveau statut d’autonomie».
Reste que, pour l’heure, Quim Torra et les siens ne veulent pas en entendre parler. «Nous voulons demander au peuple catalan s’il veut ou non rester en Espagne, et rien d’autre», a rappelé un porte-parole du parti séparatiste PdCat. Du côté de la droite espagnole, cette perspective est également critiquée. Pour les raisons inverses. «Il ne peut y avoir de référendum affectant la souveraineté nationale sans l’assentiment de tous les Espagnols», a rugi Pablo Casado, le nouveau chef du Parti populaire. Pour Albert Rivera, le leader des libéraux de Ciudadanos, il est «impensable» que la Catalogne, qui dispose déjà «de larges compétences», en obtienne de nouvelles.
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